Faut-il célébrer la confiscation intellectuelle ?

communiqué de presse April, FFII, FSF France

L’APRIL, la FFII et la FSF France rappellent en cette journée
dédiée à la « propriété intellectuelle » selon l’OMPI [1] que les
dérives actuelles autour du droit d’auteur et de la brevetabilité
des logiciels ne sont pas acceptables.

Le droit d’auteur ne peut plus aujourd’hui prétendre constituer un
équilibre entre les intérêts du public et ceux des ayants-droit.

D’une part, en restreignant le droit effectif à la copie privée,
les « mesures techniques de protection » (dispositifs de contrôle
de l’usage) dépouillent en effet le public d’une des rares
exceptions au droit exclusif dont il jouissait jusqu’ici :
l’exception de copie privée.

D’autre part, l’extension continuelle de la durée des droits
patrimoniaux empêche la réélaboration à partir d’oeuvres récentes.
Avec une durée de « protection » de 70 ans après la mort de
l’auteur, aucun logiciel propriétaire de ces 30 dernières années
n’est ainsi ouvert à la réélaboration et ce sont donc des monopoles
sans aucune contrepartie, qui ont été accordés par la puissance
publique.

Le brevet a lui aussi été détourné de sa mission originelle, soit
l’augmentation du savoir commun par la publication en échange de la
concession d’un monopole d’exploitation sur une invention
susceptible d’application industrielle, nouvelle et impliquant une
activité inventive. À travers la bataille du brevet logiciel, ligne
de front actuelle entre progressistes partisans du partage du
savoir et réactionnaires cherchant à bétonner les monopoles du
passé en confisquant l’avenir, ce sont en effet les modalités de
gestion de la pensée qui sont aujourd’hui mises en débat.

Que la brevetabilité des logiciels soit instaurée en Europe et ce
seront demain les méthodes chirurgicales, les méthodes d’affaires,
les méthodes éducatives et d’autres pans du savoir humain qui
pourront être revendiqués pour son bénéfice exclusif par un cercle
restreint. Bill Gates, fondateur de Microsoft, comprenait
d’ailleurs dès 1991 que « si les gens avaient compris comment les
brevets seraient accordés, quand la plupart des idées inventées
aujourd’hui ont obtenu des brevets, l’industrie serait aujourd’hui
en complète stagnation. » [2]

Privée de précieuses ressources du fait de l’évasion fiscale opérée
à travers l’Europe grâce notamment aux brevets logiciels
illégalement délivrés par l’Office Européen des brevets, la
puissance publique se voit aujourd’hui ironiquement contrainte de
construire certains de ses laboratoires de recherche, places fortes
de la guerre économique moderne du savoir, en collaboration avec
des sociétés emblématiques de l’appropriation au service exclusif
d’intérêts privés [3]. Pendant ce temps, l’école publique fait, au
mépris de sa neutralité commerciale, la promotion de sites de vente
de musique en ligne à l’aide de manuels contenant de pleines pages
de publicité pour des éditeurs de logiciels... [4].

« Pensez, imaginez, créez » nous dit le directeur général de
l’OMPI, en oubliant de rappeler les entraves placées sur la route,
notamment pour les développeurs de logiciels libres. « L’OMPI
penchera toujours, de manière compréhensible, vers l’application de
la panoplie préexistante de monopolisation qu’elle nomme propriété
intellectuelle, un terme que nous trouvons idéologiquement chargé
et dangereusement inconscient des différences significatives
existant entre les différents domaines juridiques qu’il tente
d’agréger. (...) Nous avons besoin d’une Organisation Mondiale de
la Richesse Intellectuelle, dédiée à la recherche et à la promotion
de voies nouvelles et imaginatives pour encourager la production et
la dissémination de la connaissance. » [5]

Références

[1] « Journée mondiale de la propriété intellectuelle »
http://www.wipo.int/about-ip/fr/world_ip/2005/

[2] Bill Gates 1991 : Les brevets empêchent la concurrence et mènent
l’industrie à la stagnation
http://swpat.ffii.org/vreji/citations/index.fr.html#bgates91

[3] Microsoft et l’INRIA vont créer un laboratoire commun en France

http://www.lesechos.fr/journal20050421/lec2_technologies_de_l_informat
ion/4255316.htm

[4] La neutralité commerciale de l’école publique est-elle soluble
dans le numérique ?
http://april.org/articles/communiques/pr-20050419.html

[5] Vers une « Organisation Mondiale de la Richesse Intellectuelle »
http://www.fsfeurope.org/documents/wiwo.fr.html

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Posté le 26 avril 2005

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