Bien qu’il ne nous appartienne pas, en tant qu’Agence en charge du numérique, de commenter la nomination d’un nouveau ministre dans le cadre d’un remaniement ministériel, il nous paraît légitime de nous interroger sur le cadre politique des changements annoncés.
Hier à la Charge d’une Secrétaire d’Etat à la prospective et à l’économie numérique, aujourd’hui, c’est un Ministre qui sera chargé de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique…
En prenant du galon, le numérique risque, cependant, de connaître, un sérieux revers.
Nous ne reviendrons pas sur cette question de l’ « Economie Numérique ». Qu’il y ait de l’économie dans le numérique, nous serions les derniers à le nier. On peut même légitimement penser que ce secteur est l’un des rares qui puisse créer de la croissance parce qu’innovateur. Les pôles de compétitivité d’Ile-de-France « Cap Digital » ou « SystemaTIC », les start-ups, les incubateurs, les universités et les grandes écoles présentent sur notre territoire sont les premiers à témoigner de la vivacité de cette filière.
Pourtant, réduire le numérique à une « Economie » est un contresens grave. Soit il induit de réelles mutations technologiques comme la machine à vapeur en son temps, soit il est un épiphénomène qui ne durera qu’un été.
Dans le second cas, il est effectivement logique de le noyer dans l’industrie (de la production de lames de rasoir à celle d’A380, dans l’énergie (alors que se profile une « vraie » crise énergétique), le numérique n’aura, alors, été qu’un effet de monde.
Mais si le premier cas est une réalité, le fait d’avoir à compléter les mutations purement technologiques par d’autres mutations sociétales, idéologiques, écologiques, hiérarchiques…, c’est une erreur de le limiter à la classe des « techos », « geeks » ou autres techniciens.
Un ministre de l’Industrie est-il un ministre transverse capable de parler au nom des jeunes (jeu…), des liens sociaux (les réseaux sociaux), des plus éloignés des richesses (e-inclusion, accès public à Internet…), des producteurs de contenus (Hadopi, Opendata…), des étudiants et des lycéens (ENT, e-learning), des malades et des handicapés (télémédecine, télésurveillance) ? On peut en douter.
La précédente Secrétaire d’Etat avait bien perçu la question et s’était lancée dans la sensibilisation des politiques à ces enjeux avec ses ateliers « Elus 2.0 »
On m’objectera qu’il y a de la technologie et de l’industrie dans tous ces thèmes, ma réponse est néanmoins toute trouvée « Science sans conscience, n’est que ruine de l’âme » et cette part de conscience que peut produire l’intelligence collective, les « living labs », le partage d’expérience et la mutualisation, on ne l’a que rarement vu dans l’industrie traditionnelle. Si elle avait été visible, cela se saurait !
Dernière question sur laquelle on peut s’inquiéter : malgré toute notre capacité d’innovation, les indicateurs internationaux, au-delà de la seule question des infrastructures, ne sont pas bon quand à la numérisation de la société française (PMI /PME, TPI/TPE, collectivités, structures associatives, numérisation des patrimoines…). Réserver à un seule ministère technique qui plus est en charge d’autres questions d’extrêmes importances (l’énergie par exemple) est peut-être plus qu’une restriction, c’est sans doute une erreur.