L’ Open Data du CG71, ce qui va changer en France

 

Le Conseil Général de Saône et Loire s’apprête à ouvrir son portail de données publiques.

Nous avions assisté mardi à une présentation rassemblant journalistes, quelques acteurs de l’open data, l’équipe du CG71 et Arnaud Montebourg en qualité de Président du Conseil Général de Saône et Loire afin de découvrir leur démarche.

En voici un résumé et quelques réflexions autour de ce projet qui pourrait bien changer l’approche de l’ouverture des données publiques en France, malgré les limites identifiées.

 

 

Préambule

Arnaud Montebourg a d’abord expliqué sa position sur l’open data, avec une maîtrise du sujet rarement observée chez un élu. Le discours politique était notamment axé sur l’idée de transparence, de lutte contre la corruption et de démocratie participative.

Si la population est mal informée, les dirigeants ne sont plus des chefs mais des maîtres.

Il est revenu sur le contexte du CG Saône et Loire et de son état de quasi faillite à son arrivée au Conseil Général. Au vu de cette expérience, il lui paraissait fondamental d’ouvrir les données publiques pour rendre compte des actions engagées, profiter des retours pour mieux gérer l’argent public et contribuer à rendre le service public plus efficace et transparent. Dans une tirade sur l’attente croissante en matière de transparence, Arnaud Montebourg a lancé :

Il y a eu la révolution arabe grace à wikileaks, il y aura la 6e république grâce à l’open data

Le volet développement économique a également été mis en avant avec l’idée d’impulser l’innovation et une nouvelle ère numérique au sein du service public. Le volet innovation est ainsi largement présent avec l’ouverture de données touristiques, une partie archives et patrimoine artistique, les données sur la mobilité et le transport, l’environnement, gestion des déchets, bio-diversité, eau, agriculture, sports, routes, etc.

 

La démarche

Le 30 septembre 2011, l’ensemble des données publiques détenues par le Conseil Général de Saône- et-Loire sera accessible à tous sur le site Internet www.opendata71.fr.

Après Paris et le CG33, le CG71 sera donc le 3eme département à ouvrir ses données. Cependant, la volonté politique associée à cette ouverture lui confère une envergure bien supérieure à toutes les démarches précédentes, et voici pourquoi.

 

 

 

 

Extrait du dossier de presse téléchargeable ici

En France, l’agglomération de Rennes a lancé en 2010 le premier entrepôt de données publiques géolocalisées. Elle a été rejointe par Paris et d’autres agglomérations françaises (Montpellier, Nantes (sic)) ainsi que par l’État français avec le projet ETALAB. Ces expériences restent aujourd’hui assez « timides » aussi bien en termes de volume que de types de données.

La réponse du CG71 ? Une ouverture massive de données ! Y compris sur des thématiques jusque-là soigneusement évitées par leurs prédécesseurs.

 

Une ouverture totale

Le CG71 a décidé de publier toutes les données publiables dans le cadre de la loi, dont :

  • Les finances publiques avec arriéré de 10 ans
  • Les prestataires sur les marchés publics
  • La liste d’attribution des subventions
  • Les dépenses de l’administration
  • Les dettes et créances

Le CG71 est prêt à rendre compte de chacune de ses actions et dépenses. L’ambition est clairement affichée : lancer un mouvement de transparence sur la gestion publique en France. Une volonté politique inédite en la matière et qui devrait créer un précédant. Désormais si les autres collectivités ne sont pas transparentes sur ces sujets, à commencer par celles engagées dans l’open data, les citoyens seront en mesure de demander des comptes à leurs élus : pourquoi les citoyens de Saône et Loire ont accès aux comptes publiques et pas nous ?

A ce jour, seule la ville de Rennes a publié son budget en format ouvert. Et encore a-t-il fallu attendre un an d’open data pour voir apparaître ce fichier, alors que les données budgétaires sont déjà toutes largement diffusées en ligne sous format PDF. Cette volonté de simplification d’accès et de transparence est une validation (ou un blocage) purement politique. Or si les élus semblent prêts à développer le volet innovation de l’open data en mettant à disposition les horaires de bus ou les cartographies, le volet démocratique de l’open data n’avait jusque là jamais été développé en France. Les applications oui, le nez des citoyens dans la gestion des comptes… non.

Etant nous même partisans d’une vision globale de l’ouverture des données, avec ses volets innovation, démocratie et modernisation des services publics, cette ouverture est particulièrement enthousiasmante car elle élargit le cadre de l’open data jusque là bien trop restrictif.

Dommage cependant que malgré cette détermination politique le reste de la démarche du CG71 ne se prolonge pas dans les règles de l’art.

 

Fiche technique de la plateforme

  • Le service : Azure (Microsoft)
  • Le prestataire : Cap’tain Dash
  • Le budget sur le projet : 60 000€
  • Les formats : XLS, PDF, ZIP, XML, HTML, SQL, DBF, SHP, SHX, etc
  • La licence : APIE V2

 

XLS ? PDF ? ZIP ? Des formats à étouffer un aficionado open data

Pour rappel, une démarche open data n’est pas une simple démarche de publication de données en ligne. Si tel était le cas, la carte de France de l’open data serait remplacée par une carte de France. Mais une démarche open data suit des principes et affiche notamment des standards ouverts. Si les fichiers .xls sont utilisés pour faciliter l’usage, c’est en complément de formats non-propriétaires afin de respecter les principes du mouvement mondial dans lequel on s’inscrit.

Bruno Walther de Cap’tain Dash, prestataire de la plateforme, a expliqué durant la présentation que dans la classification de Berners Lee de une à cinq étoiles « les données libérées par le CG71 relèvent toutes du cinq étoiles ». En réalité, pour atteindre ne serait-ce que la troisième étoile il faut déjà publier sous des formats non-propriétaires.

 

Licence APIE V2 ? Un revival ?

Paris, Nantes, le CG33, l’Aquitaine, le Nord Pas de Calais et Toulouse ont opté pour l’ODbL qui semblait plus appropriée en attendant, pour certains, qu’Etalab définisse une licence qui pourrait devenir standard. Le CG71 a indiqué avoir choisi cette licence car c’était « une licence d’état rassurante » mais rien n’empêche une évolution.

 

Azure de Microsoft ?

Le CG71 est (a priori ?) le premier acteur français à passer ses données publiques dans les nuages et à utiliser ce service Microsoft. Si la démarche du Cloud a été hautement impulsée aux Etats-Unis notamment pour des questions d’économies, des réflexions sont en cours sur le sujet en France. L’Etat souhaite en effet créer une entreprise Cloud entièrement française pour éviter que les données locales, celles des administrations publiques et des champions industriels français, soient hébergées par des sociétés étrangères. Tout un écosystème d’innovation et de services étant sensé se développer à terme autour de la réutilisation de ces données, quid de leur sécurité dans les nuages ? Quid de l’écosystème des structures françaises si ces services devaient être défaillants demain ?

Peut-être un premier débat à porter par le comité éthique du CG71 ? (voir descriptif ci-bas)

Ces choix techniques semblent refléter un manque d’acculturation du CG71 au mouvement open data. Ce qui s’explique sans doute par un impératif (tenu) d’ouverture en temps record. Mais l’équipe a ainsi été absente des rencontres autour de cette thématique tandis que les collectivités impliquées privilégient la collaboration et les échanges, cela aurait pu leur permettre d’éviter quelques écueils. D’autant plus dommage que leur service en ligne semble très attractif.

 

Fonctionnalités

Pour en revenir à la plateforme, qui est assez impressionnante en terme de fonctionnalités et qui vaut le détour, vous y trouverez deux entrées pour accéder aux données selon le statut ou besoin : citoyen ou professionnel.

L’accès « citoyen » permet de visualiser l’ensemble des catégories de données disponibles sous forme de carte ou de graphique (courbe, diagramme). Il suffit de cliquer sur la catégorie de données qui vous intéresse et de la déposer sur l’icône correspondant au graphique désiré. Il est possible d’ affiner la recherche ou d’effectuer des comparaisons par date, par lieu, ou par sous-rubrique.

L’accès « professionnel » : permet aux développeurs d’accéder aux fichiers sources et de les télécharger. Il accueille également la documentation nécessaire à l’utilisation des API du CG71 et la plateforme est bien fournie en la matière.

On y trouvera donc dès demain toutes les données du CG71 et voici une démo de l’outil.

 

On a demandé

 

- Avec une ouverture massive de données, ne risque t on pas de constater un essoufflement anticipé de l’intérêt autour de ce projet d’ouverture ? On constate souvent à l’étranger une ouverture progressive et par thématique pour laisser le temps aux communautés d’assimiler les données.

Pierre-Paul Penillard, chef de projet Open Data du CG71 a indiqué qu’il y aurait un concours d’applications associé au projet pour développer des services. Le lancement du concours puis l’alimentation de la plateforme avec les données d’organismes extérieurs auront pour objectif d’assurer la pérennité de la dynamique.

Le concours d’applications doté de 20 000€ sera lancé le 1er Octobre (clôture vers février) pour soutenir le développement de services web, téléphone mobile et autres.

 

- Le CG Saône et Loire envisage-t-il la mise en place de systèmes et outils relevant de la gouvernance ouverte ?

Arnaud Montebourg a indiqué qu’il ne connaissait pas ce terme mais que la démarche qui suivra sera sans doute en lien avec les outils de démocratie participative déjà développés dans le cadre du programme Syrius du CG71.

Il nous a semblé surprenant, au vu de la maîtrise apparente du sujet par Arnaud Montebourg, qu’il ignore le cadre d’origine des premières démarches nationales d’ouverture de données publiques, d’autant que le volet « modernisation des services publics » est bien indiqué dans la présentation du CG71. Cependant il s’agit bien là d’une spécificité française : la dissociation de l’open data de son cadre global de développement (adapter le service public aux attentes et outils du 21eme siècle) amputé notamment des notions d’innovation ouverte, de gouvernance et du passage de l’administration au web 2.0, sans lesquels un projet d’ouverture de données publiques semble pourtant difficilement réalisable et pérenne.

 

- Y a t’il des différences entre les programmes d’ouverture de la part d’élus de droite et de gauche ?

Réponse d’Arnaud Montebourg :

Déjà, des ouvertures de données publiques à droite, il n’y en a pas tant que ça ! Ensuite il ne faut pas avoir une vision manichéenne de la politique.

Le seul parti pris politique a donc été la décision d’ouverture, « sacrément couillue » en l’occurrence mais on s’attendait en effet à une vision politique plus tranchée autour de l’Open Data. Si les objectifs sont clairement énoncés : Transparence, Innovation, Mise en ligne des services publics, les collectivités auraient tort de considérer que ces bénéfices arrivent par la simple mise en ligne d’une plateforme et la publication de données. Il s’agit également de reconsidérer le fonctionnement de l’administration, son organisation, ses outils, de la rendre plus ouverte, plus réactive, plus participative. Or cela s’organise et il y a une réelle reflexion politique à développer derrière certains enjeux associés à l’ouverture dont un échantillon :

Quel nouveau modèle pour l’administration du 21eme siècle ? Utilise-t-on l’open data pour désengager le service public dans l’offre de services ou pour renforcer sa légitimité ? Où place-t-on le curseur entre ce qui doit rester public et ce qui peut être privatisé ? Le modèle d’ouverture anglo-saxon doit-il être traduit tel quel en français ?

Sur ces sujets, aucun élu français ne s’est encore positionné.

 

Ce qu’on aime de l’ open data version CG71


L’approche citoyenne :

Avec un outil innovant, le Département de Saône- et-Loire est la seule collectivité territoriale à permettre au citoyens de manipuler des données numériques complexes, sans aucune connaissance informatique, avec le souci de garantir la compréhension de ses politiques publiques grâce à des outils intégrés de visualisation.

La création d’un comité d’éthique  :

Il a une fonction d’accompagnement à l’ouverture et émet un avis et/ou une recommandation sur la nature des fichiers publics et s’assure de leur protection. Il est constitué de cinq membres dont un journaliste, un représentant d’association de consommateur, de l’INSEE, une magistrate et un professeur de philosophie qui peuvent être saisis par la population.

La volonté politique  :

Atout indispensable d’un programme d’ouverture ambitieux. Pour le coup toutes les données seront disponibles dès l’ouverture (selon l’annonce) et le CG71 est dans l’attente d’échanges avec la population sur ce sujet. Arnaud Montebourg contribue à remonter le débat au niveau politique.

Le programme PS devra évidemment être amendé par le candidat mais si j’étais candidat, je pense que l’open data devrait être une obligation.

 

Les applications déjà créées :

Visualisation des subventions départementales : visualiser toutes les subventions versées par le Conseil général, par type de budget, par thème et par commune pour chaque année depuis 2004.

Arrêts des bus scolaires : trouver le point d’arrêts des bus scolaires les plus proches, leur localisation exacte ainsi que leur photo, en sélectionnant une commune.

 

Ce que l’on regrette

L’approche technique qui sort du cadre des fondements même de l’open data

 

 

Note :

Cet article se base sur la présentation et démo du CG71. Nous n’avons pas pu tester la plateforme ni constater la réalité de la publication effective des données annoncées qui devraient être directement en ligne.

Le portail www.opendata71.fr sera lancé le 30 septembre à Mâcon en présence d’Arnaud Montebourg et Gilles Babinet, président du Conseil National du Numérique (CNN) et co-fondateur de Cap’tain Dash.

 

Explications de Pierre Martinerie, Vice-président du Conseil général chargé du développement durable, de la démocratie participative et du projet stratégique pour la Saône-et-Loire

 


Binary Data
Via un article de libertic, publié le 30 septembre 2011

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