À l’occasion de cette épreuve, les candidats devaient étudier différents documents1, supports censés épauler leur réponse à des questions sur le thème du « cheminement d’une loi » et de sa composante démocratique. Parmi ces documents, le second portait sur la loi Hadopi et présentait un texte censé retracer les moments importants du cheminement de la loi Hadopi, résumé tronqué d’un article « La mise en place de l’Hadopi » publié sur le site Vie publique. Cependant, il apparaît clairement que la présence de ce dernier avait moins pour ambition de rappeler au candidat le cheminement d’une loi, que d’asséner la publicité du gouvernement à grands coups de « protection des œuvres culturelles sur Internet ». Et ce à un moment singulier de sa vie où un élève concentre le maximum d’effort sur son sujet d’examen.
« Toute une partie du texte n’a aucun lien avec l’épreuve. Quiconque aurait souhaité tirer profit de l’épreuve du Brevet dans un but de désinformation à grande échelle, ne s’y serait pas pris autrement ! », explique François Poulain, administrateur de l’April. Il poursuit : « L’association avec le dessin de Plantu2 est osée : assener les prétendues vertus de la Hadopi dans un contexte parfumé d’initiative citoyenne et de valeurs démocratiques ne rendra jamais ce projet de loi plus légitime. Le gouvernement oublierait-il comment ce projet inique, et dénoncé de tous bords, est au contraire devenu un zombie législatif décapité par le conseil constitutionnel ? »
L’April est intervenue plusieurs fois dans le passé pour défendre la neutralité scolaire mise à mal par le projet de loi Hadopi3. À l’issue des débats, le code de l’Éducation a alors été modifié pour que, dans le cadre du B2i, les collégiens reçoivent une information sur « les risques liés aux usages des services de communication au public en ligne, sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin pour la création artistique »4.
Pourtant, les licences libres offrent un cadre social et juridique légal aux pratiques culturelles actuelles des internautes, dominées par la volonté de partage. « Nombreux sont les artistes, musiciens, plasticiens, vidéastes et réalisateurs qui diffusent leurs œuvres sous licence libre. », précise Jéremie Nestel de Libre Accès. « Dans le domaine de l’éducation, Sésamath édite depuis plus de 5 ans une collection de manuels scolaires de mathématiques sous licence libre, tout en répondant aux exigences économiques d’un éditeur. » Il aurait donc été particulièrement pertinent de sensibiliser les élèves à l’existence et aux conditions d’usage des licences libres. Or, le gouvernement s’y est refusé.
« Le rapporteur du projet de loi et la ministre de la Culture avaient donné un avis défavorable à un amendement de pur bon sens qui souhaitait équilibrer l’article en présentant également la diffusion légale des contenus et œuvres sous licences ouvertes ou libres. », rappelle Rémi Boulle, administrateur de l’April. « Pourtant, dire le droit et informer les jeunes générations des sanctions pénales encourues par le téléchargement illicite ne devrait pas se transformer en propagande sous l’égide du ministère de l’Éducation nationale. », conclut-il.
Alors que des exemples de lois issues de la pression citoyenne votées au parlement puis censurées par le conseil constitutionnel ne manquent pas, il est fort regrettable que le dernier examen écrit de la saison serve de tribune à une volonté politique au détriment de la neutralité scolaire et au profit d’approximations trompeuses au sujet de l’origine exacte de la loi Hadopi.