Une tribune publiée sur Acrimed : Droit d’auteur : Le rapt audiovisuel

Dans le modèle français de l’audiovisuel, cinéma et télévision confondus, rien n’est plus hautement glorifié que le droit d’auteur à la française, qui en est en quelque sorte le coeur palpitant. Dans la réalité de notre audiovisuel, rien ne semble aujourd’hui plus ignoré, plus généralement bafoué que ce droit.

Introduction de l’article publié le lundi 11 juillet 2005
par Acrimed, ’observateur critique des médias

Nous publions ci-dessous, avec son accord, une « tribune » de Claudine Sainderichin, publiée dans Libé le jeudi 23 juin 2005. Il s’agit de la version abrégée d’une contribution dont le texte intégral est disponible en fin article. [Acrimed]

Le législateur définit la qualité d’auteur, l’oeuvre protégeable et le principe de la rémunération due à l’auteur. Chaque fois que l’oeuvre est exploitée, l’auteur doit « percevoir » une rémunération versée sous forme de droits d’auteur. Mais le simple fait de « percevoir » ne suffit pas. Cette perception doit être calculée sur la bonne assiette. L’assiette repose sur les recettes générées par l’exploitation ou le prix payé par le public, sauf exceptions strictement limitées. Cette assiette est la seule qui offre aux auteurs une réelle visibilité sur l’exploitation de leurs oeuvres. Le taux de la rétribution est « librement » négociable par les parties. Cependant, des taux dérisoires ou qui rendent illusoire toute récupération des à-valoir versés sur la participation proportionnelle sont des fraudes à la loi. En France, l’auteur qui se consacre à l’écrit n’est pas un intermittent du spectacle : sa protection repose sur les dispositions légales du code de la propriété intellectuelle. Sans auteur, qu’il soit auteur de télévision ou de cinéma, l’oeuvre n’existe pas, et sans oeuvre, le paiement en droits d’auteur n’a pas de raison d’être.

L’audiovisuel, sensible sans doute à l’art du travestissement, a procédé à des « habillages juridiques » et transformé les rémunérations proportionnelles en paiements au forfait. Dans un paysage qui était encore, il y a à peine plus de vingt ans, réduit aux seules salles de cinéma et aux trois chaînes de télévision contrôlées par l’Etat, tout le monde s’en accommodait. Les auteurs de cinéma pouvaient par ailleurs être intéressés aux profits des producteurs, et l’esprit de la loi était préservé. Lors de l’exploitation télévisuelle, les auteurs percevaient des redevances via la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), qui gérait leurs droits de représentation télévisuelle.

Avec la multiplication des chaînes privées, câblées, terrestres, numériques, l’expansion irrésistible de la vidéo grâce au DVD (la France est le pays d’Europe où l’équipement des foyers en lecteur DVD est le plus élevé), l’apparition de nouveaux modes d’exploitation via la télédiffusion (pay-per-view et vidéo à la demande), l’Internet, la TV sur les mobiles et enfin (surtout ?) la toute-puissance de certains diffuseurs qui sont aussi vendeurs, éditeurs vidéo, distributeurs et fournisseurs de téléphonie, d’accès, de services et autres tuyaux à remplir, le monde de l’audiovisuel a radicalement changé. Et, comme toujours, l’éclipse du droit et l’oubli de la loi a profité aux puissants. On a exploité et commercialisé, au cours de ces dernières années, de nombreux vidéogrammes sans droit ou sans rémunération licite. Ces exploitations illicites ou sauvages n’ont guère soulevé d’émotion ou de réaction. A ce jour, les auteurs sont les seuls lésés. Les grands bénéficiaires de ces opérations, sous leurs multiples casquettes de diffuseurs-distributeurs-éditeurs, n’ont guère été préoccupés d’indemniser qui que ce soit.

A cette adresse Acrimed vous proposera aussi une version complète de cet article de Claudine Sainderichin, juriste.

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Posté le 13 juillet 2005

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