« Linky » : une meilleure maîtrise énergétique ou un simple argument marketing ?

un article repris du site du Cecil, (Centre d’études sur la Citoyenneté, l’Informatisation et les Libertés)

un site sous licence Creative Commons By SA

“« ” Linky » - petit nom donné au « compteur intelligent » dont ERDF a expérimenté depuis plusieurs mois la mise en oeuvre dans 250000 foyers de deux régions (dans l’Indre et Loire ainsi que quatre arrondissements de Lyon) - a été présenté comme une solution aux problèmes de maîtrise d’énergie, dans une perspective revendiquée de développement durable et de maîtrise des dépenses des ménages. Or si l’on prête aujourd’hui l’oreille au discours tenu par les représentants d’ERDF, force est de constater que celui-ci s’axe désormais moins sur le thème de la maîtrise d’énergie que de la nouvelle offre de services que l’entreprise va pouvoir proposer à ses clients... De quoi relancer la polémique sur les objectifs de la généralisation de ces compteurs dont, il faut le rappeler, la dimension intrusive pour la vie privée a clairement été soulignée par la CNIL : « les infor­ma­tions de consom­ma­tion d’énergie trans­mi­ses par les comp­teurs sont très détaillées et per­met­tent de savoir beau­coup de choses sur les occu­pants d’une habi­ta­tion, comme leur horaire de réveil, le moment où ils pren­nent une douche ou bien quand ils uti­li­sent cer­tains appa­reils (four, bouilloire, toas­ter…) [1] » .

Interrogée sur France Info le 23 avril, Michèle Bellon, présidente du directoire d’ERDF, estime l’expérimentation réussie et liste les divers avantages que procure selon elle Linky - « système d’information » et « système communicant » - à ses utilisateurs : réduction des délais d’intervention en cas de panne ou de déménagement, relève réelle à distance et plus fréquente qu’actuellement, information précise sur sa consommation permettant une meilleure gestion de ses dépenses énergétiques. Arguments économiques et pragmatiques donc (le compteur est présenté comme un « facilitateur » et un outil de meilleure « gestion » de la vie quotidienne), mais nulle trace dans ce discours de préoccupations liées au développement durable. Michèle Bellon est finalement claire sur les objectifs poursuivis dans le cadre de l’installation de ces compteurs : « ça apporte des nouveaux services au client, et des économies au distributeur ». Ainsi, Linky doit permettre la fourniture de nouveaux service payants aux « clients », et la suppression de postes ou missions confiées aux agents d’ERDF (plus de relèves de compteurs à domicile).

Comme le remarque Sophie Fabrégat, sur Actu-environnement.com, « pour l’instant, le seul avantage de Linky pour le consommateur réside dans le fait de recevoir des relevés de consommation en réel au lieu des estimations de factures et donc de ne payer que ce qu’il consomme. La question de la valorisation des informations fournies par Linky est restée en suspens et n’a pas été étudiée lors de l’expérimentation. Celle-ci aura finalement seulement permis de valider le processus de déploiement du compteur à grande échelle, de développer le système d’information et de valider le business plan d’ErDF. (...) À l’heure actuelle, Linky est donc un outil d’optimisation de gestion de réseau (gestion des pannes, réduction de déplacement des opérateurs, gestion des pertes non techniques…). Il facilitera la libéralisation du marché de l’électricité prévue dans la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome), en permettant une diversification des offres tarifaires »...

Rappelons enfin, comme le faitJean-Marc Manach dans un article évoquant les nouveaux risquesgénérés par ces « compteurs intelligents » qu’il qualifie de « bombes à retardement » , que ceux-ci sont « dotés de composants matériels et logiciels, et donc potentiellement piratables, ou sujets à des bugs informatiques, d’autant qu’ils sont connectés aux fournisseurs d’électricité. L’objectif est de permettre à ces derniers de surveiller, en temps quasi réel, la consommation électrique, mais également de pouvoir modifier, à distance, l’intensité de l’électricité lors de pics de consommation, ou encore de couper le courant à ceux qui n’honorent pas leurs factures »...

Posté le 30 avril 2011

©© a-brest, article sous licence creative commons cc by-sa

Nouveau commentaire
  • Mai 2011
    15:46

    maîtrise énergétique

    par lecture

    Finalement, l’article présente combien le compteur communicant Linky n’est en réalité que la première brique de la maîtrise de la demande d’énergie, mais une brique indispensable. Grâce aux nouvelles fonctionnalités embarquées du compteur que vous détaillez dans l’article, les différents fournisseurs d’électricité devraient être en mesure de proposer des offres tarifaires et des services adaptés à leurs clients, ainsi que des solutions innovantes pour maîtriser la consommation d’énergie. Si le compteur est adopté, l’accès à l’information en temps réel modifiera sans doute notre comportement de consommateur. Or sans un compteur communicant, il en serait semble t-il autrement.

    Pour les questions relatives à la vie privée j’ai lu que la société ERDF s’est engagée à plusieurs reprises à respecter la confidentialité des données collectées et à les détruire au bout d’un certain temps. Il est vrai qu’il faut être vigilant sur ce point mais là je suis aujourd’hui rassuré car la société dit travailler en liaison étroite avec la CNIL et la CRE pour garantir le respect de notre vie privée et des informations personnelles qui sont la propriété du client. Toutes les données de consommation sont annoncées « cryptées à la source ».

    Je me permets de vous suggérer un lien vers un autre article pour élargir le champ : http://www.euractiv.fr/ue-veut-accelerer-investissements-reseaux-intelligents-article