2011, année de l’Open data en France ?

L’association LiberTIC met actuellement à jour sa carte de France de l’ouverture des données publiques. Une façon de marquer l’arrivée de nombreuses collectivités dans le domaine de l’Open data en 2011, dont l’État. A cette occasion, Claire Gallon, membre de l’association, revient avec nous sur le développement de ce secteur en plein essor.

- Quelles ont été les avancées en matière d’Open data en 2011 ?

Après un questionnement début 2011 sur la généralisation possible de l’ouverture des données publiques en France, l’initiative de Rennes s’est finalement dupliquée sur différents territoires et à différents niveaux (notamment Montpellier, Communauté Urbaine de Bordeaux, Conseil Général de Saône et Loire, Région PACA) et jusqu’à l’État français qui a lancé son portail de données data.gouv.fr

La carte de France de l’Open data compte désormais une douzaine d’initiatives et quasiment chaque semaine apporte son lot de déclarations d’ouverture. Les échéances électorales sont sans doute pour beaucoup dans cette accélération du mouvement et l’appropriation du sujet par les élus laisse envisager encore de nombreuses initiatives.


« L’Open data n’est plus un sujet de gauche ou de droite »

Parmi les plus récentes, celles du Conseil Général de Loir et Cher, des villes de Coulommiers, Saint Quentin ou Longjumeau permettent désormais d’affirmer que l’Open data n’est plus un sujet de gauche ou de droite. 2011 a vu l’Open data émerger comme un sujet sociétal en France.

- L’ouverture des données n’a-t-elle pas tendance à se généraliser, avec l’ouverture de data.gouv.fr et les nouvelles directives européennes ?

Bien que la Commission Européenne pousse fortement le sujet, la tendance de fond semble plutôt portée par des volontés politiques sur les thématiques de l’innovation et de la démocratie. L’initiative gouvernementale portée par Etalab a permis de médiatiser le sujet et a également suscité de nouvelles vocations.

Le fait que plusieurs collectivités aient montré la voie facilite le travail pour ceux qui souhaitent se lancer. Des outils open source sont aujourd’hui réutilisables pour créer des plateformes de données avec la Typo3 d’Incité utilisée à Rennes ou Nantes et CKAN par le CG33 et l’Aquitaine. Les guides, livres blancs et études se multiplient également.


« Vers l’industrialisation de l’ouverture de données »

Nous allons vers l’industrialisation de l’ouverture de données publiques et certains évoquent d’ailleurs l’idée d’enrichir la loi sur le droit d’accès à l’information en France afin de faire de l’open data une obligation légale.

- Est-ce qu’on peut parler d’une économie de l’Open data ?

Le marché de la réutilisation des données existe depuis des décennies et pour ceux qui sont dans le métier, l’Open data représente simplement une nouvelle source de données. Il est probable que ce soient ces entreprises que visent le rapport de la Commission Européenne pour soutenir l’économie de l’Union Européenne à hauteur de 40 milliards d’euros par an avec l’Open data.

Bien sûr, avec des données il est également possible de développer des applications. Cependant, le marché actuel des données ouvertes est trop restreint pour assurer la rentabilité immédiate des services développés. Pour la thématique transport en ville, il faudrait une quinzaine de villes ouvertes avec les mêmes jeux de données transports pour rentabiliser les applications. Nous n’en sommes pas encore là mais le mouvement en prend le chemin.


« Un intérêt de l’ouverture pour les administrations elles-mêmes »

En attendant, à Libertic on préfère insister sur l’intérêt de l’ouverture pour les administrations elles-mêmes : la rationalisation du système informatique, la correction et l’enrichissement des données, l’amélioration des outils décisionnels, les économies et la dynamique territoriale qui seront appréciables pour les collectivités qui ouvrent. S’assurer que l’administration est la première bénéficiaire de l’ouverture est également un moyen de garantir la pérennité des démarches.

- Quel est la relation avec le grand public ?

Les données brutes ne sont pas forcément destinées au grand public en premier lieu. Elles sont souvent indigestes, incompréhensibles voire techniquement inaccessibles et il faut souvent une approche métier des sujets pour bien les appréhender. Il faut donc des intermédiaires entre la donnée brute et l’usager pour créer une interprétation, une visualisation qui donnera du sens. C’est justement là que se trouve le potentiel de développement économique.

Cependant le grand public ne verra pas systématiquement que le service ou l’information qu’il consomme est issu de l’Open data. Il risque donc de rester à l’écart de la démarche à moins de communiquer et présenter l’ouverture sous le volet droit d’accès à l’information, une approche citoyenne qui est plus fédératrice, et sous l’aspect démocratique en incitant à la participation.


« La question de l’accessibilité pour tous est très forte »

C’est d’ailleurs le crédo de la Saône et Loire qui a mis en place un outil de visualisation des données pour rendre les données intelligibles au citoyen. Un outil d’autant plus judicieux qu’une étude de Socrata avait démontré que plus de 80% des usagers de leurs plateformes ne téléchargeaient pas les données mais les consultaient en ligne. Ce genre d’outils va se développer sur d’autres plateformes en France où la question de l’accessibilité pour tous est très forte.

- Quel doit être le rôle des journalistes dans la mise en forme de ces données ?

Les journalistes font partie de ces intermédiaires dont on attend la valorisation de données mais les expériences dans le domaine du datajournalism sont encore timides en France. Un problème de formation ?

Regardscitoyens est une association qui travaille notamment sur l’interprétation des données parlementaires. Ses développeurs publient des études et analyses statistiques qui pourraient être rédigées par des journalistes, or ce sont des citoyens qui s’attèlent à cette tâche et les journaux se contentent de republier leurs rapports.


« Une frilosité des journalistes face à l’appropriation de nouvelles techniques »

Quelle différence entre un journaliste et un développeur ? Nicolas Kayser Bril répondrait que le premier est, en France, un littéraire tandis que le second a une culture scientifique. Or il est beaucoup plus simple d’apprendre à un développeur à rédiger sans fautes d’orthographes que d’apprendre à un littéraire à coder.

Pour résumer sa pensée, les formations littéraires des journalistes en France pourraient être l’une des raisons du retard affiché en la matière. Ce à quoi il faudrait ajouter une frilosité traditionnelle face à l’appropriation de nouvelles techniques et méthodes de travail, le tout dans un contexte budgétaire extrêmement tendu. Si nous avons du retard, quelques acteurs montrent cependant la voie et là encore le mouvement se développe.

La cantine-Rennes

URL: http://www.lacantine-rennes.net
Via un article de La Cantine, publié le 23 décembre 2011

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