Québec : maintien du moratoire sur les votes électroniques

Extrait du rapport du Directeur Général des Elections au Québec

Le directeur général des élections du Québec, Marcel Blanchet, recommande le maintient du moratoire sur le système de votation électronique. Dans son rapport rendu public le 24 octobre, il constate les ratés de ce mode de scrutin et déclare qu’il est impossible de garantir la fiablilité des résultats du vote municipal du 6 novembre 2005.

Un article repris du Portail Communautaire et du site du Directeur Général des Elections au Québec

Lors de ce vote, 140 municipalités du Québec ont eu recours à ce type expérimental de votation. Les nombreuses pannes tout comme les retards dans la diffusion des résultats ont fait douter de l’efficacité du système. Le DGE relève, entre autres, le manque d’encacrement législatif et administratif ainsi que l’insuffisance des mesures de sécurité.

Rapport d’évaluation des nouveaux mécanismes de votation - Le DGE pose un diagnostic inquiétant sur les problèmes survenus lors des scrutins municipaux du 6 novembre 2005

Le texte du Communiqué

Québec, le 24 octobre 2006 – Le directeur général des élections du Québec, Me Marcel Blanchet, a déposé aujourd’hui à l’Assemblée nationale un rapport d’évaluation qui pose un diagnostic inquiétant sur les problèmes survenus lors des scrutins municipaux du 6 novembre 2005, dans un certain nombre des 162 municipalités du Québec ayant utilisé de nouveaux mécanismes de votation. 140 municipalités ont alors eu recours au vote électronique, alors que 22 municipalités ont « fait l’essai » du vote par courrier. « Les problèmes importants qui ont marqué le déroulement des scrutins et la diffusion des résultats ont ébranlé la confiance de nombreuses personnes à l’égard des nouveaux mécanismes de votation » a rappelé Me Blanchet. « C’est pour faire la lumière sur ces événements et établir les faits que j’ai formé un comité d’évaluation interne, lequel a réalisé un examen sans précédent au Québec. »

Une évaluation approfondie qui a mis l’ensemble des acteurs à contribution

Le comité d’évaluation qui s’est penché sur les scrutins de novembre 2005 a examiné :

  • les rapports écrits de 144 présidentes et présidents d’élection et ceux des trois fournisseurs de services de vote électronique et du fournisseur de services de vote par courrier ;
  • les plaintes reçues par le Directeur général des élections (DGE) à la suite des scrutins, de même que les requêtes présentées devant les tribunaux, ainsi que les jugements rendus par ces derniers.

Le comité a également rencontré en personne la grande majorité des présidentes et présidents d’élection, ainsi que plusieurs intervenants : fournisseurs de services, experts, observateurs et plaignants. Il a en outre réalisé une étude des bulletins de vote rejetés dans sept municipalités, ainsi que des audits techniques des urnes électroniques et des terminaux de votation utilisés lors des élections municipales. Pour cette dernière étape, le comité d’évaluation a eu recours à l’expertise du Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM).

Les problèmes survenus en novembre 2005 sont le fruit d’un ensemble de circonstances

« Nous nous souvenons tous des événements qui ont marqué les scrutins municipaux du 6 novembre dernier », a rappelé le directeur général des élections. « Non seulement des systèmes ont fait défaut, mais les correctifs proposés étaient insuffisants, mal adaptés et souvent tardifs. Le premier objectif de notre évaluation n’a pas été d’identifier un responsable plutôt qu’un autre de ces difficultés, puisque tous les acteurs des scrutins municipaux de 2005 doivent partager une certaine responsabilité », a précisé Me Blanchet. « Si nous avons voulu comprendre certaines situations et nous pencher sur certains problèmes, c’était avant tout pour être en mesure de tracer la voie vers des scrutins électroniques qui, s’ils sont maintenus, devraient être marqués par la transparence et l’intégrité qui sont au centre de nos valeurs démocratiques », a affirmé le DGE.

À la base des dérapages constatés par les différents acteurs des scrutins municipaux de 2005, il faut souligner :

  • un encadrement législatif et administratif qui manquait de précision, notamment en ce qui a trait aux rôles et aux responsabilités de chacun et aux risques inhérents au vote électronique ;
  • une absence de spécifications techniques, de normes et de standards qui auraient garanti la qualité et la sécurité des systèmes de votation utilisés ;
  • des façons de gérer les systèmes de votation (notamment l’insuffisance des mesures de sécurité) qui favorisaient les erreurs, les accidents de parcours et l’absence ou l’insuffisance des solutions en cas de problèmes.

De façon plus spécifique, il est possible de pointer du doigt un certain nombre de circonstances qui ont augmenté les risques :

  • Il y a eu insuffisance de tests réalisés sur les appareils de votation, de contrôles de qualité des composantes des systèmes et de mesures de sécurité visant à protéger les mécanismes de votation et par conséquent, l’intégrité du vote.
  • Dans la plupart des cas, il y a eu absence d’un plan de relève couvrant l’ensemble des problèmes potentiels ;
  • Les processus quant à l’utilisation des systèmes de votation n’étaient pas documentés ;
  • En raison de l’importance des aspects techniques du vote, certains présidents d’élection ont eu du mal à arrimer leurs responsabilités à celles des fournisseurs de services, ce qui a causé, par exemple, des lacunes en ce qui a trait à la formation du personnel électoral.
  • L’un des fournisseurs a surestimé sa capacité à desservir simultanément un grand nombre de municipalités, et particulièrement les plus importantes.
  • Ce fournisseur a probablement délégué trop de responsabilités à des sous-contractants (particulièrement en ce qui a trait à la formation).
  • Des contrats parfois imprécis et des devis incomplets ont balisé les relations entre les municipalités et leurs fournisseurs de services.
  • On a noté l’absence d’une expertise indépendante spécialisée en matière de vote électronique, à laquelle les présidents d’élection auraient pu avoir recours.

« Dix ans d’utilisation du vote électronique sans problème majeur, dix ans de satisfaction croissante de municipalités qui en redemandaient, avaient donné une certaine crédibilité à cette nouvelle façon de tenir des élections », a estimé Me Blanchet. « Ce que nous avons vécu le 6 novembre 2005 et ce que notre examen de la situation nous révèle, devrait nous convaincre que cette voie était beaucoup plus hasardeuse que l’on pouvait le croire », a conclu le directeur général des élections.

Rappelons qu’une élection municipale, au Québec, c’est l’affaire d’un ensemble de partenaires de la démocratie. Ainsi, en vertu de la Loisur les élections et les référendums dans les municipalités (LERM), une municipalité québécoise qui désire tenir un scrutin avec le vote électronique ou le vote par courrier doit signer un protocole d’entente avec la ministre des Affaires municipales et des Régions et le Directeur général des élections. La LERM prévoit en outre que c’est un acteur municipal, le président d’élection, qui est le maître d’œuvre du scrutin et a la responsabilité des opérations électorales, ce qui inclut le respect et l’administration du contrat conclu entre sa municipalité et un fournisseur, par exemple, de systèmes de vote électronique. Le DGE, pour sa part, fournit de l’assistance aux présidents d’élection qui en font la demande et peut, en vertu de ses responsabilités et de son expertise en matière électorale, examiner des situations particulières et faire des recommandations.

Posté le 2 novembre 2006

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