Pourquoi j’utilise Creative Commons (2) : interview de Laurent Marseault, Animateur d’Outils Réseaux

Sur le web, les questions de droits d’usage sont mal connues.
Par défaut le contenu d’un site ne peut pas être recopié et réutilisé. Sauf mention explicite l’autorisant, les sites publics produits par des acteurs publics ne peuvent pas être réutilisés en citant simplement l’auteur, le site et la licence des contenus.
Pourtant beaucoup d’auteurs de blogs associatifs, de personnels, ou de collectivités sont favorables à un accès élargi à la culture et à la connaissance.

Pour faciliter la compréhension des enjeux, diffuser les pratiques qui élargissent les libertés nous avons créé un portail, répertoire de ressources sur les licences Creative Commons et la réutilisation de contenus
 [1]. s’enrichit petit à petit de nouvelles ressources.

Nous entamons ici une série d’interviews visant à faire connaître des pratiques de personnes qui font le choix d’encourager ces droits d’usages élargis.

Michel Briand, élu à la ville de Brest

Pourquoi j’utilise Creative Commons sur mon site ?

Interview de L, interview de Laurent Marseault, Animateur d’Outils Réseaux, association qui dont l’un des objectifs dest ’initier et d’accompagner les pratiques coopératives, en s’appuyant sur des outils Internet.

1) Tout d’abord peux tu présenter "Outils-Réseaux" ?

Outils Réseaux est une petite association dont l’objet est d’aider les communautés humaines à coopérer en utilisant notamment des outils informatiques. Elle est issue d’expérimentations que nous avons menées depuis prêt de 10 ans au sein de structures associatives et de rencontres entre animateurs pédagogues et informaticiens.

Les premiers cherchaient des trucs pour améliorer le fonctionnement de leurs groupes, en présence et à distance, groupes de personnes souvent rétives à l’informatique et outils web « diaboliques » ; les seconds proposant des outils coopératifs censés résoudre les problèmes des animateurs.

De cette rencontre est née « Outils-Réseaux » : l’affirmation que les outils coopératifs n’existent pas mais qu’il s’agit plutôt de techniques singulières d’animations de groupe que nous pourront ensuite amplifier par des outils informatiques. Le fait de travailler à des outils toujours plus simples afin qu’ils soient au service des humains et le plus transparents possibles.

Bref, coopération, biens communs, yeswiki, autonomisation, pédagogie, TIC, accompagnement pourraient être les quelques mots caractérisant Outils-Réseaux.

2) Pourquoi proposer une licence Creative Commons pour des ressources de formation habituellement gardées en privé ?

D’une part, cela nous semble aller de soi lorsque l’objet est la diffusion, l’éducation populaire, l’accession au plus grand nombre, la vulgarisation...

Ensuite, le contenu de nos formations est mouvant, évolutif, il s’enrichit des interactions que nous avons avec les communautés que nous accompagnons. Comment pouvons-nous nous les approprier ? L’acte de formation consiste à donner du pouvoir à l’apprenant, à lui donner les capacités de s’approprier mais aussi de transformer, critiquer, améliorer notre simple état de réflexion « en l’état actuel de nos connaissances ». Toute démarche respectueuse de la personne arrive tôt ou tard à cette posture.

Enfin, imaginons que les personnes qui ont stabilisé l’alphabet aient mis un copyright sur leur invention... Nous serions bien avancés.
Ce qui fait société réside en ses communs. Il est grand temps de le ré-affirmer

3) Est ce que les personnes sont sensibilisées au droit des contenus publiés ? Comment cette proposition est-elle perçue ?

Oui, une de la dizaine des conditions qui nous semblent fondamentales pour qu’un groupe collabore réside en la clarification des conditions d’utilisations des contenus élaborés collectivement, des productions de l’intelligence collective. Les licences de type Créatives Commons aident à expliciter la réelle envie de collaboration.

C’est ainsi que ce point est systématiquement abordé. C’est à la fois fondamental pour créer des conditions de coopérations mais il y a aussi un vrai travail de sensibilisation autour de ces dimensions qui sont souvent simplement ignorées.

4) Quel retour après quelques années de ces pratiques collaboratives ouvertes ?

Cela peut sembler contre-intuitif mais le fait de mettre nos contenus de formations, logiciels mais bientôt nos modes de fonctionnement soient sous licences libres nous a enrichi... D’une part au travers des nombreux échanges des personnes qui nous on rencontré au travers de nos contenus largement diffusés. D’autre part, parce que de nombreuses personnes qui souhaitent travailler avec nous, nous sollicitent car ils en veulent plus que ce que nous avons mis à disposition sous forme de de biens communs.

Une prof de marketing et communication m’avais prédit que nous irions dans le MUR avec ce type de posture. Nous sommes fier de pouvoir affirmer que c’est exactement l’inverse. Nous pensons souvent à elle ;-)

Enfin, ce qui fait bien plaisir c’est de voir que beaucoup de structures adoptent volontiers ce type de posture et y voient une mise en cohérence entre les jolis mots qui remplissent les chartes et autres jolis textes avec des actions des plus concrètes.

5) Quels sont pour toi les freins pour une association à élargir les droits d’usages ?

D’abord l’ignorance de ce type de licences. Ensuite un joli formatage calqué sur les modèles économiques cyniques et suicidaires : j’invente un truc, je le protège pour fabriquer de la rareté afin d’espérer avoir le monopole des ventes et donc des profits associés. Et on se trouve avec des richesses énormes en terme de savoirs, de pédagogie, d’innovations, de solutions... qui disparaissent avec les structures qui les ont générées ; l’enfant meurt avec les parents qui n’ont pas choisi la liberté pour leur progéniture. Quels gâchis.

Pour nous, ce qui sépare notamment l’Economie Cynique et Suicidaire (ECS) de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) c’est la posture de coopération versus concurrence, licences libres versus licences propriétaires, bénéfices individuels versus bénéfices collectifs...

Il serait donc logique que les associations soient des militantes des licences libres.

6) Quelles sont les raisons qui font choisir une licence CC par une association ?

Le fait de comprendre qu’une des principales fonctions de l’associatif réside en sa fonction exploratoire. L’association c’est quelques personnes qui se rassemblent pour inventer et tester des réponses face à un problème perçu collectivement. L’associatif est ainsi un des lieux d’invention de nos sociétés. Si ces inventions sont brevetés, les associations contribuent à la marchandisation du monde, s’ils créent du biens communs, ils contribuent à consolider des lieux d’espoirs et à s’inscrire dans des logiques résolument sociales et solidaires. C’est souvent assez cohérent avec leurs objets.

Quelques lignes pour me présenter

Fils de paysan ligérien, biologie, éthologie, archéologie, naturaliste, équipier de l’année chez Mac Donald, animateur nature, amoureux, père de 3 filles, pompier volontaire, résolument vivant et 42 ans ce soir.

Voir aussi sur le sujet :

[1Ce portail initié fin mars 2011 compte 120 fiches. C’est un wiki, il est ouvert à vos contributions : http://intercoop.info/index.php/Portail:Creative_Commons

Posté le 19 mai 2011 par laurent, Michel Briand

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