Propos bruts d’un honnête homme

Stallman : La vie privée vient tout bonnement d’être abolie

suivi de Lettre ouverte aux responsables de tous les gouvernements européens et

Richard Stallman, créateur du mouvement des logiciels libres, ne trouve
aucun avantage à la rétention des données de connexion.

lire aussi

et (en VO)

Les ONG de défense des libertés publiques du monde entier ont beau partager
ses préoccupations, le Parlement Européen a néanmoins voté la rétention des
données de connexion fin mai 2002.

En donnant tout pouvoir aux parlements européens d’adopter, ou de renforcer,
leurs propres lois en matière de rétention des données de connexion, plus de
16 000 citoyens, mais aussi des dizaines d’ONG internationales, relayées par
le site de défense des droits de l’homme allemand stop1984.com, ont purement
et simplement été ignorés.

Il importe désormais aux parlements nationaux de décider si, oui ou non, il
introduiront, ou renforceront, leurs lois en matière de rétention des
données de connexion. Stop1984.com a donc décidé de faire front, s’adressant
à tout un chacun, qu’il réside en Europe ou non.

"Cette mesure ne concerne pas que les seuls Européens", explique l’un
de ses
portes-parole. "Elle vise quasiment tout le monde. Le gouvernement
américain
a perçu la rétention des données de connexion comme un moyen de lutter
contre le terrorisme, et il semble que, dans le monde entier, nombre de
gouvernements ont été attirés par ce genre de collecte et de conservation
des données de connexion. Il ne tient qu’à nous de leur expliquer que nous
ne mordons pas à cet hameçon à mesure qu’elle ne sera pas efficace en
matière de lutte contre le terrorisme."

Il ne s’agit pas d’une question de "protection de la vie privée", mais
de
"droits de l’homme", ce que Stallman, visiblement en colère, définit
comme
"des mesures qui serviront à supprimer les dissidents politiques. Les
forces
de l’ordre se serviront de la rétention des données de connexion comme les
nazis le firent : afin de mettre le grappin sur les ’proches’ des
contestataires en vue de mettre la main sur d’autres dissidents, et de les
interner."

Ses préoccupations sont partagées par nombre d’individus de par le monde.
Phil Zimmermann (le créateur de PGP, le plus populaire et usité des outils
de cryptographie au service des droits de l’homme -NDT) et Wolf-Dieter Roth,
un journaliste allemand, entre autres. La réponse de Roth en matière de
"lutte contre le terrorisme via la rétention des données de connexion"
est
simple : "les gens apprendront à faire avec ce genre de nouvelles mesures
s’ils y sont obligés. Au lieu de parvenir à trouver les terroristes, la
police ne trouvera que des innocents pris par accident dans les mailles de
cette cybersurveillance. Son efficacité est plus que discutable", avance
Roth, comparant les autorités avec des "messies" qui, un jour ou
l’autre,
seront perdus face à l’ampleur des données collectées. "La possibilité de
trouver quelque donnée pertinente que ce soit en matière de lutte contre la
criminalité ne peut autoriser un gouvernement à tout intercepter."

Roth et Stallman ne sont pas convaincus par les arguments relatifs à la
lutte contre la criminalité, et plus particulièrement à ceux qui font
référence aux évènements du 11 septembre. A mesure que la NSA (National
Security Agency, service secret chargé d’enregistrer toutes les
télécommunications - NDT) n’a pas été en mesure d’empêcher quoi que ce soit,
les points de vue de Stallman et Roth semblent on ne peut plus logiques.

"Si les données actuellement conservées ne peuvent empêcher des attaques
terroristes de se produire, comment la conservation d’un plus grand nombre
de données pourrait-elle le faire ?", selon Roth. "Nous n’aurons plus
de vie
privée, et il sera possible d’établir un portrait-robot de ceux à qui nous
écrivons, à quelle fréquence, et de ceux qui nous écrivent ou à qui nous
écrivons, etc." Plus incisif encore, Stallman avance que "la vie
privée est
tout bonnement abolie lorsque les gouvernements surveillent ceux à qui vous
parler, où vous allez et ce que vous lisez".

Interrogé sur ce qu’il faudrait faire en matière de rétention des données de
connexion, Stallman répond simplement que "les politiciens devraient
reconnaître que les mouvements sociaux contre la globalisation libérale
n’ont de raison d’être que parce que les gouvernements travaillent pour le
secteur privé, pas pour les gens. Les hommes politiques devraient travailler
à réduire le pouvoir des sociétés privées, de sorte que les gens n’aient pas
à choisir entre la protestation et l’apathie."

Philipp Zimmermann, Wolf-Dieter Roth et Richard Stallman ne sont que
quelques-unes des personnes à s’être senties concernées par cette campagne
internationale lancée par stop1984.com. Il ne tient qu’aux citoyens,
désormais, de décider s’ils tiennent à leurs vies privées ou non. Si la
réponse est "oui", vous pouvez signer

Lettre ouverte aux responsables de tous les gouvernements européens et de tous les parlements de l’Union Européenne.

lettre

Le Parlement Européen a adopté la conservation a priori et sans mandat des
données de connexions, et ce contrairement aux fondaments de la directive
européenne sur la protection des données personnelles ainsi qu’à la
recommandation de la Commission des Libertés et des Droits des Citoyens du
Parlement Européen. Les pays membres sont ainsi désormais habilités à
adopter des lois nationales portant sur la conservation des données de
télécommunications, et ce au mépris de la directive européenne sur la
protection des données personnelles.

C’est pourquoi nous adressons cette lettre ouverte à l’ensemble des membres
des parlements nationaux ainsi qu’aux gouvernements des pays membres de
l’Union Européenne. A mesure que le Parlement Européen ne respecte pas
l’esprit de sa propre directive en matière de protection des données
personnelles, nous espérons que les membres des parlements nationaux et des
gouvernements européens effectueront le correctif nécessaire.

Les informations personnelles, extraites des données de connexion,
fournissent des éléments substantiels sur nos habitudes de communication,
nos centres d’intérêts personnels, les endroits où nous nous déplaçons, nos
orientations et préférences sexuelles, etc.

Aucun état n’a le droit de stocker de telles données intimes sur ses
citoyens sans même avoir à fournir de preuves de leurs implications dans
quelques crimes ou délits que ce soit, mais en vue de faciliter le travail
des forces de l’ordre. Nous demandons à ce que le stockage de telles données
par les forces de l’ordre requiert un mandat qui ne serait délivré qu’au cas
par cas.

Cette mesure adéquate et proportionnée serait ainsi respectueuse de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme, la Charte Européenne des Droits
Fondamentaux ainsi qu des décisions rendues par la Cour Européenne.

Quand les droits démocratiques les plus fondamentaux sont sacrifiés sur
l’autel de la sécurité, c’est la liberté qui se meurt avec eux.

La conservation systématique et préventive de toutes les données de
télécommunications électroniques entraîne la fin des droits les plus
importants de toute société démocratique : le droit à la vie privée, à la
liberté d’expresion et à la présomption d’innocence.

Nous, soussignés, demandons instamment aux membres des parlements et des
gouvernements de remplir leur devoir de représentants des peuples.

La liberté des citoyens est plus importante que la facilitation tout
hypothétique du travail des forces de l’ordre !

Pour signer la lettre ouverte

Posté le 6 juillet 2002

©© a-brest, article sous licence creative common info