Projet Internet de rue d’Atd Quard Monde : extrait du rapport final

Un texte coécrit par :

  • Bruno Oudet (Laboratoire Leibniz)
  • Jean-Pierre Pinet (ATD Quart-Monde)

Résumé

Ce projet a validé la démarche d’aller avec un ordinateur connecté à l’Internet à la rencontre de personnes très pauvres dans des contextes différents : (Paris et Val d’Oise, dans la rue, des appartements, des caravanes).
Ces personnes sont intéressées à l’informatique, à ses usages. Elles sont prêtes à s’y former. Au-delà de l’outil, mais lié à sa présence, cette démarche a permis de recréer des liens sociaux.

A travers le développement de plusieurs sites web, les contacts, partenariats, interventions et publications, ce projet a contribué à renforcer le mouvement de prise en compte de cette population. Ainsi la démarche d’aller à la rencontre des personnes les plus pauvres, de les associer à des projets a progressé.

118 animateurs d’espaces ont répondu au questionnaire mis en ligne de janvier à mars 2007.

L’enquête a montré que les espaces numériques constituent un « espace social d’accueil et de formation » pour les personnes très défavorisées qui leur rendent visite. Pour mieux assurer ce rôle il nous semble utile de mettre en place un maillage entre espaces publics numériques à vocation sociale. Ceci suppose bien entendu que le rôle social de ces espaces numériques soit reconnu – et financé.

Notre recherche-action "Internet de rue" s’est évidemment heurtée aux limites dues à l’exclusion elle-même dont font l’objet les personnes rencontrées, à leur situation d’extrême pauvreté, à la difficulté des partenariats, aux manques de contenus existant sur Internet susceptible d’intéresser ces personnes, au matériel et à la connectivité disponibles. Si l’engagement personnel des acteurs de ce projet a permis de lever, contourner ou atténuer une partie de ces difficultés, il n’a évidemment pas pu venir à bout de l’exclusion due à la très grande pauvreté.

Description des actions menées

Dans notre projet, nous avons travaillé pendant une période courte (24 mois dans un processus mobile très lent) avec un nombre limité de personnes. Prendre contact avec la personne la plus pauvre, acquérir leur confiance, trouver un terrain d’intérêt commun est un processus long et délicat.

Nous sommes aussi confrontés à un obstacle permanent : individus et familles qui essayent de faire face une accumulation des problèmes liés à la grande pauvreté ont peu de temps à distraire de ce combat pour la survie [1]. Nous avons cependant pu voir, à travers des exemples concrets, vrais et personnels, ce que l’Internet peut apporter aux communautés à faible revenu. En faisant ainsi nous avons aussi pointé des difficultés rencontrées par d’autres populations exclues, y compris des populations illettrées, des chômeurs, des sans-papiers et les personnes avec des handicaps.

Durant la deuxième année, nous avons également complété notre approche individuelle (une personne, une famille à la fois, quelques personnes dans un camp) par des formations collectives plus près de celle fournie dans des télé-centres. Les groupes participant aux formations étaient des personnes très pauvres et des personnes d’autres milieux connaissant et souvent engagées avec les premières. Cette ’mixité’ préexistante a permis de donner un aspect très ludique à ces formations, dédramatisant l’outil et les usages, permettant ainsi une meilleure progression et une plus grande efficacité. Le fait de toucher d’autres milieux sociaux (populations maghrébines en cité de banlieue, salariés pauvres) a confirmé les résultats acquis précédemment.

Conclusions de l’enquête auprès des EPN sur l’accueil des publics très défavorisés

Nous avons réalisé un questionnaire en ligne pour mieux connaître l’accueil des personnes très défavorisés dans les EPN (Espace Public Numérique).

Le questionnaire de l’enquête a été mis en ligne de mi-décembre 2006 au 30 mars 2007. Il a fait l’objet d’annonces dans plusieurs listes de diffusion d’information : espaces-publics-multimédias, @Brest, Artesi, Créatif. Quelques animateurs ont rempli le questionnaire directement depuis le site d’Internet de rue.

118 animateurs d’espaces ont répondu aux questionnaires dont une quarantaine qui a profité des questions ouvertes pour faire passer leurs messages.

Pour les personnes qui ont répondu, l’accueil d’un public très défavorisé est une préoccupation majeure. Elles pourraient le faire plus et mieux si les ressources nécessaires (surtout en terme de personnels) étaient dégagées. Plusieurs ont souligné qu’elles se sentaient démunies pour répondre à certaines des questions posées par ce public. Pour aider ces animateurs on peut imaginer la mise à disposition d’un numéro vert, d’une adresse électronique qui leur permettrait d’obtenir conseils et informations de personnes compétentes sur des sujets comme la recherche d’emplois, l’accès au logement.

Cette enquête éclaire et complète les résultats déjà obtenus par Artesi ou par le réseau d’espaces numériques brestois. Il corrobore aussi ce que nous avons pu observer à travers le projet « Internet de rue ».
Les personnes très défavorisées sont des citoyens comme d’autres, qui s’intéressent et désirent utiliser les le numérique et Internet. Les usages qu’ils en font sont liés à leurs intérêts et à leurs préoccupations. Bien évidemment, la situation même de ces personnes, leur précarité, demande un investissement humain important allant dans le sens de la (re)création du lien social. Les difficultés auxquelles ces personnes font face sont souvent d’un autre ordre que celui du seul apprentissage de l’informatique
et de l’usage de l’Internet.

Cette enquête montre bien que les espaces numériques constituent (ou peuvent constituer) une « espace social d’accueil et de formation » pour les personnes très défavorisées qui leur rendent visite. Pour assurer ce rôle il nous semble utile de mettre en place un maillage entre espaces publics numériques à vocation sociale. Ceci suppose bien entendu que le rôle social de ces espaces numériques soit reconnu – et financé.

Les résultats et contributions


Réalisations


« Mise en place d’un site, d’un blog du projet, recherche documentaire » :

« Recherche sur le lien pauvreté et TIC dans l’action des EPN »  :

  • Une enquête, dans la suite du rapport sur l’ A ccès public à Internet [2] , réalisée en 2006 par Artési est en cours en collaboration avec le Laboratoire Marsouin [3] (Brest / projet Psaume [4]).

« Définition des postes de travail itinérants (matériels, logiciels) et suivi de l’évolution »

3 postes de travail ont été mis sur pied. Ils comportent chacun : un ordinateur portable (Pentium III, Windows XP, logiciels de bureautique, de navigation et messagerie, de retouche photo, antivirus), une imprimante portable (sur batterie), un appareil photo numérique, une carte ’Business Everywhere’ d’Orange permettant un accès Wifi ou 3G/EDGE ainsi que la connectique et les accessoires nécessaires.

Ces trois postes de travail ont dû être remplacés chacun au moins une fois (dégradation du matériel, problèmes logiciels). L’absence de lecteur de DVD et de graveur a limité une part de l’action. L’utilisation du Wifi a été exceptionnelle : les seuls réseaux accessibles étant payants et d’autre part la dégradation des réseaux GPRS / 3G / EDGE suite au lancement du 3G en région parisienne a limité fortement les possibilités de connexion dans les 12 derniers mois.

« Action sur deux lieux (Paris et Val d’Oise / ATD Quart Monde) : atteindre les plus pauvres

  • Au niveau de l’action, nous avons poursuivi au cours de ces deux ans les liens engagés au début du projet avec des personnes, isolées ou en groupe dans les différents lieux (Paris 19° et 1° arrondissement, Val d’Oise) et développé l’aspect "expression", sur le site du projet comme sur d’autres (Journée mondiale du refus de la misère du 17 octobre)
  • Des collaborations se sont nouées avec d’autres associations et ont donné lieu à des temps d’atelier commun
  • dans le Val d’Oise :

*à Saint-Ouen L’Aumône (dans un projet multi-culturel du quartier de Chennevières),

*à Sartrouville (Cité des Indes) par une participation à un temps fort culturel et des liens avec un théâtre ayant des projets de recueils de la mémoire des habitants,

*à Méry-sur-Oise dans un processus de concertation avec le Maire de Méry, président de l’Association de communes pour la gestion de la Plaine (Situations des Roms).

*À Herblay et Montmagny, par une participation aux Semaines de l’Avenir Partagé.

  • sur Paris, par des liens avec le Centre social de Belleville, le Centre « Emmanuel », avec les Universités Populaires (Belleville et Les Halles), et par la participation de personnes fréquentant le café-rencontre (« Aux captifs la libération ») au projet de bagagerie menée par l’association "Accomplir [5] 5 " en lien avec d’autres organismes.
  • les formations se sont poursuivies à Ermont (MQM) et ont donné lieu à la mise en place d’une salle informatique (3 postes fixes et 2 portables) à destination de formation et d’usage pour les personnes en grande précarité fréquentant le lieu.

« Organisation de trois séminaires de recherche où les différents acteurs mettent en commun ce qu’ils ont appris.

  • 15-17 juin 2005 : Séminaire Internet de rue à Méry-sur-Oise, ATD Quart Monde (8 participants dont 4 de Brest)
  • 25-27 octobre 2005, Séminaire ’Solidarités numériques’ à Brest, ENST (30 participants)
  • 3 – 7 juillet 2006, Séminaire Internet de rue à Méry sur Oise, ATD Quart Monde (8 participants)

en outre, les différents acteurs de ce projet se sont rencontrés mensuellement la première année et régulièrement la seconde (avec plus de lien par messagerie électronique).

Publications, conférences, ouvrages

Interventions (internes / externes) et productions de documents : cf. Document complet (.pdf)

Relations de coopération scientifique ou technique

Des relations de coopération (scientifique et d’action) se sont nouées avec divers organismes.

Partenariats :

- Orange http://www.orange.fr/ (lien 25/10/2006)

- Paris, Ville Numérique http://www.paris.fr/fr/economie/innovation_tic/programme_parvi.asp
(lien 25/10/2006)

Relations de recherche, d’étude

- MARSOUIN : Mole Armoricainde Recherche sur la société de l’Information et les Usages de l’Internet. http://www.marsouin.org/ (lien 25/10/2006)

  • PSAUME : Populations Socialement défavorisées et TIC : Analyse des (non-)Usages, des Médiations et des Expériences. http://psaume.infini.fr/ (lien 25/10/2006)

Relations locales

- Centre Emmanuel (Paris 19°)

  • Association « Soutien 78 - 95 » regroupant divers organismes de soutien aux Rroms : Médecins du Monde, Seccours catholique, Casnav 95, ASET 78 et 95, Asav,... http://www.romanitude.fr (lien 10/05/2007) (Val d’Oise 95)
  • diverses bibliothèques et EPN : Pierrelaye, Méry-sur-Oise,... (Val d’Oise - 95)

[1Joseph Wresinski, Chronic Poverty and Lack of Basic Security, Report of the Economic and Social Council of France, 1987. http://www.movimiento-cuartomundo.org/Grande-pauvrete-et-precarite.html (26/10/2006)

[3http://www.marsouin.org/ (25/10/2006)

[4http://psaume.infini.fr/ (25/10/2006)

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Posté le 21 juin 2007 par Elisabeth Le Faucheur

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