Comment les collectivités peuvent-elles réguler les plateformes numériques ? 3/3

Suite de l’étude sur les modèles économiques des collectivités. Après la cartographie des nouvelles plateformes qui font la ville et les critères pour évaluer leurs impacts, voici les nouveaux modes de régulation proposés par cette excellente étude menée par les cabinets ibicity, Espelia et Partie Prenante. L’ensemble des résultats est proposé sur ce site, en intégralité et de manière très attractive et lisible, c’est un travail remarquable que je vais suivre attentivement en reprenant dans une série de billets les éléments marquant dans la série des Schémas_inspirants.

le point de départ :

Nous l’avons vu, la transformation du paysage des opérateurs urbains rend insuffisants, voire inopérants, les outils les plus utilisés classiquement par les collectivités pour gouverner les services urbains (notamment via la commande publique). Pour continuer à agir, les collectivités sont désormais dans l’obligation de diversifier leurs postures et de mobiliser de nouveaux leviers de régulation

La collectivité comme autorité régulatrice

Dans cette posture, la collectivité conserve son rôle de régulateur mais élargit le recours au levier règlementaire pour organiser les services urbains. La réglementation ne porte plus uniquement sur le service lui-même (à travers les obligations d’intérêt général). Elle vise surtout à encadrer les relations entre opérateurs.La collectivité veille à la bonne articulation entre les différents maillons de la chaîne.

La collectivité comme agrégateur d’intérêt général

Cette deuxième figure est sans doute la plus volontariste face aux nouveaux entrants. Il s’agit de positionner la collectivité comme un agrégateur d’intérêt général, en intégrant sur une même plateforme l’ensemble des services urbains disponibles sur son territoire.

L’exemple cité est le site Que faire Paris qui recense les activités et évènements organisés dans la capitale, en accordant une large place aux pro-grammes soutenus par la ville. Mais force est de constater que ce positionnement d’agrégateur est souvent le fait d’acteur privés, comme CityMapper pour les transports.

La collectivité comme autorité facilitatrice

Le rôle de la collectivité consiste alors à réduire les cloisonnements entre les différents secteurs de services urbains et à impulser de nouveaux croisements entre des chaînes de valeur jusqu’ici dissociées.Le développement des appels à projets urbains innovants de type Réinventer témoigne de cette posture. Tout en s’émancipant du cadre de la commande publique, ces concours invitent les acteurs de l’aménagement à se rapprocher de ceux de l’immobilier (centrés sur l’exploitation) et des opérateurs de l’énergie et de l’économie circulaire.

La collectivité comme mutuelle territoriale

La posture de la mutuelle a pour but de garantir la résilience de la ville servicielle, en cas de défaillance d’un opérateur. Du fait de l’interdépendance croissante entre les acteurs des services urbains, ce risque de défaillance devient de plus en plus prégnant : un seul maillon vous manque, et tout est perturbé. Et ce alors même que chaque opérateur se focalise sur son propre maillon, sans se soucier du bon fonctionne-ment du reste de la chaîne

Trois leviers d’action sont précisés :

La tarification :

Pour corriger cette distorsion, les collectivités pour-raient notamment développer des stratégies de tarification des ressources clefs dont elles disposent, plus en amont de la chaîne de valeur (approches B to B ou B to B to C). Cette logique a par exemple été adoptée dans des services publics qui ont été libéralisés, comme l’électricité où l’ensemble des usagers, quel que soit leur fournisseur d’énergie, paient un tarif dédié à la couverture des coûts associés au réseau, garant notamment de principe d’intérêt général comme la continuité du service et la péréquation territoriale. Demain, cette approche pour-rait être déclinée pour l’usage de l’espace public de certains jeux de données pour d’autres services urbains tels que ceux relevant de la mobilité.

Le domaine public

Infrastructure des infrastructures, l’espace public devient ainsi le lieu de superposition des opérateurs traditionnels et des nouveaux entrants, au sens propre comme au sens figuré. Il constitue ainsi un espace de régulation décisif, sur lequel les collectivités ont gardé la maitrise. Trois pistes peuvent être mentionnées, pour éviter les conflits d’usages et mieux valoriser cet actif stratégique au service de l’intérêt général. Premièrement, les collectivités pourraient davantage se saisir du levier règlementaire pour encadrer les nouveaux services proposés sur leur territoire. Face à des opérateurs globalisés qui se jouent des frontières nationales, l’espace public sert de corde de rappel pour obliger les nouveaux entrants à se conformer aux règles locales… voire pour évincer du territoire un opérateur dont le service est jugé néfaste pour l’intérêt général.

Les données

Tout l’enjeu consiste à appréhender la data comme la matière première (ou la monnaie d’échange) de nouveaux partenariats à construire entre les collec-tivités et les opérateurs urbains (qu’ils soient histo-riques ou nouveaux entrants), comme l’a montré l’exploration Datacités. C’est par exemple l’initiative mise en place à Rennes, avec la création d’une régie métropolitaine de la donnée.

J’aime beaucoup la conclusion de cette étude :

L’espace public, la tarification, les données : ces trois leviers ne sont pas nouveaux. Ils ont accompagné l’émergence des services urbains lors de la mise en place des grands réseaux techniques. Mais ils prennent aujourd’hui une importance renouvelée pour asseoir la place de la collectivité dans la régu-lation et l’organisation des services urbains proposés sur son territoire. Les réflexions stratégiques en la matière se multiplient, mais elles sont encore trop cloisonnées. Ces trois leviers restent abordés séparément. L’approche par les modèles économiques montre au contraire que c’est en combinant ressource-clé (l’espace public), activité-clé (la tarification) et partenaires-clé (via la donnée) que les collectivités pourront gouverner les nouveaux éco-systèmes d’opérateurs urbains.

Vivement la saison 3 dont voici le pitch !

Il s’agira de décliner les outils élaborés dans une diversité de contextes territoriaux, de projets poli-tiques et de configurations institutionnelles. Est-il possible de construire un modèle de gouvernance de ces nouveaux écosystèmes urbains spécifique à chaque territoire ? Quelle est la diversité des stra-tégies à déployer pour peser sur les opérateurs pré-sents sur le territoire et / ou pour en attirer d’autres ? Quels modèles économiques mettre en place pour viabiliser cet élargissement de l’offre de services ur-bains sans que cela se traduise par une hausse des budgets publics ?

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Via un article de admin, publié le 23 mai 2019

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