La France reconduit la licence nationale d’Elsevier

Le consortium Couperin, qui représente les universités et établissements hospitaliers français vient de renouveler pour 5 ans une licence nationale avec Elsevier, le leader mondial de l’édition scientifique. L’information est officielle… sans l’être vraiment. À ma connaissance, on ne la trouve encore nulle part sur le site de Couperin ou du Ministère de l’Enseignement supérieur. Seules quelques universités s’en font discrètement l’écho. Ainsi en est-il d’une école de Management de Nantes :

Les possibilités de consultation des revues éditées par Elsevier via la plateforme Science Direct ont changé ! La négociation a été longue et pleine de rebondissements, mais le consortium Couperin, l’Agence Bibliographique de l’Enseignement Supérieur et l’éditeur Elsevier sont finalement arrivés à un accord : désormais la « Freedom Collection » d’Elsevier est accessible aux abonnés à ScienceDirect, dans le cadre d’une licence nationale

Il n’y a en effet pas de quoi triompher. D’après mes informateurs, l’opération représente un investissement de 172 millions d’euros sur cinq ans (171 697 159 € 27 c. exactement, soit 34 339 431 € 85 c. par an).

Certes, l’accord couvre l’accès de plusieurs centaines d’universités et de centres hospitaliers. Certes les sommes engagés ne sont probablement pas supérieures à ce qui était dépensé par le passé (le déficit systématique de transparence sur les licences nationales conclues avec Elsevier ne permet pas d’en juger).

Seulement, la recherche française est à la diète : des universités sont en situation de quasi-faillite ; les autres se préparent quatre ans de galère ; le gouvernement reste sourd à la mobilisation des chercheurs. Et la non-reconduction de l’accord n’aurait pas seulement généré des économies appréciable : elle aurait accéléré la conversion de l’édition scientifique au libre accès, en mettant les responsables de la recherche publique au pied du mur. Création de nouveaux modèles éditoriaux (basé, par exemple, sur les épirevues), réforme de critères d’évaluation obsolètes, adoption d’une loi à l’Allemande suspendant les droits de l’éditeur au bout d’un an : toutes ces évolutions salutaires seraient devenues indispensables. On tenait là l’occasion idéale de réformer un système vermoulu de toute part. On vient de la louper.

Prisonnier d’un jeu où les dés étaient pipés d’avance, le consortium Couperin s’est sans doute bien débrouillé. Il a obtenu un rabais non négligeable de 15 millions d’euros par rapport à la somme initialement envisagée dans un document confidentiel de février (188 millions d’euros). La licence de data mining a été clarifiée et limite partiellement les prétentions d’Elsevier à revendiquer un droit d’auteur sur l’information et les données “brutes”. Les multiples réactions suscitées par la divulgation du document de février par Daniel Bourrion et par sa reprise sur Rue89 ont sans doute aidé…

Vous pouvez déjà consulter sur Sciences communes la clause de data mining contenue dans le contrat. Je publierai plusieurs compléments dans les prochains jours, notamment si j’arrive à obtenir les documents du marché (a priori ils seraient communicables). Et, si vous disposez d’informations supplémentaires sur le sujet n’hésitez pas à me contacter.

À défaut de pouvoir contester cet accord définitivement acté, je vais lui faire un peu de publicité…

Sciences communes

URL: http://scoms.hypotheses.org/
Via un article de Pierre-Carl Langlais, publié le 4 novembre 2014

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