Loi numérique : le libre accès sans communs

En fin de compte, comme je le notais en novembre dernier, on s’achemine vers un libre accès sans communs.

Tandis que les débats en commissions ont abouti à une loi open access très satisfaisante les amendements (CL616, CL617) visant à intégrer une définition positive des communs informationnels ont été rejeté hier en commission des lois. Même si la mesure n’aurait pas eu d’effets concrets immédiats, elle comblait une déficience majeure du code de la propriété intellectuelle : les “non-propriétés” intellectuelles (idées, données brutes, œuvres dans le domaine public) ne sont définit que négativement ; il n’y a aucune base pour empêcher leur appropriation ou attaquer en justice les auteurs de copyfraud.

L’absence des communs fragilise, par contrecoup, la loi sur le libre acccès. Dans la précédente rédaction les données de la recherche étaient assimilées à des “choses communes”. Faute d’une définition applicable au champ informationnel dans la loi française, une qualification plus faible et ambiguë a dû être retenue : elles sont en “libre accès”.

Deux dispositions étroitement associées aux amendements précédents et qui auraient pu former l’embryon d’une législation plus étendue sur les communs ont été également remis en cause.

L’exception au titre du text mining (CL344 et CL463) a été directement rejetée (alors qu’elle bénéficiait d’un large soutien transpartisan avec des amendements similaires en provenance de communistes, d’écologistes, de socialistes et de Républicains). Le rapporteur de la commission des lois, Luc Bellot, et la ministre Axelle Lemaire ont invoqué l’absence d’exception actuellement autorisée à Bruxelles et les discussion en cours visant à en créer une à l’échelon européen — sans trop s’attarder sur le fait que le Royaume-Uni dispose d’une telle exception depuis un an et demi.

Pour la liberté de panorama c’est un peu plus compliqué. Le rapporteur de la commission des lois a accepté de proposer une version excluant toute réutilisation commerciale moyennant le retrait de l’amendement. Autant dire que cela ne solutionnerait rien pour la plupart des grandes communautés de la connaissance sur le web (qui, à l’instar de Wikipédia ou de Wikimedia Commons utilisent des licences libre de type CC-BY-SA), ni pour de nombreux usages numériques amateurs (une publication sur Facebook ou l’écriture d’un blog financé, même faiblement, par de la publicité sont aisément assimilables à des usages commerciaux). Les revenus, apparemment considérables, que perçoivent les architectes sur les “magnets” valaient sans doute bien la peine de maintenir une machine à gaz de moins en moins appliquée et qui a disparu en Allemagne depuis un siècle et demi.

Sciences communes

URL: http://scoms.hypotheses.org/
Via un article de Pierre-Carl Langlais, publié le 16 janvier 2016

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