Introduction à l’idée d’économie circulaire

L’économie circulaire [1] s’oppose à l’économie linéaire, la nôtre, qui épuise d’un
côté des ressources, et accumule de l’autre des déchets ; elle cherche à
rapprocher nos écosystèmes industriels du fonctionnement quasi cyclique des
écosystèmes naturels.

Vous êtes libre de copier ou diffuser les documents de ce site à la seule condition de citer la source.
©www.eco-life.fr

Qu’est-ce que l’économie circulaire ? [2]

Il s’agit de disjoindre la création de valeur des flux de matière et d’énergie qui
la sous-tendent généralement. Deux chiffres permettent de prendre conscience des
enjeux : seuls 7 p. 100 des ressources utilisées pour obtenir des produits finis se
retrouvent dans ces derniers ; 80 p. 100 de ces mêmes produits ne donnent lieu qu’à
un seul usage.

Plus précisément, il s’agit de conduire une double stratégie de
dématérialisation : d’abord, en réduisant la quantité d’énergie et de matière par unité
de biens produits, sans oublier la nécessité de décarboniser l’énergie - en recourant
à des énergies de substitution ou en séquestrant à la source le carbone. Ensuite,
l’objectif recherché est le bouclage des cycles de matières. Les voies disponibles
sont alors multiples : l’utilisation des co-produits, sous-produits et déchets d’un type
de production par d’autres productions, d’une industrie par une autre.

A quoi
s’ajoutent enfin la réutilisation, le remanufacturing et le recyclage. L’évolution à venir
des technologies, avec les génies moléculaire (nanotechnologies), génétique et
informatique, pourrait permettre de rapprocher les techniques de production de
l’agrégation à froid de la matière propre au vivant, et d’ouvrir ainsi des horizons
nouveaux au bouclage des cycles.

L’étude du métabolisme des différents secteurs d’activité constitue donc la
condition sine qua non à une stratégie générale de rééquilibrage des flux. Elle
permet d’identifier les flux qui suscitent un impact environnemental significatif et de
dégager des synergies entre les différents secteurs industriels afin de réduire de
façon générale la quantité des ressources nécessaires à la fabrication des biens.

Le Canton de Genève a par exemple fondé sa politique de développement
durable sur une analyse préalable de tous les flux sur son territoire.

Différentes
actions sont depuis lors conduites en fonction des résultats de cette étude ; par
exemple, l’obligation pour les constructions nouvelles en béton, de recourir pour
moitié à du béton recyclé (recyclage des graves), le chauffage géothermique, grâce
aux eaux du Lac, d’un quartier, l’appui à la recherche de synergies eco-efficaces
pour les entreprises de la ville, etc.

La recherche de ces synergies peut être conduite de deux manières, non exclusives.
En premier lieu, on peut chercher à dégager de nouveaux usages pour un flux de
matière donné : tel est, par exemple, le cas de la valorisation énergétique des
déchets graisseux des charcuteries industrielles à des fins de fabrication de vapeur ;
les équarisseurs recourent également à ce type de valorisation et songent en outre à
utiliser leur flux de graisse pour la production d’électricité ; les poussières d’aciérie
peuvent donner lieu à la production de pigments pour peinture, les boues de station
d’épuration à la confection de briques, les bourres de grattage et de rasage de
l’industrie textile à des mousses de conditionnement, etc. En second lieu, on peut
chercher à mettre au point une méthodologie d’identification a priori de synergies
inter-sectorielles. [3]

Ecoparcs industriels et initiatives régionales

L’écologie industrielle connaît différentes stratégies de déploiement. La plus connue
est la création d’éco-parcs industriels. Le premier d’entre eux s’est construit
progressivement dès le début des années 1960, sans dessein écologique, dans une
ville portuaire danoise, Kalundborg. Une centrale thermique et une raffinerie
échangent des flux d’eau et de vapeur ; l’unité de désulfuration de la centrale
électrique immobilise sous forme de gypse le soufre contenu dans le charbon, ce
gypse étant lui-même valorisé pour la construction de panneaux, etc.

Une
cinquantaine de parcs éco-industriels, sciemment construits, ont été développés
depuis de par le monde, au Nord comme au Sud. Citons quelques chiffres relatifs à
celui de Guigang en Chine : ce sont annuellement 60 millions de tonnes d’eau qui
sont économisées, 200.000 tonnes de bagasse qui remplacent 600 à 660 m3 de bois
destinés à la production de papier, 93 % de la mélasse et des effluents liquides de la
Région autonome de Guangxi qui sont valorisés pour la production d’éthanol, ce qui
réduit la pollution des eaux de 134 mille tonnes de déchets organiques.

La synergie entre entreprises

Parallèlement au développement de ces éco-parcs, des organismes
encouragent les synergies entre les différentes entreprises. Le Business Council for
Sustainable Development (Gulf of Mexico), a initié en 1997, sur la zone industrielle
de la ville portuaire de Tampico (Mexique), un ensemble de synergies de sousproduits
au sein de l’industrie chimique et pétrochimique. Le Business Council for
Sustainable Development (North Sea Region) développe également, au Royaume-
Uni, un programme de synergies industrielles dans la région de Birmingham. L’une
des actions notables est l’association des deux industriels en vue de produire du
biodiesel à partir d’huiles végétales usagées. L’Institute for Eco-Industrial Analysis de
Heidelberg organise depuis les années 90, en Allemagne, des échanges de matières
entre petites et moyennes entreprises de la région Rhein-Neckar.

Des stratégies par filière se développent également. Les cimentiers utilisent, par
exemple, depuis longtemps divers substituts énergétiques (des pneus aux farines
animales) ou de matières secondaires. L’un des pôles de compétitivité français, le
pôle « Industrie et agro-ressources » porté par la Champagne-Ardenne et la
Picardie, relève de l’écologie industrielle en ce qu’il revendique l’objectif zéro déchet,
fondé sur le principe d’une valorisation intégrale des plantes cultivées, via la
valorisation de molécules promises à des usages substitutifs divers ; ce que l’on
commence à savoir faire avec le blé, le chanvre, le lin, etc. C’est le développement
du principe de la raffinerie végétale produisant des molécules promises à des usages
divers : biomatériaux, chimie verte, pharmacie, cosmétiques et bioénergie. Enfin,
l’avantage du principe de la raffinerie végétale est de réduire le problème posé par la
concurrence des sols : l’usage des déchets ligno-cellulosiques pour produire des
biocarburants permet par exemple de contourner en grande partie le problème
attaché aux surfaces exclusivement dédiées à ce type de production. Il reste
cependant à trouver des solutions réellement durables pour la part des cultures
devant revenir au sol et les intrants de substitution.

Les leviers de développement de l’économie circulaire

L’économie circulaire sera favorisée par :

  • 1 - l’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie
  • 2 - celle du coût des déchets
    Sur ces deux leviers la fiscalité peut jouer évidemment un rôle incitatif fort.
  • 3 - l’évolution du cadre réglementaire
  • La réglementation française constitue un obstacle au développement de l’écologie
    industrielle : la valorisation d’un déchet dans une Installation classée pour
    l’environnement (ICPE), c’est-à-dire un site industriel soumis à des normes
    particulières pour protéger le voisinage, exige une procédure d’autorisation longue,
    lourde, et, donc, dissuasive, même si elle ne représente aucun danger. Par
    contraste, il est intéressant, de signaler que la Chine favorise l’économie circulaire
    par une directive cadre de novembre 2004.

[1C’est l’appellation sino-japonaise de ce qu’on appelle, de façon moins évocatrice, l’écologie industrielle.

[2Cette présentation s’inspire fortement du livre « Environnement et Entreprises » De D. Bourg, A.Grandjean et}}}

T.Libaert. Voir également Erkman S., Vers une écologie industrielle. Comment mettre en pratique le
développement durable dans une société hyperindustrielle, Paris, Editions Charles Léopold Mayer, 2004 ; voir
aussi Bourg D. & Erkman S., Perspectives on Industrial Ecology, Londres, Greenleaf Publishing, 2003.

[3Tel est le cas de la base ISIS (Industrie et synergies inter-sectorielles), mise au point par la branche Recherche
et développement d’EDF et le Centre de recherches et d’études interdisciplinaires sur le développement durable
(CREIDD) de l’Université de technologie de Troyes, qui répertorie l’ensemble des flux des différents secteurs
d’activité

Posté le 7 mars 2011

licence de l’article : Contacter l’auteur