Un nouveau tour de magie pour Harry Potter : faire disparaître le droit de lire

Depuis le 16 juillet, des millions d’exemplaires du dernier Harry Potter viennent se sont vendus à travers le monde.

Mais avant cette date, un supermarché canadien de Coquitlam en Colombie Britannique avait déjà vendu 14 exemplaires du livre par erreur : le diffuseur canadien de l’ouvrage avait oublié d’inclure la notice destinée à rappeller cette obligation au vendeur.

Reprise du commentaire de JB Soufron sur JuriBlog
à propos
de l’interdiction faite à quelques acheteurs précurseurs d’Harry Potter
de lire l’ouvrage dont ils disposaient...

Face à l’inquiétude de voir la teneur du scénario de l’ouvrage se répandre, le distributeur décide de contacter l’auteur J.K Rowling et son éditeur Bloomsbury. Ensemble, ils décident alors de se tourner vers la justice pour essayer de trouver une solution à ce problème.

Mais au lieu de seulement chercher à obtenir une quelconque ordonnance interdisant au libraire de continuer la vente de ces livres et l’obligeant à réparer leur préjudice, les ayants-droit décidèrent aussi de se retourner contre les 14 lecteurs qui avaient déjà acheté les ouvrages en leur demandant de retourner les ouvrages à la librairie.

Mais au lieu de se limiter à cette mesure déjà fortement discutable, ils réclamèrent surtout le droit d’interdire aux acheteurs de lire le livre et d’en discuter le contenu, sous quelque forme que ce soit. Ils allèrent même jusqu’à essayer de les obligerà à fournir les noms et les coordonnées des gens avec qui ils auraient pu en parler.

Au-delà de la simple cessation du trouble subi, c’est donc directement à des attributs de la liberté de conscience et de la pluralité nécessaire à toute démocratie que se sont attaqués les ayants-droit de Harry Potter. Si l’on résume les faits à leur plus simple description, l’éditeur d’un livre pour enfant s’est en fait adressé au tribunal d’un état démocratique pour obtenir l’ordre d’empécher les gens de lire un livre et d’en discuter librement, le tout se fondant sur les règles du droit des marques et du droit d’auteur.

D’un pur point de vue juridique, le choix de ces fondements ne peut que laisser songeur. En effet si la propriété intellectuelle garantit un certain nombre de droits exclusifs, le droit de lire n’en fait certainement pas partie. Tant les statuts du copyright que le code de propriété intellectuelle se font singulièrement discret sur les usages autorisés au public après l’achat d’une oeuvre de l’esprit. en ce qui concerne la littérature et pour autant qu’on puisse en juger, il est possible de lire un livre, de le revendre ou même de s’en servir comme d’un cale-porte. Le choix des ayants-droit d’Harry Potter de se fonder sur le droit du copyright pour empécher la lecture du livre par le public s’apparente donc en fait à une tentative de création d’une nouvelle forme de licence d’utilisation imposant des obligations supplémentaires extra-legem.

Une leçon anglo-saxonne à mettre en parallèle avec les dérives identiques qui avaient entourées en France l’affaire jeboycottedanone et perenoel.fr.

Le commentaire sur juriBlog

Posté le 11 août 2005

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