L’argent public devrait servir les communs plutôt que l’industrie alimentaire !

Chez SavoirsCom1 nous connaissons depuis longtemps OpenFoodfacts, et nous sommes plein d’admiration pour ce projet qui existe depuis 2012, année de la création de notre collectif. En 2013 voici ce que nous disions de ce projet. :

Ce projet s’insère totalement dans notre manifeste touchant aux conditions d’appropriabilité de l’information. C’est contre ces enclosures qu’il nous faut nous élever, en ayant à l’esprit que les enclosures peuvent aussi bien être le fait du monde marchand que du monde non marchand.
Le point 5 du manifeste de SavoirsCom1 est clair à ce sujet :

5. L’ouverture des données publiques dans des conditions qui évitent les enclosures doit favoriser des cercles vertueux. Quand il s’agit de favoriser le développement de nouveaux modèles d’affaires, cela doit se faire dans des conditions de “partage à l’identique” où ce qui est créé et vendu de manière exclusive ne doit pas être la ressource mais les services qui lui sont associés.

A l’époque quand nous présentions le projet pas grand monde croyait à l’idée d’une base de données des aliments mais en quelques années ce communs de la connaissance a explosé comme ils l’expliquent sur leur site !

OpenFoodfacts est en train de devenir ce que Wikipédia est à la connaissance ou l’Open street map à la cartographie !

En 2018 Open Food Facts a fait le plein ! Plein de nouveaux participants, plein de nouveaux utilisateurs de notre appli mobile, plein de nouveaux produits dans la base, plein d’enthousiasme, plein de projets et plein d’idées pour multiplier encore l’impact de notre base collaborative, indépendante et citoyenne de données ouvertes sur les produits alimentaires. En 12 images, voici quelques uns des moments qui ont marqué cette année exceptionnelle pour le projet.

Open Food Facts en France

1. En un an, le nombre de produits alimentaires vendus en France référencés dans notre base est passé de 170 000 à 460 000 ! Un grand merci à toutes les contributrices et tous les contributeurs qui ont ajouté tous ces nouveaux produits et saisi leurs informations dans la base !

A l’heure où les territoires font beaucoup d’efforts autour du bien vivre et de l’alimentation, que croyez vous que l’État souhaite faire avec ce projet qui est devenu la principale source d’applications mobiles massivement utilisées pour évaluer la qualité nutritionnelle et éthique des aliments dans les supermarchés comme Yuka ? Il contribue à la reprise en main de l’industrie alimentaire en soutenant le projet de l’ANIA (lobby des industries alimentaires) qui vise à… faire une autre base de données, mais cette fois sous contrôle des industries. En un mot, l’État a choisi d’encourager l’enclosure industrielle plutôt que les communs capables d’influencer l’industrie.

L’ANIA, le lobby de l’industrie alimentaire, a annoncé son projet Num-Alim pour créer « la 1ère plateforme numérique de données ouvertes, fiables et exhaustives sur les produits alimentaires ». Il existe déjà une base de données libre et ouverte sur les produits alimentaires : Open Food Facts, un projet citoyen lancé en 2012 qui référence 700 000 produits et dont les données – vraiment ouvertes – ont permis la création de plus de 100 autres services et applications (comme Yuka, Foodvisor et Scanup) et la réalisation d’études scientifiques pour faire avancer la recherche et améliorer la santé publique.

Derrière cette annonce du projet Num-Alim, il est facile de voir la réaction de l’industrie alimentaire à la popularité croissante de la base et de l’application Open Food Facts et des autres applications nutritionnelles qui ont été rendues possibles grâce à l’ouverture réelle de notre base. Mais il est évident que vouloir contrôler l’information pour retrouver la confiance des consommateurs est une réaction contre-productive qui ne pourra qu’engendrer plus de défiance. Ce dont a réellement besoin l’industrie alimentaire, c’est de plus de transparence, pas d’une mainmise sur les données.

Si l’ANIA veut véritablement œuvrer pour l’information des consommateurs, pour retrouver leur confiance et pour encourager le développement des pratiques vertueuses, alors nous l’invitons plutôt à encourager les producteurs à apporter directement les données et photos de leurs produits à Open Food Facts. C’est non seulement gratuit pour producteurs, mais cela fera économiser 6,2 millions d’euros aux porteurs du projet (dont 3,1 millions d’euros d’argent public).

Si on peut comprendre que les intérêts des industries soient bousculées par Open Food Facts, il reste scandaleux que l’État choisisse de donner 3,1 millions d’euros d’argent public à l’ANIA ! Cette somme représente 50% de l’investissement dans le projet des industriels comme le rapport Libération dans cet article. A titre de comparaison, Open Food Facts parvient difficilement à lever 10 000 Euros à l’issue d’une campagne de financement participatif !

Le plus intéressant dans cette histoire déprimante est de comprendre pourquoi le projet Open Food Fact est infiniment plus intéressant que n’importe quelle base de données propriétaire contrôlé par un groupe d’industriels. Lisez bien ce qui suite c’est remarquablement bien expliqué sur le blog d’Open Food Facts, et c’est une véritable leçon pour tout ceux qui s’intéressent aux données ouvertes.

Nous avons présenté plusieurs fois à l’ANIA Open Food Facts et le concept de données ouvertes que l’ANIA continue malheureusement d’utiliser à tort dans sa présentation de Num-Alim comme une « plateforme numérique de données ouvertes ».

Rappelons donc encore une fois que les données ouvertes (open data en anglais) ont une définition bien précise : elles doivent être diffusées selon « une licence ouverte garantissant son libre accès et sa réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière ». S’il faut adhérer à GS1, payer une cotisation ou une redevance, utiliser nécessairement une API, et/ou accepter des conditions d’utilisations qui limitent les usages et la redistribution des données, alors ce ne sont pas des données ouvertes, c’est une base privée qui fournit un service privé comme le fait par exemple Google avec Google Maps, sans garantie sur l’évolution des conditions d’accès à ce service (Google a ainsi récemment rendu payant de nombreuses réutilisations de Google Maps qui étaient précédemment gratuites).

Nous pensons que les données sur les produits alimentaires sont d’intérêt public, et qu’elles doivent être publiques. C’est pour cela que les données de la base Open Food Facts sont ouvertes et diffusées selon la licence Open Database Licence (ODbL) qui garantit un accès complet, gratuit, irrévocable, par tous et pour tous usage. L’ensemble de la base peut être téléchargé gratuitement, sans inscription ou identification, et sans qu’il soit nécessaire de passer par une API.

C’est parce que nos données sont vraiment ouvertes qu’elles sont réutilisées par plus de 100 applications (et il ne s’agit que de celles que nous avons remarquées car les réutilisateurs ne sont pas identifiés ou tenus de nous prévenir). Ces données ont permis la création de startups comme Yuka, Foodvisor, Scanup et bien d’autres qui touchent des millions de consommateurs, mais leur diffusion ont aussi permis de multiples autres usages non commerciaux ou touchant un plus faible nombre de personnes, comme par exemple les applications anti-gaspillage Date Limite et No Maggot, ou l’application Verydiab pour les diabétiques.

L’ouverture réelle des données permet également leur utilisation par les scientifiques du monde entier. La base Open Food Facts est ainsi citée dans plus de 150 articles scientifiques. Le libre accès aux données permet de rendre la recherche plus transparente, plus collaborative et plus efficace.

Comment les soutenir ?

Via un article de SavoirsCom1, publié le 19 janvier 2019

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