Propriété intellectuelle, les PME en danger ? Le cas des portefeuilles de brevets assassins

Extrait d’un article publié par Benoît Masquin sur le site de l’Ecole Doctorale Marchés et Organisations

Extrait d’un article publié par Benoît Masquin sur le site de l’Ecole Doctorale Marchés et Organisations, cet article n’est pas sous contrat Creative Commons

La propriété intellectuelle a pour vocation de protéger l’innovateur des imitations et lui permettre ainsi d’être récompensé pour le fruit de son travail. Il est ainsi coutume de dire que la propriété intellectuelle constitue l’incitation principale des innovateurs à faire de la recherche, et par extension, que tout élargissement ou renforcement de la propriété intellectuelle favorise l’innovation. Cette thèse étayée par de nombreux développements en théorie économique peut dans certains cas être invalidée. On peut par exemple citer « la tragédie des anti-communaux ».

L’idée défendue par cette théorie est que la propriété intellectuelle (PI) compartimente les connaissances et freine l’émergence des innovations qui pourraient être construites (développées ?) sur la base des découvertes brevetées Les « portefeuilles de brevets assassins » sont un exemple de pratiques telles que le décrit la théorie des anti-communaux. Il s’agit d’une stratégie d’entreprise émanant notamment des grands groupes et qui a pour objectif de tenter de verrouiller des pans d’innovations en déposant un grand nombre de brevets (pas toujours légitimes) de manière à restreindre la concurrence. Cette stratégie est fondamentalement de type anti-concurrentiel, dans la mesure où toute recherche dans un domaine verrouillé par des brevets, dits assassins, suppose l’achat de licences - et donc un coût supplémentaire - et/ou de parvenir à trouver un compartiment de connaissances qui reste encore non protégé. Ainsi, la firme disposant du portefeuille a un avantage stratégique certain pouvant décourager tout concurrent potentiel d’investir dans le secteur. Dans cette perspective, les brevets constituent purement et simplement une barrière à l’entrée.

Malgré son caractère anti-concurrentiel, cette stratégie n’est condamnable qu’en cas d’excès En 1972, par exemple, la Federal Trade Commission se saisit du dossier de l’entreprise Xerox qui possédait à l’époque à peu près 1700 brevets, bloquant ainsi l’innovation. La remise en cause de ce blocage a permis d’ouvrir la porte à une concurrence favorisant l’innovation et la baisse des prix. Cependant, dans la mesure où des accords de licence restent possibles, ce qui est encore souvent le cas, la situation ne peut-être qualifiée d’abus de position dominante (un délit dont est familier Microsoft). Par ailleurs, ce délit, même s’il est réel, reste difficile à prouver, ce qui explique le faible nombre de procédures engagées pour sanctionner ce type de pratique.

La meilleure stratégie pour se prémunir de ce risque semble demeurer celle résumée dans le célèbre dicton : « combattre le feu par le feu ». En effet il s’agit de se constituer soit-même un portefeuille de brevets assassins de manière à pouvoir passer des accords à l’amiable prenant généralement la forme de licences croisées. Dès lors les entreprises peuvent s’entendre et marchander les possibilités d’innovation, les ouvertures, les coûts,...

Posté le 21 décembre 2004

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