Refonte de la loi « Informatique et libertés » : la régression consommée

Communiqué commun DELIS, LDH et IRIS - 16 juillet 2004

Un vote conforme du Sénat en deuxième lecture a permis sans surprise
l’adoption définitive le 15 juillet 2004 du projet de loi relatif à la
protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données
à caractère personnel. Ce projet est une refonte de la loi « 
Informatique et libertés » du 6 janvier 1978, par transposition de la
Directive européenne de 1995.

Reprise pour information et débat du communiqué commun DELIS, LDH et IRIS - 16 juillet 2004

Les quelques quarante associations et syndicats membres de
l’intercollectif DELIS (Droits et libertés face à l’informatisation de
la société), dont la LDH (Ligue des droits de l’homme) et IRIS
(Imaginons un réseau Internet solidaire), s’étaient mobilisés dès
connaissance de l’avant-projet de loi en septembre 2000 pour alerter
l’opinion, la CNIL, la CNCDH, le gouvernement et la représentation
nationale sur les dangers d’un abaissement très sérieux de la
protection des citoyens face à la collecte, aux traitements et à
l’utilisation de leurs données personnelles.

Ces dangers n’ont fait qu’augmenter à mesure de l’évolution du texte du
projet de loi, au fil des lectures successives par les deux assemblées
parlementaires : première lecture à l’Assemblée nationale le 30 janvier
2002 (rapporteur : Gérard Gouzes, alors vice-président de la CNIL),
première lecture au Sénat le 1er avril 2003 (rapporteur : Alex Türk,
alors vice-président de la CNIL), deuxième lecture à l’Assemblée le 29
avril 2004 (rapporteur : Francis Delattre, membre de la CNIL), deuxième
lecture au Sénat le 15 juillet 2004 (rapporteur : Alex Türk, élu
entre-temps président de la CNIL).

À chaque étape, l’intercollectif DELIS a soumis à la CNIL, aux
rapporteurs et aux parlementaires de tous les groupes politiques ses
critiques précises sur le texte et ses propositions argumentées
d’amendements. DELIS déplore qu’à partir de la première lecture au
Sénat, ses représentants n’ont jamais reçu de réponse, tant de la part
des rapporteurs que de celle de la CNIL, et que seuls les
parlementaires de l’opposition ont bien voulu les recevoir et défendre
des propositions de modification allant dans le sens d’une meilleure
garantie pour les libertés individuelles et le droit à la vie privée.

Bien des aspects du texte adopté constituent une régression de la
protection des citoyens jusqu’alors assurée par la loi « Informatique
et libertés » de 1978, et tous ne sont pas la conséquence de la
transposition de la Directive européenne de 1995. DELIS souligne en
particulier : l’absence d’inclusion dans la liste des données sensibles
des données génétiques et biométriques ; la diminution du contrôle
préalable de la CNIL des fichiers de souveraineté ; la dispense de
déclaration de fichiers par les entreprises ayant nommé un « 
correspondant aux données » sans que ce dernier bénéficie du statut
protecteur nécessaire à son indépendance vis-à-vis de son employeur ;
l’instauration d’un droit de constitution d’un véritable casier
judiciaire privé, par les personnes morales victimes d’infraction, en
vue de lutter contre et même de prévenir ces infractions, limitant de
fait l’exercice des droits d’accès et de rectification des personnes
ainsi fichées ; lorsque les personnes morales visées sont les sociétés
de gestion de droits d’auteur, explicitement mentionnées dans le texte
adopté, ce droit à la création de ce qu’on ne peut considérer que comme
des fichiers de suspects ne souffre plus aucune limite.

Le Conseil constitutionnel devrait être logiquement saisi par
l’opposition parlementaire à la suite de son vote contre ce texte. Si
la décision du Conseil ne permet pas de revenir au niveau de protection
dont les citoyens bénéficiaient avant l’adoption de cette loi,
l’intercollectif DELIS, la LDH et IRIS se réservent la possibilité
d’une plainte auprès de la Commission européenne, en vue d’un recours
contre la France porté par la Commission devant la Cour de justice des
Communautés européennes, pour infraction à la législation communautaire.

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Posté le 17 juillet 2004

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