Démocratiser l’accès public aux TIC et à leurs usages dans l’agglomération nantaise

4 juillet 2004, par COLLECTIC

[Article co-produit par le CollecTIC et à paraître dans le cahier n°5 (juillet 2004) dédié aux TIC de l’Institut Kervégan]

Cet article présente une démarche originale en construction sur l’agglomération nantaise et susceptible de participer à la démocratisation des TIC et de leurs usages auprès de tous les publics. Cette problématique a par ailleurs fait l’objet d’une conférence/débat le 3 juillet 2004 dans le cadre de la 3ème édition de Scopitone.

Contexte Régional

Depuis 4 ans, l’arrivée dans les foyers d’appareils numériques liés au son et à l’image s’est faite massivement. En effet, d’après l’étude menée par Synapse
en 2003 et 2004 sur « L’usage des TIC par les citoyens et les ménages dans les Pays de la Loire »
 [1]
la moitié des foyers (54 %) disposent actuellement d’un ordinateur à la maison (contre 43 % en France) et 35 % sont connectés à internet, ce chiffre étant en forte et rapide progression.

Les pratiques de l’Internet concernent principalement la consultation d’informations liées aux loisirs, à la culture, au courrier electronique et à l’actualité (48 % pour les + de 11 ans) et ont lieu en priorité dans les foyers et occasionnellement dans les points d’accès public. On notera qu’en Loire-Atlantique, la fréquentation dans les points d’accès publics est moitié moindre que celles constatées en Maine et Loire et Sarthe. Un effet du sous-équipement relatif de notre département en espaces publics numériques ? La suite de l’étude traite des non-internautes. Elle montre que les freins à l’accès aux usages se situent en amont (facteurs sociaux et culturels).

Ainsi même si ces outils se sont globalement répandus, cette expansion s’est dirigée vers des publics déjà à l’écoute, et a par conséquent accentué les disparités sociales au niveau de l’accès et des usages.

L’étude de Synapse soulève également le lien entre l’activité professionnelle et l’équipement au foyer dans les pratiques numériques et l’usage d’Internet. En complément, l’appropriation et les usages peuvent s’effectuer au sein du tissu associatif très développé dans l’Ouest.

Les Accès Publics peuvent permettre de diminuer ce sentiment d’exclusion par l’initiation, l’accompagnement, la formation et proposent d’autres pratiques complémentaires aux usages professionnels ou domestiques. Pour cela, les pratiques d’animation et de formations doivent s’inscrire dans des projets pédagogiques et culturels fortement imprégnés des potentiels et concepts véhiculés par les outils des TIC. Les animateurs de ces lieux se trouvent à la fois catalyseurs des attentes des publics et forces de proposition, de médiation.

Encore faut-il, comme le montre l’étude de CRéATIF
 [2]
bien clarifier ce que l’on entend par « accéder » au multimédia et à Internet (de la possession d’un lecteur DVD à la capacité de production et de diffusion de contenus), bien différencier l’utilisation et les usages (des « fonctionalités d’un outil » à « la manière d’utiliser un outil pour atteindre un but ») et définir le contexte de ces usages. Cette étude amorce d’ailleurs une typologie intéressante et relativement exhaustive de ces usages :

  • communication interpersonnelle / lien de sociabilité
  • recherche d’emploi / insertion professionnelle
  • se raconter / affirmer son identité
  • gérer / administrer
  • s’amuser / se détendre
  • apprendre / se former
  • faire des économies
  • créer dans le domaine artistique.

Sans croire au règne de l’utopie de la communication et d’une vision simplifiée des TIC et de leurs effets (positifs ou négatifs), force est d’admettre que la véritable problématique est celle de l’orientation sociale des innovations, de la lecture de l’Information, de la formation aux usages, de l’appropriation des outils d’expression et de création par TOUS les publics.

Dans l’agglomération nantaise

Ce que la Ville de Nantes fait déjà pour les associations...

Nous prendrons comme témoin de l’action des collectivités locales en matière de TIC dans l’agglomération nantaise celle de la ville de Nantes, dont on peut trouver une large présentation de l’action en direction des associations sur son site ...

(extraits) "Le soutien de la Ville à la vie associative se manifeste par la mise à disposition de nombreux locaux (15.000 m2 dont 14 Maisons d’associations : Manufacture , Quai Baco, Convention ...), de salles de réunion (20 000 réservations par an), ou de bureaux associatifs, et des services (reprographie, diffusion d’informations par Minitel et journaux électroniques).

...et ce qu’elle pourrait faire à l’avenir

A l’évidence, une dimension n’est pas encore prise en compte celle des TIC ; chaque association étant renvoyée à des solutions individuelles, alors que parallèlement la Ville a vu fleurir un mobilier urbain "interactif", improprement baptisé citoyen, mais qui reste quasiment inutilisé, et dispose de liaisons hauts-débits avec le réseau O-Méga ; des liaisons qui ignorent pour l’heure le monde associatif, desservant uniquement au travers des GFU (groupes fermés d’utilisateurs), l’enseignement supérieur, la santé et les collectivités territoriales.

Il n’est pas question de contester ces priorités mais de proposer que dans la nouvelle phase qui s’ouvre, les maisons d’associations tout au moins partout où c’est possible, puissent être reliées à ces réseaux, que les locaux associatifs bénéficient de ce type de service à un tarif favorable. C’est une des conditions pour permettre l’entrée des associations dans le monde des réseaux mais ce n’est pas la seule.

La question de l’appropriation des TIC

Pour l’heure l’agglomération nantaise compte, en étant large dans l’acception du mot, 6 à 7 Espaces publics numériques, ce qui au regard de la situation brestoise
 [3]
ou de celle de la Région Nord-Pas de Calais [4] apparaît vraiment peu.

Ne pouvant plus compter sur les emplois-jeunes, les collectivités, si elles ne veulent pas laisser s’accroître la fracture numérique, ne peuvent pas non plus s’appuyer uniquement sur l’école ou les familles, elles doivent aussi soutenir les associations et favoriser leur appropriation des TIC. Pour cela il faut des lieux dédiés, qui pourraient être situés dans les maisons des associations, ainsi que des budgets de formation et d’accompagnement.

Présentation du CollecTIC...

Le CollecTIC se présente comme un regroupement informel d’acteurs de l’agglomération nantaise qui oeuvrent à titre personnel, associatif, professionnel ou politique dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication au sens large. Chacun y conserve son identité propre et participe avec sa sensibilité, ses expériences, ses compétences et ses disponibilités dans le but d’y défendre ou promouvoir les idées ou les objectifs qu’il poursuit au quotidien dès lors qu’ils répondent à l’intérêt et aux problématiques du collectif. Les contributions publiés dans les espaces d’échanges et de travail que le CollecTIC met actuellement en place n’engagent que leurs auteurs et par défaut, les structures ou les entités qu’ils représentent dans la mesure où ils détiennent mandat pour ce faire.

...de ses objectifs

L’objectif principal est de promouvoir et défendre l’accès public aux TIC et leurs différents usages pour TOUS sur l’ensemble de l’agglomération nantaise (Nantes Métropole).

Sans aucune échelle de valeur ou de priorité cela recouvre :

  • la création et l’animation d’un réseau d’EPNs maillant l’ensemble du territoire communautaire en s’appuyant lorsque c’est possible sur les réseaux de l’éducation populaire, de la vie associative et culturelle locale et éventuellement de nouvelles structure(s) dédiée(s) (centre(s) de ressource(s)). A ce titre, la configuration des TIC à Brest
    nous paraît constituer un modèle du genre. Dans l’absolu et selon les expérimentations déjà conduites, la taille critique tournerait autour d’un équipement pour 10.000 habitants. Pour parer au plus pressé, un développement intermédiaire à raison d’un équipement par pôle de proximité communautaire (soit 10 structures d’accueil concernant potentiellement chacune 60.000 habitants) serait déjà une nette avancée par rapport à l’existant.
  • l’inter-connexion par tous les moyens disponibles (fibre optique, boucle locale radio, WIFI, XDSL,...) de l’ensemble de ces structures d’accueil aux réseaux hauts débits communautaire (O-Mega) et inter-régional
  • les financements pour l’investissement initial et le(s) modèle(s) économique(s) de fonctionnement de ces structures,
  • l’accompagnement de leurs usagers,
  • la formation de ces accompagnateurs,
  • la sensibilisation à la philosophie et à l’usage des Logiciels Libres qui participent à la démocratisation des TIC et surtout de leurs usages,
  • la création artistique et l’accès à la culture, aux savoirs et aux connaissances,
  • la liberté d’expression et l’engagement citoyen,
    la formation à l’écrit public,
    ...

...de ses modes et outils de fonctionnement

Les modes et les outils de fonctionnement du CollecTIC sont principalement basés sur les modèles de développement originaux d’Internet ainsi que sur la philosophie et les valeurs portées par les Logiciels Libres. Ils sont donc collaboratifs et varient de semi-fermés à complètement ouverts sur la base d’une dynamique participative d’échanges et de partages d’égal à égal.

A titre d’exemple, Le CollecTIC s’appuie ou s’appuiera sur les outils suivants :

  • une zone de réflexion semi-fermée : une liste d’échanges non-modérée dont les archives et la liste des inscrits seront prochainement accessibles en ligne à tou(te)s celles et ceux qui s’y seront au préalable inscrit(e)s (gratuitement bien entendu). Ces archives permettront aux nouveaux entrants de mieux comprendre la genèse de la construction du CollecTIC pour ensuite mieux cerner dans quelle mesure et sous quelle forme ils peuvent s’inscrire dans la démarche et contribuer à l’atteinte des objectifs du CollecTIC.
  • une zone semi-ouverte de travail collaboratif : le wiki constitue l’espace de travail collaboratif ouvert en lecture et en écriture à tous les visiteurs qui en connaissent l’URL. C’est ici que se concrétisent, en prenant forme et s’affinant, les réflexions échangées sur la liste.
  • une zone totalement ouverte de publication et d’échanges avec les publics qui ne sont pas directement impliqués dans la démarche. Cet espace (en projet pour 2004) s’appuiera vraisemblablement sur SPIP qui est incontestablement la meilleure plate-forme de publication collaborative en open-source et -assez rare pour être souligné- en langue française. Il permettra au CollecTIC de communiquer et d’interagir avec son environnement à l’aide des forums publics disponibles au pied de chaque article/contribution importé(e) du wiki. Son système de "syndication automatique de contenus" permettra par ailleurs de tisser des liens et rapatrier les informations publiées sur les sites de ses membres ou partenaires en leur offrant ainsi davantage de visibilité toujours dans cette dynamique d’échanges et de partage et dans cette volonté de mieux communiquer dans le but de mieux comprendre l’Autre.

3 niveaux d’accès à 3 zones d’échanges qui correspondent aux 3 niveaux d’actions complémentaires et nécessaires à la mise en oeuvre, à la réalisation et à l’évaluation des actions menées par le CollecTIC.

...et de ses projets pour 2004

  • Mieux se connaître afin de définir plus précisément Le CollecTIC et l’ouvrir davantage aux partenaires nantais intéressés par la démarche,
  • Affiner et concrétiser nos différents modes et outils de fonctionnement,
  • Réalisation collaborative d’un outil de géolocalisation des structures et des usages dans l’agglomération nantaise (développement basé sur l’application Localis),
  • Réalisation collaborative d’un DiagnosTIC concernant les TIC à l’échelle de la Métropole Nantaise
  • Premières propositions afin d’améliorer la démocratisation des TIC et leurs usages sur l’agglo
  • Base d’échanges de contenus ouverts et libres de droits ?
  • Annuaire ou répertoire des ressources/compétences nantaise dans le domaine des TIC ?
    ... ?

[1L’usage des TIC par les citoyens et les ménages dans les Pays de la Loire. Etude de Synapse, l’observatoire des TIC en Pays de Loire

[2« Diagnostic sur l’accès public au multimédia » de P.Cazeneuve

[3la situation brestoise apparaît, il est vrai, exceptionnelle, avec 20 points d’accès publics dans les seules associations, autant dans les équipement socio-culturels de quartier, pour un total de [80 papis, points d’accès publics à l’internet

[4La politique "cybercentre" avait pour premier objectif en 2001 la mise en place de 100 "cyber centres" ; cet objectif a été atteint et doublé en 2002

Posté le 4 juillet 2004

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