Où l’on comprend ce qu’est le Design, grâce à Stéphane Vial

J’aime beaucoup l’approche de Design de Stéphane Vial. J’avais découvert cet auteur pour son approche de la technique, en lisant l’excellent l’être et l’écran qui m’avait vraiment marqué et dont j’avais rendu compte dans ce billet écrit à partir du film Demain.

Dans le Court Traité du Design, paru en 2010, il écrit :

Par usage, j’entends l’utilisation d’un objet de design en tant qu’elle constitue une expérience-à-vivre.

Par expérience-à-vivre, j’entends une manière d’agir, de sentir et de penser qui résulte d’un effet de design.

Par objet de design, j’entends ce qui a fait l’objet d’un processus de design.

Par processus de design, j’entends la démarche créative visant à produire un effet de design.

Par effet de design, j’entends un résultat à trois dimensions se produisant dans un usage et le transformant en expérience-à-vivre.

Pour résumer cette vision je propose ce schéma avec l’exemple des vélos en libre service qui me semble une bonne illustration des trois dimensions de l’effet de Design, approfondies ci-après :

Pour clarifier voici un extrait du Court Traité :

Je propose d’appeler effet de design ce à quoi œuvre le design. Par là, j’entends que le design, avant d’être un espace, un produit ou un service, est principalement un effet qui advient dans un espace, un produit ou un service. Cela signifie que le design n’est pas un étant mais un événement, non pas une chose mais un retentissement, non pas une propriété mais une incidence. Comme le dit très justement Kenya Hara, le design ne consiste pas à concevoir « des choses qui sont » – things that are – mais à concevoir des « choses qui se passent » – things that happen[4][4] Kenya Hara, op cit., p. 467.. Autrement dit, le design est un événement performatif : avant d’être quelque chose, il est quelque chose qui a lieu.

(…)

En premier lieu, l’effet de design est un effet callimorphique. Par là, j’entends que le premier effet du design est un effet de beauté formelle. Faire du design, c’est d’abord créer des formes – que celles-ci soient spatiales, volumiques, textiles, graphiques ou interactives – et chercher à leur donner un style, un caractère, une expression.

(…)

En deuxième lieu, l’effet de design est un effet socioplastique. Par là, j’entends que le second effet du design est un effet de réforme sociale. En créant de nouvelles formes artistiques, il s’agit de refondre du même coup les formes sociales de la vie. Inventer de nouvelles manières d’exister ensemble et côte à côte. Cela est rendu possible par le fait que les formes qui naissent du design, contrairement à celles qui naissent de l’art, ont une valeur d’usage, c’est-à-dire une utilité matérielle. Elles sont mises sur le marché pour répondre à des besoins et, à ce titre, elles circulent dans les différents secteurs de la vie quotidienne à travers tout le corps social. Le design commence là où demeure déjà une valeur d’usage. Toutefois, la valeur d’usage ne produit par elle-même aucun effet de design. Elle est simplement une condition préalable requise qui fonde la possibilité d’un effet de design socioplastique.

(…)

En troisième lieu, last but not least, l’effet de design est un effet d’expérience. Par là, j’entends quelque chose qui à la fois unit et amplifie les deux effets précédents tout en les débordant. Par effet d’expérience, je veux dire que le design est avant tout quelque chose qui augmente l’empirie d’usage, en agissant sur l’expérience utilisateur. D’origine anglo-saxonne, la notion d’expérience utilisateur désigne l’ensemble des perceptions, émotions, représentations et actions qu’un objet de design suscite de manière subjective chez un usager. Considérer le design comme un effet d’expérience, c’est non seulement l’envisager comme « centré sur l’utilisateur », mais aussi le définir fondamentalement comme quelque chose qui se vit, s’éprouve, s’expérimente. C’est même à cela qu’on le reconnaît. Là où il y a du design, l’utilisateur en ressent immédiatement l’effet, précisément parce que son expérience s’en trouve instantanément transformée, améliorée, augmentée.

Dans cet article en accès libre, il propose une définition du projet en Design comme une certain manière de faire du projet. Stéphane Vial, « De la spécificité du projet en design : une démonstration ».

Pratiquer le projet en design, c’est concevoir en fonction d’un idéal du monde un dispositif artéfactuel complexe qui donne forme à des usages autant qu’il produit des connaissances, en réaction à une demande ou à une insatisfaction, et grâce à une méthodologie rigoureuse en constante évolution qui vise, de manière créative et innovante, à améliorer l’habitabilité du monde.

On pourrait résumer comme suit : Concevoir des expériences à vivre pour rendre le monde habitable. Je trouve cette définition magnifique car elle s’inscrit dans une approche philosophique dite « non-moderne » incarnée par exemple par Bruno Latour, à laquelle je suis de plus en plus sensible et qui sert de fondation à ce blog. Pas si loin des communs non plus ! Si je reprends une définition des politiques publiques proposée dans l’article éponyme sur Wikipédia :

les politiques publiques peuvent également être décrites comme « un ensemble d’actions coordonnées, réalisées par une puissance publique, dans l’optique d’obtenir une modification ou une évolution d’une situation donnée ». Étudier leur impact permet de décrire la capacité qu’a une puissance publique à gérer les attentes et les problèmes propres à la société ou au pan de société concerné(e) et à agir en fonction d’une stratégie publique, de court, moyen ou long terme. Les domaines concernés peuvent être de toute nature : infrastructure, santé, famille, logement, emploi, formation professionnelle, recherche, fonction publique, crise, déficit… 

Alors le design des politiques publiques consiste pour les acteurs publics à contribuer à rendre le monde habitable par des dispositifs produisant des effets de design. CQFD, au boulot pour avancer dans cette voie.

 

Symbioses citoyennes

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Via un article de admin, publié le 5 septembre 2018

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