L’heure du papillon a sonné ... (Un point de vue exprimé par Philippe Cazeneuve Philippe Cazeneuve)

Quel avenir pour CRéATIF ?

Je lis dans l’ordre du jour de la prochaine AG cette interrogation : Faut-il « maintenir l’association » ou relancer une nouvelle dynamique « en s’ouvrant à d’autres acteurs, d’autres réseaux … » ?
Bien qu’ayant quitté l’association il y a plusieurs années, en tant que membre fondateur, ce questionnement sur l’avenir d’un projet collectif auquel j’ai donné beaucoup de temps, m’interpelle. Je me permet donc de vous livrer mes réflexions et je serais heureux que les participants à l’AG prennent quelques minutes pour en prendre connaissance.

Commençons par un peu d’histoire, car il est difficile de savoir où l’on va quand on ne sait pas d’où on vient. Avant de se structurer sous forme associative, CRéATIF a existé pendant presque 2 ans comme un réseau de personnes porteurs d’initiatives locales, d’où l’acronyme « CRéATIF » pour « Collectif des Réseaux d’Accès aux Technologies de l’Information en France ». Faut-il rappeler qu’à l’époque les réseaux sociaux n’existaient pas, la blogosphère non plus et les outils de veille partagée et de curation de contenus pas davantage …

Il y avait très peu de contenus en ligne sur nos initiatives, nous étions très isolés sur nos territoires et chacun déployait beaucoup d’efforts pour inventer la roue dans son coin. Se connaître et se reconnaître comme faisant partie d’un même mouvement d’idées, alors que nous venions d’horizons différents a été fondateur d’une identité commune. Au-delà des dispositifs et labels locaux, régionaux ou nationaux, une même volonté nous animait : nous étions en train de construire les bases opérationnelles de ce qui allait s’appeler l’accès public à Internet et au multimédia, puis la médiation numérique.

Les fils conducteurs du travail de l’association ont été d’organiser et d’animer des rencontres entre les porteurs de projets, de repérer des initiatives et de donner à voir les résultats obtenus et les processus mis en oeuvre, de questionner les enjeux de la diffusion des technologies numériques en terme d’équité d’accès et d’appropriation par tous les publics, d’être force de proposition pour accompagner la structuration de la filière, en terme d’emploi et de formation.

Après le temps des pionniers, est venu le temps de la consolidation. De nombreux territoires ont développé à leur tour une politique d’incitation à la création de lieux d’accès et/ou souhaité structurer et mettre en réseau l’existant. L’association est devenue au fil du temps un espace de dialogue et de coordination entre chargés de mission territoriaux, ainsi qu’une plateforme de mutualisation permettant de co-financer des projets tels que la collection de guides ou de co-organiser des interventions lors d’évènements et congrès nationaux.

La difficile succession de Michel Briand à la Présidence est symptomatique d’une crise profonde qu’il convient de prendre le temps d’analyser. Depuis 2011, aucune des collectivités adhérentes de CRéATIF n’a souhaité proposer un(e) candidat(e), élu(e) ou technicien(ne). C’est le signe qu’après le temps de l’institutionnalisation où l’association a été un partenaire privilégié pour la DUI, la Caisse des Dépôts et les Régions sur les questions d’accès public et de médiation numérique, voici que s’annonce la fin d’un cycle.

Comme les êtres vivants, les projets collectifs et les associations vivent et meurent. Ce n’est pas dramatique, c’est dans l’ordre des choses. La chenille meurt pour donner naissance au papillon. Mais pour que cette métamorphose réussisse, celui-ci doit se débarrasser de son enveloppe terrestre, pour gagner librement le monde aérien.

Il me semble que le temps de la refondation est venu. Qui dit refondation, dit nouvelle dynamique collective, nouvelle charte donnant le sens de l’action commune, nouveaux statuts indiquant les règles de fonctionnement …
Bref, il me paraît utile et nécessaire de clore officiellement le chapitre CRéATIF afin de faciliter l’émergence et le développement de nouveaux espaces de rencontre.

Je vous invite à considérer l’avenir de vos projets collectifs sous cet angle. L’association n’est pas une fin en soi et elle peut se révéler une source de pesanteur, au lieu d’être le levier espéré.

Je vous souhaite des échanges fructueux et des désaccords féconds.

Posté le 4 février 2014 par Philippe Cazeneuve

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