L’automne numérique, et après ?

Red Leaves. Par Chang’r. CC-BY-ND. Source : Flickr

Red Leaves. Par Chang’r. CC-BY-ND. Source : Flickr

Notre collectif note des avancées indéniables du discours de la Ministre de la Culture et de la Communication concernant la prise en compte de l’ouverture des données, qu’il s’agisse de données ou de contenus. Lionel Maurel l’a très bien exprimé dans ce billet :

Il s’est produit cette semaine une série d’évènements et d’annonces faites par le Ministère de la Culture dans la cadre de « l’Automne numérique« , qui traduisent un changement d’orientations significatif en faveur de l’ouverture. J’ai critiqué la politique culturelle qui a été conduite dans ce pays pendant des années sous l’ancien gouvernement et celui-ci n’avait pas jusqu’à présent réellement modifié le cap. Mais depuis plusieurs mois, on avait commencé à relever des signes encourageants en faveur de l’ouverture, notamment avec la parution en mars dernier du Guide Dataculture sur la réutilisation des données culturelles, et la publication d’une feuille de route Open Data en juillet

Au niveau des Licences libres force est de constater que pour la principale mesure annoncée « Valoriser sur la plateforme culture.fr les ressources culturelles numériques mises à disposition sous licences Creative Commons » le compte n’y est pas (encore ?). Au moment où la volonté d’une politique d’Education artistique et culturelle est affirmée, l’ensemble des données mises en ligne sur le portail Histoire des Arts est soumis aux conditions générales d’utilisation du site culture.fr. Ces conditions constituent une enclosure juridique inacceptable. Si les métadonnées du portail sont bien mises en ligne sous licence ouverte, ces contenus à vocation pédagogique sont enclos ! En substance :

Par conséquent, l’utilisateur s’engage à ne faire aucune reproduction ou représentation, totale ou partielle, à titre gratuit ou onéreux, à titre publicitaire, commercial ou non commercial, hors du cadre privé, des éléments de son espace personnel ou de tout contenu présenté sur le site Culture.fr, sur quelque support que ce soit et par quelque moyen que ce soit. Il est rappelé que toute reproduction ou représentation hors du cadre privé d’un contenu protégé par le code de la propriété intellectuelle sans autorisation
est constitutif d’un délit de contrefaçon. »

En l’absence d’un accord exprès du Ministère de la culture et de la communication sur la dite demande, seule une réutilisation à des fins strictement privées, réservée à l’usage personnel de l’intéressé, sera consentie.

Il faut noter le paradoxe, alors même que L’Histoire des arts est obligatoire pour tous les élèves de l’école primaire, du collège et du lycée (voies générale, technologique et professionnelle)….

Il est également prévu un terme d’un accord entre le Ministère de la Culture et Microsoft que le portail Histoire des Arts soit mis à disposition au sein de la classe immersive proposé par Microsoft. En soi, la mise à disposition d’une telle ressource dans cet environnement ne constitue pas une enclosure, mais uniquement si sa réutilisation est libre par ailleurs, ce qui n’est pas le cas actuellement. Si le portail Histoire des Arts était librement réutilisable, il pourrait être utilisé dans le cadre de la classe immersive de Microsoft, mais aussi dans tout autre contexte, commercial ou non-commercial, sans exclusivité. Dans la situation actuelle de fermeture des conditions d’utilisation du site, cette association entre le Ministère de la Culture et Microsoft est très critiquable. Pourquoi le portail Histoire des Arts devrait-il être accessible dans la classe de Microsoft, alors qu’il n’est même pas réutilisable dans les classes publiques de France ? 

Alors que les accords sectoriels avec les ayants-droit constituent toujours un véritable obstacle à la manipulation des contenus nécessaire aux apprentissages, nous nous félicitons des annonces de la Ministre de la Culture mais nous déplorons la faiblesse du développement des licences libres pour les contenus pédagogiques. A notre sens, l’ambition d’une Education artistique et culturelle ne peut se passer d’une étroite coopération avec le Ministère de l’Education Nationale sur ces sujets. Il est temps de décloisonner les approches pour des politiques publiques favorables aux apprentissages en réseaux et au développement des biens communs de la Connaissance comme notre Manifeste l’affirme :

4. Les ressources éducatives libres sont autant de biens communs informationnels dont il faut encourager le développement. Il s’agit de données, de métadonnées, de savoirs, mais aussi de savoir-faire, et de savoir-être. La création, la mise en circulation de l’information doivent être pleinement intégrés dans les cursus scolaires et universitaires et dans les formations tout au long de la vie. Il s’agit là d’enjeux forts favorisant la citoyenneté et des apprentissages en réseaux, socles de l’existence des biens communs.

 

Via un article de SavoirsCom1, publié le 15 novembre 2013

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