Usage d’Internet et investissement en capital social.

Un article publié par le laboratoire des usages Marsouin

L’objectif de cet article est d’étudier le rôle d’Internet dans la formation du capital social. L’usage d’Internet a-t-il un impact sur la nature et l’intensité des investissements d’un individu dans des réseaux sociaux formels et informels ?

Cette question est d’abord examinée d’un point de vue théorique à l’aide d’un modèle microéconomique d’investissement en capital social.

Puis, à partir de données luxembourgeoises nous tentons d’identifier empiriquement les déterminants de l’investissement en capital social hors Internet et via Internet. Nous mettons en évidence un effet positif de l’usage d’Internet sur l’engagement dans des réseaux sociaux.

Par ailleurs, nous montrons que la majorité des investissements en capital social via Internet viennent en complément des investissements hors Internet (investissements directs), sauf pour les individus ayant connu une mobilité ou une rupture dans le passé (géographique, professionnelle, affective). Ces derniers semblent tirer des bénéfices importants de l’usage de l’Internet, pour entretenir ou renouveler leur capital social.

Mots clefs : capital social, usage d’Internet, fracture numérique.

Extrait de l’introducation

L’usage d’Internet le plus répandu est l’envoi et la réception de courrier électronique. Internet permet ainsi de communiquer avec son entourage (familial, professionnel, associatif...), mais aussi de rencontrer de nouvelles personnes, via les forums, la messagerie instantanée....

De nombreux internautes déclarent ainsi avoir développé des relations avec des personnes rencontrées pour la première fois sur Internet (Parks et Floyd, 1996, Velkovska, 2002).

L’usage de l’Internet accroît-il pour autant la sociabilité des individus ? Pas sûr, si l’on en croit l’étude d’Attewell, Suazo-Garcia et Battle (2003) qui montre que les adolescents qui disposent d’un ordinateur à la maison passent moins de temps à faire du sport ou jouer dehors, que les jeunes n’ayant pas d’ordinateur. Internet pourrait donc isoler les individus en venant se substituer à des loisirs générateurs de liens sociaux [1].

Notre article a pour objectif d’examiner le lien entre l’usage de l’Internet et la sociabilité des individus, et plus particulièrement leur capital social. Le concept de capital social a été initialement développé par les sociologues (Bourdieu, 1980, Coleman 1988, Putnam, 1993), mais depuis quelques années, les économistes ont commencé à s’approprier cette notion et à l’introduire dans leurs travaux, que ce soit en économie du travail, en économie de l’innovation ou plus récemment en économie de l’Internet [2].

Ainsi, concernant Internet, plusieurs études ont souligné le rôle que pouvait jouer le capital social pour acquérir de l’information ou des conseils sur les usages en ligne. Ainsi, Le Guel, Pénard et Suire (2004) ont confirmé l’importance de l’entourage dans l’achat en ligne à partir d’une enquête sur les ménages en Bretagne.

Les auteurs ont montré qu’un individu avait une probabilité beaucoup plus grande d’acheter sur Internet si une large partie de son entourage achetait aussi en ligne. Les travaux de Goolsbee et Zittrain (1999) sur des données américaines mettent en évidence les mêmes effets de voisinage social.

Posté le 16 juin 2006

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