Introduction d’un article publié par l’observatoire des usages Marsoui Florence Le Cam, Denis Ruellan, Bertrand Cabedoche (mai 2006)
L’identité éditoriale de sites de municipalités en Bretagne.
Cette étude sur l’information publique s’est concentrée sur la réalisation d’un panorama des sites de municipalités bretonnes et la sélection de quelques sites en ligne de municipalités, plus spécifiquement ceux de Rennes, Saint-Brieuc, Brest et Lorient.
Le contenu de ces quatre sites a été analysé à partir de la méthodologie développée par Roselyne Ringoot (2004) sur l’identité éditoriale. Cette ligne éditoriale est considérée par l’auteur comme la combinaison de stratégies énonciatives, créant de l’identité éditoriale donc d’une part, comme un construit discursif qui démarque les journaux les uns des autres (centre d’intérêt, ton, style, idéologie...) et d’autre part, comme un préconstruit discursif du journal : politique en matière de titrage, genres, citations... La ligne éditoriale représente aussi ce qui est construit dans le discours du journal.
Cadre de l’étude
Les études sur les médias et le journalisme se consacrent souvent exclusivement aux journalistes employés dans des médias généralistes de renom ou travaillant sur l’actualité politique nationale et internationale, rarement locale. Les recherches se sont parfois étendues, assez récemment, aux spécialistes des rubriques culturelles, économiques, sportives, éducatives... lesquelles donnent aussi lieu à un traitement impliquant un travail intellectuel original et dans lequel le professionnel qui excelle est celui qui fait montre d’agilité critique vis-à-vis de son sujet et de ses sources. Dans le même temps, la recherche tenait à distance, voire discréditait, la forme publicitaire de l’information, quelle soit de nature commerciale ou propagandiste, attitude doublement paradoxale tant les objets d’étude (les médias) sont intrinsèquement liés à cette dimension informationnelle : la propagande politique fut à l’origine du journalisme, notamment à l’orée des démocraties, et la publicité commerciale est le moyen de financement parfois principal, voire exclusif (dans le cadre des médias gratuits, écrits comme audiovisuels), souvent revendiqué comme l’un des viatiques permettant la production critique du journaliste.
Ce privilège donné à la dimension critique et ce désintérêt pour la dimension publicitaire sont en parfait accord avec la représentation que les groupes professionnels de journalistes ont voulu donner d’eux-mêmes depuis un siècle, en quête d’une légitimité sociale qu’ils prétendaient situer dans le champ intellectuel (concurrents des enseignants, des scientifiques, des artistes), avec un rôle éminent (le « quatrième pouvoir ») et à bonne distance des vrais concurrents de leur espace professionnels, les publicitaires, frères de sang avec lesquels ils sont nés il y a 400 ans et dont il fallut s’affranchir pour se tailler un espace de vie.
Les recherches ont trouvé ici leurs limites, normalisantes puisque souvent incapables de percevoir une forme d’information, importante, souvent majoritaire (en volume, en nombre de professionnels et de médias), voire exclusive (dans certains supports), qui occupent des journalistes mais aussi d’autres professionnels, que d’aucuns appellent « information publique » ou « communication publique » (l’hésitation est pleine de sens), que nous avons commencé aussi à travailler sous le terme « information de service public ». Ce terme d’‘information de service public’ nous permet de spécifier la visée performative de la notion à l’égard du public, ce type d’information entendant ‘rendre service’, en rendant à l’émetteur du message une partie de son caractère institutionnel, puisque le terme attache l’acte d’informer aux instances de service public. Simultanément, ce terme permet de spécifier le type d’information observé qui se situe à la frontière de l’information et de la communication, empruntant certains traits à l’une ou l’autre sphère et, tout en restant ancré dans le domaine d’une communication institutionnelle voire politique, de lui attribuer un peu du caractère journalistique dont elle se prévaut et qu’elle laisse transparaître.
Cette forme de journalisme doit être étudiée, en elle-même et relativement à d’autres, tout aussi ignorées. L’étude de l’« information de service public » nous conduit à considérer les relations de coproduction entre information et communication, et notamment les interactions entre journalistes et communicants qui, dans certains cas, peuvent être utiles au social, même si elles demeurent parfois conflictuelles. Nous devons considérer le champ de l’information comme un vaste espace de compétition et de coopération dans lesquels les « joueurs » ont des intentions parfois de possession ou manipulation des autres, parfois ils recherchent la convergence et donc la coopération, tous tendus vers un même objectif, l’accès au public. Les compétitions/coopérations ont souvent pour théâtre les médias à économie traditionnelle, mais de plus en plus on voit apparaître que ce que certains appellent des « médias de source » (médias organisés par des sources) (Sant’Anna, 2006). Cette « information publique » apparaît alors comme un vaste champ de compétition/coopération dans lequel l’intention de « service public » est au principe de tout, mais sans que l’on puisse ignorer que des intentions plus intéressées coexistent aussi.
Il nous faut observer le contenu des médias pour mieux percevoir la réalité du phénomène ; mais il faut aussi avoir une ambition socio-discursive, c’est à dire qui puisse mettre en corrélation des discours et des pratiques, des produits et des manières de les produire. Un vaste chantier qui conduit à étudier les organisations qui possèdent des médias, les projets éditoriaux, les moyens, les continuums productifs, les acteurs, les produits, la réception et l’économie générale en terme de relations entre les discours et la production de ceux-ci.