G. Le Bian : « il faut repenser la diffusion de la musique »

La Cantine numérique ouvre un nouveau cycle autour de la musique et du numérique. Ce secteur a en effet été particulièrement touché par les transformations technologiques et l’arrivée d’Internet, un bienfait pour les artistes, un mal pour l’industrie du disque ?

Pour en parler, Gladys Le Bian viendra réaliser une conférence sur la place du numérique dans les stratégies de communication et de distribution des artistes. Elle sera suivie par un concert du groupe Darcy, et de son chanteur Irvin Tollemer, qui diffuse son nouvel EP gratuitement via un système de wifi : le widrop. Tous deux reviennent avec nous sur les mutations de ce secteur.

- Qu’a changé le numérique dans les stratégies de diffusion des artistes musicaux ?
Irvin Tollemer : Le numérique a absolument tout changé dans les stratégies de diffusion. Il a permis l’émergence d’artistes (amateurs et semi-pro) qui manquaient cruellement de vitrine, ainsi qu’une démocratisation de toutes les musiques auprès d’une très grande majorité d’internautes.

« Le numérique a tué l’industrie du disque. »

Il a tué l’industrie du disque, tous les internautes ayant enfin accès à une sorte de discothèque mondiale… On ne pouvait pas rêver d’une meilleure diffusion des artistes musicaux que le numérique. Le seul petit bémol est le « rester chez soi » qui me dérange toujours autant…

Gladys Le Bian : On peut parler effectivement d’une véritable révolution, et particulièrement dans le cadre de la diffusion. D’abord, au niveau technique, la musique en ligne a permis une dématérialisation du support. Au niveau juridique ensuite, la grande difficulté dans la diffusion de la musique en ligne est la rétribution des auteurs de l’œuvre. De plus en plus d’artistes détournent le problème en prenant le parti de mettre diffuser leurs œuvres sur Internet gratuitement.

- Et sur le plan économique ?
GLB : L’économie de la musique a elle aussi du s’adapter aux nouvelles modalités du numérique. Une des solutions privilégiées pour développer le secteur est « l’économie des services ». Il s’agit d’un modèle qui, en créant une valeur ajoutée à une œuvre grâce à un contenu exceptionnel (vidéos, photos,) donne au public une raison d’acheter un produit.

« 750 000 dollars en 30 heures pour de la musique gratuite. »

Un exemple ? Trent Reznor, le chanteur de Nin Inch Nails, lors de la sortie de l’album Ghosts I-IV proposait 9 morceaux gratuitement sur Internet. L’album, lui, était vendu à 5 dollars. En parallèle, il a aussi proposé une édition Deluxe à 300$ tirée à 2500 exemplaires, tous dédicacés. Ils ont été vendus en moins de 30 heures. Ça donne 750 000 dollars en 30 heures pour de la musique qu’il donnait gratuitement.

- Les artistes communiquent-ils plus facilement avec leur public ?
IT : Je ne pourrais jamais assez remercier Tom Anderson pour avoir inventé MySpace. Cette homme a eu le génie d’inventer une véritable vitrine personnalisée et personnalisable pour TOUS les musiciens du monde qui ont accès au wifi. C’est sur MySpace que Believe, le premier label uniquement numérique nous a contactés pour distribuer notre premier EP sur toutes les plateformes de téléchargements.

« Le virtuel a ses limites. »

Mais la vague est finalement très vite retombée, beaucoup d’artistes ont déchanté… L’accompagnement n’était pas là, c’était avant tout une question d’image et de communication. MySpace est tombé en flèche dès l’arrivée de Facebook, les contrats des labels n’étaient clairement pas intéressants et on a vite compris que le virtuel avait ses limites si tu n’étais pas accompagné par de vrais professionnels de la musique.

GLB : En effet, avant le développement de la musique numérique, l’artiste ne communiquait avec son public que lors des concerts ou dans les médias lorsqu’il était un peu plus connu. Internet a permis la suppression des intermédiaires entre artistes et public. Par le biais des réseaux sociaux (twitter, facebook, myspace), tous les artistes peuvent désormais défendre leurs morceaux, les diffusés par leur propre moyens mais aussi discuter en direct avec leur public et créer avec lui une relation particulière.

« Dur de se faire entendre dans la multitude. »

Le revers de la médaille ? La multitude de l’offre artistique. On trouve sur Internet tout et n’importe quoi et il semble dur de se faire entendre dans la multitude. Mais d’un côté, c’est un système que je trouve plus « juste » puisque c’est le public lui-même qui décide de ce qu’il veut écouter ou non et c’est lui qui, en conseillant un morceau, en le partageant, contribue à son succès.

- Faut-il innover également sur la diffusion ?
GLB : Dans ce cadre, il faut en effet repenser la diffusion. Aujourd’hui, les artistes quels qu’ils soient doivent définir une stratégie de développement adaptée à ces nouvelles données. Chaque jour amène son lot d’innovations et d’initiatives dans ce domaine et il est plutôt excitant de pouvoir assister à cela.

En utilisant le widrop pour partager leurs morceaux, les Darcy nous montrent que là encore la technologie est au service de l’innovation en matière de diffusion. Mais ici, les données sont différentes puisque pour télécharger les fichiers, le public doit se rendre dans un espace couvert par le dispositif (bibliothèque, café, rue…). Reste donc à savoir si le public suivra.

« Il faut encore innover ! »

IT : Je pense qu’il faut encore innover effectivement. Il va falloir trouver un « mariage parfait » entre spectacle et diffusion. On ne peut plus mettre la tête dans le sable en disant « le disque c’est une chose, le live c’en est une autre ». Si l’on veut un bon équilibre et que tout tienne encore debout il faut absolument innover.

C’est pour cette raison que nous avons décidé de distribuer l’EP via Widrop durant notre concert. C’est une sorte de premier pas. Cependant, on se permet ça parce que nous ne sommes pas signés. Un label vient justement de nous contacter ,je pense que nous serons contraints de mettre fin au widrop, à moins de trouver un terrain d’entente avec eux… Mais tant que le contrat n’est pas signé, je n’abandonnerai pas le widrop.

Plus :
S’inscrire à la conférence/concert.

La cantine-Rennes

URL: http://www.lacantine-rennes.net
Via un article de La Cantine, publié le 6 janvier 2012

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