Tela Botanica, le réseau collaboratif des botanistes francophones

Daniel Mathieu est chercheur au CEA (Commissariat à l’Energie Atomique). Il est membre de plusieurs associations naturalistes et président fondateur du réseau Tela Botanica. Il enseigne par ailleurs principes et pratiques du travail collaboratif en réseau selon une approche systémique dans diverses écoles et universitésest président de l’Association Tela Botanica. Pour Captain Doc il analyse les raisons du succès proliférant d’un site et d’un réseau unissant professionnels, étudiants et amateurs.

Reprise de l’interview
de Daniel Mathieu publiée par Captain Doc , guide de la documentation électronique éditée par INIST Diffusion, filiale du CNRS / INIST

Captain Doc : Pouvez-vous présenter en quelques mots le réseau Téla Botanica ?

Daniel Mathieu : Face à l’importance grandissante des enjeux liés à la protection des ressources de la planète et à la nécessité de leur exploitation durable, il importe que la botanique retrouve une place prépondérante au croisement des nombreuses disciplines qui portent sur la connaissance des plantes et du monde végétal : floristique, systématique, taxonomie, phytosociologie, phytogéographie, chorologie, écologie végétale, ethnobotanique, etc.

Le Réseau Tela Botanica, créé en 2000, a pour vocation de contribuer au rapprochement de tous les botanistes de langue française au travers de ces multiples disciplines. Il s’adresse à toutes les personnes, physiques ou morales, intéressées par la connaissance et la protection du monde végétal, dans une éthique de respect de la nature, de l’homme et de son environnement.

Il permet à chacun de participer à des forums de discussion et au montage de projets collectifs portant sur la répartition des végétaux, la création de bases de données, la réalisation d’articles, d’ouvrages et d’outils informatique, le recensement des herbiers et des collections végétales, l’indexation des revues botaniques, l’harmonisation de la nomenclature végétale, etc.

Captain Doc : Comment vit ce réseau, qui y participe et pour quelles productions de contenus ?

D. M . : En ce milieu d’année 2005, le réseau Tela Botanica regroupe 3 600 botanistes répartis dans plus de 50 pays. Sa croissance est rapide - 4 à 5 personnes par jour en moyenne - démontrant ainsi qu’il répond à un besoin sociétal de dimension internationale.

Le choix d’utiliser Internet comme media exclusif de communication limite son accès aux seuls botanistes connectés au net, mais le pari d’une croissance rapide et continue des internautes est un pari gagnant à moyen terme.

Ce média présente l’avantage de pouvoir mettre en relation des individus répartis sur un territoire discontinu et de dimension mondiale. Il permet également de faire communiquer entre elles des personnes aux profils très différents et complémentaires : étudiants, professionnels, amateurs, retraités... Ainsi les plus savants répondent aux questions de ceux qui apprennent, les amateurs qui ont du temps disponible réalisent des tâches que les professionnels ne peuvent effectuer, les étudiants impulsent des dynamiques que les plus anciens n’oseraient pas mettre en oeuvre...

Ainsi, des membres du réseau ont révisé l’intégralité de la nomenclature des plantes présentes en France, soit plus de 80 000 noms. Cet index sert aujourd’hui de référence au Muséum National d’Histoire Naturelle pour le recensement de la biodiversité nationale.

Autre exemple, les botanistes du réseau ont collecté et saisi les références de la majorité des textes publiés en langue française sur les plantes depuis 1850, soit plus de 25 000 articles ! Cette base bibliographique, unique en France, est référencée par Agropolis International dans sa bibliothèque ouverte sur Internet.

Ces données, et bien d’autres, sont accessibles librement sur le site du réseau.

Captain Doc : Comment êtes-vous arrivé à y associer autant de personnes ? Comment se passe la coopération entre amateurs éclairés professionnels ?

D. M . : La clé du succès de Tela Botanica repose sur plusieurs principes de base dont les principaux sont la gratuité de la collecte et de la diffusion du savoir, la facilité d’adhésion et d’accès au réseau, l’usage raisonnée des TIC.

Ces principes ont été adoptés dès la création du réseau en s’inspirant notamment des travaux de Jean-Michel CORNU "La coopération, nouvelles approches" et de l’expérience du réseau national "Ecole et Nature" d’éducation à l’environnement.

Ajoutons à cela, l’opportunité d’avoir pu embaucher, grâce au dispositif "emploi jeune", des informaticiens et animateurs qui ont su donner corps à l’ensemble du dispositif et lui conférer dès sa création un niveau de qualité professionnelle.

Aujourd’hui l’équipe Tela Botanica s’appuie sur les compétences de quatre permanents qui interviennent sur de nombreux autres réseaux, en appui aux utilisateurs qui souhaitent mettre en pratique les mêmes principes ou utiliser les outils informatiques mis au point dans le cadre du réseau des botanistes.

Captain Doc : Pourquoi la production de contenus se fait-elle aussi en dehors des institutions ? et pourquoi ce choix de contrats creative commons ?

D. M . : Le succès de Tela Botanica repose, comme nous l’avons vu, sur la mise en relation de nombreuses disciplines et compétences allant de la botanique de terrain à la maîtrise du Web dynamique. Peu d’institutions sont capables d’une telle mobilisation interdisciplinaires sur un même thème, trop cloisonnées dans leur spécialités ou occupées à défendre leur pré carré. La force du réseau est de "prospérer dans les failles d’un système qui se fracture", selon les terme d’Olivier Auber.

Concernant le statut des ses productions en matière de propriété intellectuelle, Tela Botanica a choisi d’une part de développer tous ses logiciels en open source sous licence CeCILL (version française de la GNU-GPL préconisée par le CEA, le CNRS et l’INRIA) et d’autre part de publier ses documents et autres index sous licence "creative commons". Ces choix sont en harmonie avec les principes de don et de partage qui fondent le succès du réseau avec comme objectif la production de "biens communs" au service de la communauté humaine

Propos recueillis par Michel Briand

A propos de tela-botanica

  • en ligne une nouvelle version du site Internet |->www.tela-botanica.org] organisé autour de « 7 mondes » de la botanique dédié chacun à une activité différente et que nous vous laisson découvrir par vous même.
Posté le 5 juillet 2005 par Michel Briand

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