Design : de l’usager-fourmi à l’usager-citoyen en passant par les communs ?

J’aime beaucoup ces deux images issues du guide de l’innovation centrée usager, disponible en ligne depuis octobre 2014. La région PACA est une collectivité pionnière en matière d’innovation publique et dans ce schéma proposé par Fabien Labarthe, sociologue de la culture et des usages du numérique et Renaud Francouest chef de projet à la Fondation internet nouvelle génération (FING) on voit bien le caractère cyclique et progressif du processus.

Pour autant, l’usager est ici un « usager fourmi » observé avec un loupe d’entomologiste. Il est expert de ses usages mais en aucun cas il n’est co-décisionnaire de la manière dont le dispositif final sera mis en place et géré. Que décide-il ? Quelle mise en capacité lui est proposée ? Aux usagers l’usage, aux designers et aux fonctionnaires le choix (bienveillants, on espère) de la forme finale du dispositif du politique publique.

Dans quelle mesure le pouvoir d’agir du couple fonctionnaires-designer est-il capté par ceux qui sont implicitement légitimes pour décider du fait de leurs compétences ? Dans quelle mesure cette approche des politiques publiques est-elle un simple transfert du pouvoir de décider de la forme des dispositifs depuis un groupe qui fait souvent mal (les fonctionnaires en charge des dispositifs numériques par exemple) à un groupe qui fait souvent bien mieux (les (web)designers) en oubliant ceux qui sont pourtant au centre au moment où il faut faire des choix ? Pour illustrer, voici l’une des échelles de la participation proposée par Galimaties, Bureau d’écoute, un bureau d’accompagnement de projets participatifs en urbanisme : du faire-savoir au savoir-faire.

Bien sûr les designers ne décident pas directement, et ils sont les garants d’un processus de conception dans lequel ils font appel à l’analyse des usages. Mais sans nier les expertises, ce processus ne peut-il mieux intégrer des phases de décision dont la gouvernance serait explicite ? La plupart du temps, ces décisions sont implicites, heureusement souvent pour le meilleur !

Est-il possible, et comment, d’adjoindre à ce ce duo designer-fonctionnaire non pas seulement un usager-expert-de-ses-usages mais l’usager-citoyen capable de co-décider et de cogérer ? C’est bien un des grands enjeux des liens entre acteur public et communs. Si on imagine que la ressource est le dispositif (service ou objet) qui est au coeur du projet de conception, quelles formes pourraient prendre les règles de gouvernance autour de la production d’un prototype et comment y intégrer une parole citoyenne qui ne soit pas représentative mais qui cherche la mise en capacité de citoyens volontaires ? Si la co-conception est un processus qui est très légitimement cristallisée par un designer dans la production d’un objet ou d’un service, comment articuler ses décisions à un système de gouvernance qui en fait une démarche collective perçue comme légitime ? A quel moment la gouvernance choisie par le groupe est-elle susceptible de créer une confiance capable non pas seulement d’adapter des dispositifs aux usages mais de rendre confiance dans l’efficacité de l’action publique, de véritablement TRANSFORMER ?

Je n’ai pas les réponses à ces questions mais je trouve que c’est un sujet à explorer à travers le paradigme des communs. Pourquoi ?

  • Parce que les communs se développent à partir d’une « ressource » ou d’un objet ou d’une action qui est très facilement assimilable au prototype que visent bon nombre de démarches de design.
  • Parce qu’il n’y a pas de commun sans communauté identifiée : une équipe stable, impliquée dont il faut dessiner les formes et les rythmes de l’engagement et de la gratification
  • Parce qu’il n’y a pas de communs sans gouvernance, sans prise de décision, et que cela peut inciter à décider ensemble de comment décider de ce qu’il adviendra d’un dispositif construit ensemble

J’ajouterai que le terme de ressource dans les communs est de plus en plus questionné car il suppose une passivité et une absence de rôle dans la gouvernance. Et si, comme le propose entre autres Lionel Maurel, on donnait une place aux non-humains dans ces dispositifs de gouvernance ? On pourrait alors imaginer qu’un dispositif de politique publique autour d’un Parc naturel intègre… le parc en lui donnant un rôle. En pratique un citoyen ou un groupe serait désigné pour défendre « les droits de la ressource » (les droits de la nature) qui prendrait ainsi part à la gouvernance de son avenir… et aux choix concernant les projets qui ont une influence sur elle.

Encore une fois, je n’ai pas les réponses voici pour synthétiser et tenter de clarifier une carte des différences et des enjeux communs entre design et participation citoyenne :

et les enjeux communs :

Et si une des voies pour créer des symbioses citoyennes était dans les réponses à ces questions ? Deux pistes pour finir :

L’exploration continue ! Qu’en pensez-vous ?

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Via un article de admin, publié le 3 juin 2019

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