ESS et logiciel libre, synthèse de la conférence des Etats généraux de l’ESS

un article repris de la revue Rencontres Sociales

Nous publions ici la synthèse de la conférence qui se tenait en amont des Etats Généraux de l’ESS. Elle a été rédigée par Bastien Sibille, coordinateur de l’AI2L.

Trois enjeux ont selon nous traversé les discussions : l’information des acteurs de l’ESS
quant aux enjeux logiciels et à l’importance d’utiliser des logiciels libres ; leur formation à
l’utilisation de ces logiciels ; la structuration d’une filière métier capable de répondre de
façon opérationnelle à la migration des structures. Enfin, la question du changement
culturel plus large qui se dessine à travers le passage au libre, le développement d’une
culture du hacking, a été soulevée.
Information

L’information sur les LL et l’ESS doit aller dans les deux sens : les structures de
l’ESS doivent être mieux informées de l’existence de solutions logicielles alternatives, de
meilleure qualité et plus en phase avec leurs valeurs que celles qu’elles utilisent. Dans le
sens inverse, les communautés du libre doivent être mieux informées des besoins des
structures de l’ESS.

Il faut travailler sur les éléments de communication visant à promouvoir le libre dans
l’ESS et aller à la rencontre des besoins en montrant avant tout les avantages
philosophiques, techniques et économiques du libre. L’usage des logiciels libres par les
grandes entreprises de l’ESS pourrait être mieux mis en valeur. La Macif a par exemple
misé sur sa présence au Salon Linux 2001 et aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre
(RMLL) comme plan de communication du fait qu’elle utilise le libre. La communication est
primordiale dans la propagation des logiciels libres comme garants des valeurs sociales
solidaires dans l’informatique de l’ESS.

Il faut également des outils pour informer les structures de l’ESS sur les solutions
libres dont elles pourraient se servir. Ces lieux d’information devront être capables d’offrir
une vision critique sur les différents logiciels – ce qui pose la question des indicateurs
d’évaluation des logiciels libres. La critique devra pouvoir être co-construite, comme elle
l’est sur le site de Framasoft, lequel fonctionne comme un wiki. L’information devra
concerner les logiciels mais aussi les éléments qui l’entourent : droit d’auteur,
documentation, modes de production, etc...

Les associations-ressources qui aident les associations à cibler leurs besoins et les
forment à l’usage des LL peuvent être un bon relais sur ces questions. Cela nous amène à
la question de la formation. Formation

Il faut développer des outils de formation afin de ne pas perdre d’utilisateurs
effrayés par la technicité apparente de logiciels qui paraissent réservés aux initiés : un des
obstacles majeurs pour la diffusion des LL dans l’ESS vient d’un rapport à l’informatique
difficile et parfois « conflictuel ». Il faut approcher les utilisateurs avec des méthodes qui
les places au centre du dispositif technique plutôt que d’en faire un rouage : ce n’est pas
aux utilisateurs de s’adapter aux logiciels, mais l’inverse.

Les associations sans salariés permanents et les entreprises de Coordination
nationale de jeunesse et éducation populaire (CNAJEP) ont par exemple manifesté leur
intérêt pour les logiciels libres mais ont exprimé une forme d’appréhension vis-à-vis de
systèmes informatiques complexes et ont été jusqu’à évoquer une « question
générationnelle ». Cela met en avant la nécessité de former et informer les éventuels
futurs utilisateurs afin qu’il n’y ait pas un phénomène d’appréhension susceptible de porter
préjudice à l’usage des logiciels libres par des corps de métiers qu’ils pourraient servir.

Les formations ne devront pas être cantonnées aux éléments techniques : il faut
également prendre en compte des éléments organisationnels (coopération), financiers
(coûts), stratégiques (mutualisation des outils entre plusieurs structures) etc... Les
pratiques du libre dans l’ESS ne seront optimales que lorsque nous seront parvenus à
déconnecter le logiciel libre de son aspect purement technique pour en faire un modèle de
société (cf. conclusion de cette synthèse). Filière

Qui développera les logiciels libres métier dont ont besoin les structures de l’ESS ?

Les coûts d’amorçage du développement sont importants, et les retours sur
investissements très difficile. Un acteur de la conférence a fait part de sa probable sortie, pour des raisons financières, du modèle du libre. Il nous a dit ses difficultés pour continuer
à maintenir un logiciel de plus en plus coûteux en termes de développement et la difficulté
à trouver un modèle économique pour la phase de pérennisation dans laquelle il se
trouve. C’est un élément sur lequel il nous faut être très vigilant et force de proposition.

Qui assurera le suivi des structures de l’ESS dans leurs usages de ces logiciels ?

Il faut des prestataires qualifiés pour assurer le paramétrage des logiciels, leur
adaptation, la formation etc... Ces prestataires doivent pouvoir assurer un service de
qualité et pérenne car l’informatique des structures de l’ESS est trop vitale pour être mal
servie. Proposition a été faîte de créer une filière « artisans du numérique », qui se
situerait entre les développeurs et les créateurs. La question de leur financement et de
leur relation avec les prestataires déjà existant reste posée. Vers un changement culturel ?

La question du libre dépasse le cadre informatique : elle touche à notre rapport à la technique, à nos modes de production économique et à notre liberté dans un monde où
l’action s’appuie de plus en plus sur une couche logicielle.
L’alliance entre l’ESS et les LL n’est pas que technique : elle est philosophique, politique,
économique, sociale. Cette façon de changer le monde à travers le rapport à la technique
ne doit pas s’arrêter au logiciel. On peut aussi hacker des machines, des modes du faire,
des lieux, des règles... Il faut diffuser l’esprit du libre au delà du logiciel. Ici, des caisses de résonance comme les Etats généraux de l’ESS sont précieuses.

Télécharger l’intégralité du rapport de synthèse :

Voir en ligne : http://rencontres-sociales.org/spip...

L’adresse originale de cet article est http://www.eco-sol-brest.net/ESS-et...

Via un article de Frédéric Sultan, publié le 28 juillet 2011

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