Contribution de Yoann Duriaux pour le Forum des usages coopératifs

Étude exploratoire des Tiers-Lieux comme dispositif d’incubation libre et ouvert de projet

Présentation

Tout ce qui touche au « libre » au niveau des idées… et au « durable » au niveau de la matière ! #TICA

Me qualifiant d’"Entrepreneur Chercheur", j’ai fait le choix de mon modèle de vie en ne séparant plus mes objectifs personnels avec mes projets professionnels, j’ai donc besoin pour cela de donner ou trouver du sens à mon travail.

Très occupé au développement des "Tiers Lieux Libres et Open Source" en France dans la dynamique du projet MoviLab, je concentre actuellement mes efforts sur la création d’une Fondation Européenne permettant de développer mondialement la méthodologie MoviLab et co-créer le "Linux des Tiers Lieux" en libre et open source.

Description du projet

Cette contribution fait suite à la rédaction du manifeste des Tiers Lieux. Nous avons depuis beaucoup travaillé sur la notion desmodèles économiques des Tiers Lieux et la notion d’incubateur naturel de projets d’innovation sur un territoire que constitue le processus des Tiers Lieux.

C’est à l’occasion de la dernière rencontre de l’Association Internationale de Management Stratégique qui se déroulait Rennes que Antoine Burret a publié cet article qui contextualise et synthétise notre recherche/action à Saint-Etienne.

Résumé de l’article d"Alain Burret sur Movilab

Cet article présente les Tiers-Lieux comme des dispositifs permettant le partage de savoirs, la mutualisation de ressources et la création collective de biens communspour favoriser la résolution de problèmes de société. Il interroge en filigrane la transférabilité des systèmes de partage et de co-création propres au monde du logiciel libre pour la conception, la création et la production de nouveaux produits ou services à valeur ajoutée.

L’évolution actuelle dans le champ de la recherche en entrepreneuriat tend à prendre en considération la dimension sociale de l’acte d’entreprendre. L’angle purement technique et mécanique est délaissé au profit d’une approche prenant en compte des facteurs intangibles tel que l’apprentissage collectif, le travail en réseau, l’exploration et la part d’inconnue inhérente à l’acte de création. Cette variation justifie l’attention portée actuellement sur certains types de dispositifs émergents tels que les espaces de travail collectif/collaboratif et par extension les Tiers-Lieux. Cependant il existe un amalgame terminologique entre les espaces de travail collectif/collaboratif et les Tiers-Lieux. En effet, si initialement le terme Tiers-Lieu a été introduit pour commenter la naissance de nouveaux lieux, intermédiaires entre le domicile et le travail, adaptés à un style de vie urbain, individualisés et mobiles, la constitution d’un réseau francophone des Tiers-Lieux Libre et Open Source offre de nouveaux éléments. L’observation du parcours de création de ce réseau, de son mode de travail ainsi que l’analyse de son document manifeste, permet d’affiner la compréhension de ce concept et de ses modalités d’applications.

Il apparaît ainsi qu’un lien ténu relie les Tiers-Lieux et le monde du libre notamment au niveau des licences et dans la manière dont les savoirs intègrent un patrimoine informationnel commun sur lequel tout un chacun peut s’appuyer. A partir de ces données, cet article analyse une expérience menée autour et par les Tiers-Lieux à Saint-Étienne sur l’accompagnement de projets entrepreneuriaux et associatifs dans une logique libre et ouverte. Cette expérience vise à générer de nouvelles valeurs en articulant les ressources préexistantes d’un territoire autour de situations collaborative de travail, d’un même système d’information et d’un modèle de gouvernance propre. L’enjeu est de permettre aux porteurs de projets de s’organiser en réseau et de consolider un socle commun de savoir sur lequel ils s’appuient pour ensuite développer leurs propres produits ou services. Cette approche évoque éminemment les pratiques de création et de production à l’œuvre dans le champ des technologies libres. Elle offre également un axe de réflexion original sur la manière dont les Tiers-Lieux peuvent permettre aux organisations privées, publiques et associatives de repenser leurs approches stratégiques à l’aune des transformations qu’opèrent les technologies numériques sur notre société.

Introduction

Dans la suite de ses recherches sur l’économie du savoir ou l’économie cognitive, Yann Moulier Boutang avance la théorie d’un passage d’une économie basée sur l’échange et la production vers une économie de pollinisation et de contribution (Moulier Boutang, 2007, 2010). Selon cet auteur, la numérisation croissante des échanges d’informations scientifiques et techniques engendre une circulation des savoirs qui va bien au-delà de ceux qui les ont initialement produites. En s’enrichissant par symbioses et mutations, ces savoirs représentent un capital cognitif conséquent qu’il s’agit aujourd’hui d’appréhender et de valoriser afin d’élaborer de nouveaux produits et services.

Pour développer cette thèse Moulier Boutang s’appuie notamment sur l’observation et l’analyse des mécanismes d’organisation et de production mis en œuvre dans le mouvement du logiciel libre. Ici l’architecture de création spécifique aux technologies libres et la manière dont elle encadre les processus créatifs semblent être une source d’inspiration. En effet, depuis une trentaine d’année, les acteurs des technologies libres ont développés tout un attirail de modèle d’affaires, de licences, de modèle de financement qui permettent de faire travailler en bonne entente des acteurs aux profils et aux ambitions différentes. Dans le domaine informatique, les acteurs convergent dans l’idée que la mutualisation des savoirs doit permettre d’avancer plus vite. Plutôt que de réinventer « la roue » chacun dans son coin, chaque individu partage ce qu’il fait et permet aux autres de se le réapproprier (Elie, 2008). Ce système est à la source de nombreuses innovations dans le monde. Sur internet, des plateformes appelées « forges » et souvent qualifiées d’ « usines à collaborer » (Elie, 2008), permettent la collaboration de nombreuses personnes travaillant sur le même code. La forge fournit les outils permettant d’arbitrer les conflits s’ils ont lieu. Elle fournit également des outils de communication ou de travail collaboratif qui permettent de s’informer, de poser une question, d’y répondre, de produire de la documentation, de fabriquer des paquetages, de les télécharger, etc. Aussi les processus au cœur de l’économie du libre favorisent la co-création par l’utilisation de licences et de modèle économique adaptés. Le savoir existant intègre un patrimoine informationnel commun, ce qui permet son partage, son amélioration progressive et sa réutilisation. En s’appuyant sur les Tiers-Lieux comme interface permettant de faire travailler ensemble un grand nombre d’acteurs hétérogène autour de projet (Leonard, Yurchyshyna, 2013), cet article souhaite questionner en filigrane la transférabilité des systèmes de partage et de co-création propre aux technologies libres pour la conception, la création et la production de nouveaux produits ou services à valeur ajoutée.

Dans un premier temps, les différents dispositifs d’accompagnement à l’entrepreneuriat seront analysés afin de mettre en avant les particularités de chacun des dispositifs existants. Ensuite, les mécanismes de production propres à la gouvernance libre seront étudiés. A partir de ces éléments, le concept de Tiers-Lieux sera approfondi. En effet, si le terme Tiers-Lieu désignait de manière assez vague une certaine typologie d’endroit, il semble désormais que se précise de plus en plus ce à quoi ce terme est rattaché. Ces précisions permettront d’envisager les Tiers-Lieux comme des dispositifs favorisant le développement économique des territoires. Pour ce faire, l’observation et l’analyse de l’architecture de création générée autour et par les Tiers-Lieux à Saint-Étienne sur l’accompagnement de projets entrepreneuriaux et associatifs dans une logique libre et ouverte donnera de premiers enseignements. L’enjeu de cette expérience est d’appréhender les Tiers-Lieux comme des dispositifs permettant le partage de savoirs, la mutualisation de ressources et la création collective de biens communs pour favoriser la résolution de problèmes de société.

Posté le 28 juin 2014 par Michel Briand

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