Creative Commons, un bon moyen pour remettre le droit d’auteur à sa place

L’art L.111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle confère à tout auteur d’une œuvre de l’esprit « un DROIT de PROPRIÉTÉ INCORPORELLE, exclusif et opposable à tous. Ce droit naît du seul fait de la création de l’œuvre, sans qu’AUCUNE FORMALITÉ DE DÉPÔT ou d’enregistrement ne soit nécessaire [1]. La durée du droit d’auteur s’étend sur toute la vie de l’auteur, plus soixante-dix ans, au profit de ses héritiers ou autres ayants-droit. »

Que ce soit dans la législation française ou anglosaxone, le droit d’auteur (respectivement copyright) a été introduit à la fin du 18ième siècle dans le but de favoriser la création et la diffusion des œuvres de l’esprit : respect de l’œuvre et de son auteur, juste rémunération de celui-ci et passage de l’œuvre dans le domaine public dans un délai raisonnable (14 ans dans la première mouture de la constitution américaine en 1790). En outre, le droit français, en conférant d’un côté à l’auteur un droit de paternité inaliénable a, de l’autre, offert à la collectivité le droit à la copie privée, le droit de courte citation et le droit à la parodie.

Malheureusement, on constate que ce judicieux équilibre entre intérêt privé et intérêt général a été régulièrement grignoté au cours du 20ième siècle, par l’entrée dans le paysage culturel de puissants lobbies qui ont obtenu du législateur une augmentation graduelle de la durée du droit d’auteur.
Dans ces vingt-cinq dernières années, avec l’arrivée puis le déploiement à grande échelle des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) qui ont démultiplié formidablement les capacités individuelles à diffuser et à reproduire les œuvres, on assiste à une accélération du phénomène. Celui-ci se concrétise par un dispositif répressif accru et mondialisé : traité ADPIC [2] (1993), création de l’OMPI (1996), le DMCA (1998), l’EUCD (2001). Ces traités, une fois traduits dans les législations nationales, engendrent une pénalisation extrêmement lourde des contrefacteurs [3]. En outre, ils permettent d’étendre le champ délictueux. Ainsi, la transposition de la directive EUCD demain [4] dans le droit français est susceptible de qualifier de délit l’usage, ou la mise à disposition, d’un moyen permettant de contourner les dispositifs de protection des médias numériques, dits anti-piratage. Le problème, en l’occurrence, est que la mise en place de ces dispositifs dénie le droit à la copie privée inhérent à la législation française. Copie privée qui semble actuellement d’ailleurs la proie d’un grignotage organisé avec l’assentiment de certains tribunaux.

Si on ne peut effectivement évacuer d’un revers de main la question de la rémunération des auteurs, on est quand même en droit de s’indigner de la criminalisation des contre-facteurs à laquelle on assiste ces derniers temps avec un alourdissement spectaculaire des sanctions. Dans une affaire récente, une amende de 15 000 euros a été prononcée à l’encontre d’un internaute échangeant des films sur un réseau P2P. Attention, s’il vous prend l’envie aujourd’hui de lire un livre à haute voix dans un jardin public, réfléchissez y à deux fois, vous pourriez être taxé de contre-facteur.
Mais, même si le combat est inégal (financièrement parlant en tout cas), la résistance s’organise. Le concept de “bien commun” retrouve tout son sens à notre époque du “tout marchand”. La voie est déjà tracée grâce aux militants du Logiciel Libre (LL) qui ont bâti une démarche aujourd’hui très aboutie. Cette fois, il s’agit de préserver l’accès aux biens culturels avec toute la fluidité apportée par les nouvelles technologies et ce, non pas au préjudice des auteurs, mais avec leur concours. À l’instar de Richard Stallman pour le LL, Lawrence Lessig a lancé le projet Creative Commons (CC) au sein de l’Université de Stanford en 2001. Ce projet vise à offrir à tout créateur, qui souhaite faire partager son œuvre, mais qui n’est pas nécessairement un familier du droit d’auteur, des outils pour définir le statut de diffusion et d’exploitation de celle-ci. Ce projet s’est étendu aujourd’hui à de nombreux pays. Fin 2004, une traduction des licences CC adaptée aux spécificités du droit français a été officiellement mise en place. Pour en connaître les modalités, nous vous invitons à consulter le diaporama de présentation cité en référence documentaire. Et pour une mise en pratique immédiate, vous pourrez examiner le détail du contrat de licence sous lequel est placé cet article [5] directement sur le site de Creative Commons : http://creativecommons.org/licenses....

Gérald Ouvradou

Sources documentaires

  • Ludovic Pénet Intervention Autour du Libre 2004 : Le contexte législatif du logiciel libre, transparents disponibles en téléchargement sous licence CC (by-nc) ici : http://www.autourdulibre.org/articl...
  • Gérald Ouvradou : « Les licences Creative Commons, un bon moyen pour les créateurs pour stimuler la diffusion de leurs œuvres », diaporama réalisé dans le cadre des réunions thématiques du Graal, 18 mars 2005

http://picolibre.enst-bretagne.fr/p...

Note de la Rédaction :

[1Le dépôt légal n’est requis que pour les publications destinées à la vente.

[2On trouvera la signification de ces sigles dans l’exposé de Ludovic Pénet cité en référence.

[3Les médias et les grands éditeurs lui préfèrent le terme de “pirate”, certes sans fondement juridique, mais qui frappe « mieux » les esprits.

[4Le projet de loi DADVSI (Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information pour les humains) transposant la directive EUCD est censé être examiné en première lecture à l’Assemblée Nationale le 7 juin 2005.

[5Cet article est placé sous licence Creative Commons "Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage des Conditions Initiales à l’Identique - Licence France" © Gérald Ouvradou 2005 .

Posté le 26 mai 2005 par ouvradou

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