L’exception pédagogique mérite un véritable débat parlementaire !

 

Par adeupa. CC-BY-NC-SA. Source Flickr.

Vendredi dernier, aux environs de trois heures du matin, les députés ont examiné l’article 55 de la loi Peillon sur la refondation de l’école de la République, qui portait sur la refonte de l’exception pédagogique au droit d’auteur. Cette exception, prévue par l’article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, permet d’utiliser des extraits d’oeuvres protégées à des fins d’illustration de l’enseignement et de la recherche.

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L’article 55, tel qu’il résulte du projet de loi du Gouvernement, procède à un élargissement de cette exception, en ouvrant son application aux « oeuvres conçues pour une édition numérique de l’écrit » et à l’intégration d’extraits aux sujets d’examen. Ce sont des avancées qu’il faut saluer, mais qui s’avèrent nettement insuffisantes pour répondre aux problématiques soulevés par l’exception pédagogique, notamment dans l’environnement numérique.
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Malgré les circonstances, la députée Isabelle Attard (EELV) a défendu une série d’amendements ayant pour but d’étendre l’exception pédagogique et de la rendre plus facilement applicable par les élèves et par les enseignants. Elle a dénoncé au passage les aberrations du système actuel, et l’inadéquation de l’exception aux pratiques numériques innovantes (cliquez ici pour visionner ce débat).
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Ces propositions se sont heurtées à l’opposition de la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée, qui a refusé de soutenir ces amendements, à celle du ministre, Vincent Peillon, et à celle du rapporteur de la loi, Vincent Durand. Ces acteurs se sont abrités derrière le fait que la mission Lescure n’avait pas encore rendu ses conclusions pour demander à Isabelle Attard de retirer ses amendements. Il faut saluer l’engagement d’Isabelle Attard, qui a tenu à défendre ces amendements et à les faire mettre aux voix
En dépit de ces efforts, aucun de ces amendements n’a été adopté et l’article 55 a été maintenu dans sa rédaction initiale.
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SavoirsCom1 est choqué par les interventions de certains élus qui ont été jusqu’à remettre en cause le principe même de l’exception pédagogique, au nom de la défense des intérêt des éditeurs. Le droit à l’éducation figure en bonne place dans les déclarations des droits fondamentaux dont la France se revendique, et SavoirsCom1 rappelle son attachement aux usages collectifs de la culture et du savoir qui figurent dans son Manifeste.
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Il est inquiétant qu’une question aussi importante que celle de l’exception pédagogique soit examinée par l’Assemblée nationale dans de telles conditions. Même si les travaux de la mission Lescure ne sont pas achevés, le cadre de la loi Peillon paraît tout à fait approprié pour traiter d’une tel sujet.
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 Lorsqu’il s’agissait de défendre les intérêts des éditeurs de presse contre Google, le gouvernement avait clairement envisagé de faire passer une loi en urgence si les négociations avec celui-ci avaient échoué, avant même la fin de la mission Lescure. Le gouvernement n’avait alors pas eu les scrupules qu’il fait valoir à présent. Ce « deux poids, deux mesures », si fréquent en la matière, est choquant. En effet, l’exception pédagogique concerne des millions d’enseignants, d’élèves et d’étudiants en France. La « loi Google » n’aurait quant à elle profité qu’à quelques éditeurs de presse !
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Par ailleurs, on ne peut que déplorer l’absence de politique claire en matière de positionnement sur l’emploi des licences libres dans l’éducation. Le développement des ressources éducatives ouvertes et l’emploi de logiciels libres auraient dû faire l’objet de priorités clairement définies dans la loi sur la refondation de l’École.
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 SavoirsCom1 demande l’engagement d’un véritable débat sur l’exception pédagogique lors de l’examen de la loi Peillon au Sénat, puis en seconde lecture à l’Assemblée.
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 Le collectif demande notamment que l’exception pédagogique soit modifiée dans le sens suivant :
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  1. Simplification par suppression des nombreuses restrictions figurant dans la loi (exclusion des manuels scolaires et des partitions, limitation concernant les activités ludiques ou récréatives, etc.) ;
  2.  Suppression du mécanisme ubuesque des accords sectoriels négociés par les ministères avec les titulaires de droits, qui ont pris le pas sur l’exception et imposé des conditions d’application beaucoup trop complexes, voire un blocage et une insécurité juridique permanente ;
  3. Introduction d’une exception générale permettant toutes formes de représentation (intégrale comme partielle) des oeuvres dans les emprises physiques des établissements d’enseignement et de recherche ;
  4. Élargissement de la possibilité d’utiliser des extraits d’oeuvres dans les supports de cours, les travaux d’élèves, les supports d’examen, les présentations, les séminaires et conférences  ;
  5. Ajout de dispositions en faveur de l’enseignement à distance (eLearning, MOOC, plateformes de cours en ligne) ;
  6. Introduction d’un mécanisme pour que les productions des enseignants du primaire et du secondaire, réalisées dans le cadre de leur mission de service public, soient automatiquement placées sous licence libre.

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Via un article de calimaq, publié le 20 mars 2013

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