Naissance d’un biohacklab français

Reprise d’un article publié par Internet actu
Par Rémi Sussan le 30/11/11

(magazine en ligne sous licence Creative Commons)

InternetActu.net : Comment vous est venu le désir de créer la Paillasse ? Auparavant, étiez-vous déjà en contact avec les groupes américains travaillant sur la DIYBio [1] ?

Thomas Landrain : Ayant la chance de pouvoir m’épanouir tous les jours au sein d’un laboratoire de recherche, j’ai d’abord voulu offrir la possibilité à chacun de vivre cette même expérience. Nous nous sommes d’abord inspirés de la communauté DIYbio née aux USA et en s’appuyant sur la communauté des FabLab et Hackerspace Français, tout particulièrement le /tmp/lab et l’Electrolab, nous avons pu faire émerger le premier laboratoire ouvert français pour les biotechnologies, la Paillasse. Nous sommes ensuite rentrés naturellement en contact avec le reste de la communauté internationale, en particulier lors du processus de fabrication de notre code de pratique et d’éthique, objet essentiel afin d’assurer la pérennité de nos activités.

InternetActu.net : Comment avez-vous trouvé le matériel nécessaire au travail biologique ?

Thomas Landrain : Principalement via des dons d’équipements obsolètes venant de laboratoires privés, publics ou particuliers. Nous avons bénéficié jusqu’à maintenant de l’aide matérielle du Genopole d’Evry et de la Mairie de Paris. Notre existence et nos activités ne sont aujourd’hui possibles que grâce à ces apports extérieurs, nous ne les remercierons jamais assez.

InternetActu.net : Donc vous n’avez pas utilisé les outils “DIY” comme openPCR, n’êtes pas passé par Ebay, etc. ? Pensez-vous qu’il est vraiment possible aujourd’hui de se livrer au “biopunk” avec des outils “bricolés” ou “open” ?

Thomas Landrain : Nous n’avons pas eu besoin d’acheter une openPCR grâce aux dons de matériel, mais il s’agit là d’une exception. La plupart des projets développés au sein du DIYbio reposent sur la capacité de leurs créateurs à pouvoir recréer et détourner l’équipement leur étant nécessaire. Nous sommes à peine capables d’imaginer à quoi ressembleront les biotechnologies de demain, en prenant Steve Jobs comme référence, il n’est pas improbable que des amateurs puissent à nouveau transformer le paysage technologique de leur génération grâce des structures comme La Paillasse. Car au-delà de l’aspect ludique et pédagogique certain du DIYbio, nous voyons apparaitre des technologies prometteuses comme des détecteurs d’arsenic dans l’eau potable, des yaourts détectant des contaminations à la mélanine, de nouveaux moyens de visualisation et de compréhension de nos données génomique, de nouvelles capacités à comprendre notre environnement et le contrôler.

InternetActu.net jusqu’où, selon vous, les adeptes de la DIYBio peuvent-ils aller ? Faire de la recherche fondamentale ? Mettre au point de nouveaux produits ou méthodes pour les pays émergents ?

Thomas Landrain : Le DIYbio ne se destine pas à la recherche fondamentale par essence, mais cherche plutôt à manipuler et utiliser le savoir engrangé par l’humanité pour l’appliquer au développement d’outils et de technologies citoyennes. Des groupes équivalents à celui de La Paillasse commencent à naitre au sein de pays en voie de développement et donc pauvres. Leur existence est motivée par le développement de technologies biomédicales open-source pouvant être facilement fabriquées et réparées. Ceci dans le but de faire ainsi baisser les couts de maintenance des structures médicales sur place et leur dépendance aux technologies occidentales souvent trop couteuses et dont les services après-ventes sont difficiles à maintenir.

InternetActu.net : Question inévitable sur la sécurité : vous ne souhaitez travailler, je crois, qu’avec des organismes inoffensifs. N’avez-vous pour autant rencontré des objections sur les risques que des groupes comme la Paillasse pourraient faire courir ? Que répondez-vous en général ?

Thomas Landrain : La pratique sécurisée de la biologie est un point majeur sur lequel la communauté repose, tous les laboratoires DIYbio sont classifiés Niveau 1 pour la biosécurité, l’équivalent d’une cuisine commune en fait, c’est-à-dire que tous les échantillons biologiques que nous manipulons sont entièrement inoffensifs pour l’Homme et son entourage. En pratique il s’agit d’observer et d’utiliser des échantillons venant de notre environnement immédiat (notre corps, le sol…). Rien de plus.

Propos recueillis par Rémi Sussan.

[1pour Do It Yourself Biology

Posté le 4 décembre 2011

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