L’interview

par Monique Férec, journaliste

Définition :

Dans l’interview, l’information sera personnalisée, présentée sous la responsabilité de votre interlocuteur. Ce qui ne veut pas dire que le journaliste doit écrire n’importe quoi et se laisser manipuler.
Une interview ne doit pas être le prétexte pour ne pas mener une enquête. Elle n’est pas une conversation de salon, ni un entretien documentaire, ni un interrogatoire.
L’interview est l’art d’atteindre la sensibilité de l’interlocuteur sans paraître indiscret ni trop intrusif. C’est un face à face, c’est une relation de confiance à créer.

C’est un genre difficile !

Il y a plusieurs types d’interviews : directif (questions précises), et non directif (au gré de l’entretien).

Nos conseils, avant, pendant, après l’interview :

Avant

Bien définir le sujet et l’angle de l’interview. Règles communes à tous les genres journalistiques.

  • Qui interviewer ?
    La question n’est pas si évidente qu’elle n’y paraît. Mieux vaut s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints. Mais éviter de faire toujours appel aux mêmes personnes quand vous le pouvez. Trouver la bonne personne au bon moment.
  • Contacter votre interlocuteur.
    Donnez-lui exactement l’objet de votre interview, le cadre de celui-ci, la raison pour laquelle vous vous adressez à lui, pourquoi maintenant ?
  • Préparez vos questions.
    Une interview se prépare, particulièrement quand l’objectif est de montrer ce qui ne saute pas aux yeux. Derrière les faits, quelle intention, quelle analyse ?
    Les questions claires, qui témoignent d’une bonne connaissance du sujet, appellent des réponses claires. Un journaliste ignorant n’est pas crédible. La première question est importante. Veiller à poser uniquement des questions dont vous n’aurez pas la réponse par ailleurs par le simple fait de vous documenter. La préparation collective des questions est toujours enrichissante.

Pendant.

L’interview est l’art du contact

Le bon interviewer est celui qui cherche à apprendre, à comprendre sans faire preuve de naïveté.

Le face à face doit être équilibré. L’interviewer ne doit pas prendre trop de place, ne pas profiter de l’interview pour se mettre en valeur. Il doit laisser parler, ouvrir son esprit, aider son interlocuteur à pousser plus loin sa réflexion, à écouter des arguments différents des siens. C’est un exercice subtil. Ne le laissez pas l’autre vous noyer dans un flot de paroles : trop parler est une autre manière de ne rien dire ! Ne vous laissez pas intimider. Vous avez le droit d’être là. Votre interlocuteur a accepté de vous recevoir. Faites passer votre enthousiasme, mais attention à une trop grande complicité. Pas de complaisance. Respectez votre interlocuteur s’il vous parle « off ».

Si vous n’avez pas compris, faites répéter, et faites-vous expliquer les termes techniques.
Vous verrez à la retranscription que ce n’est pas un luxe !

Que faire en cas de silence ? Rien parfois. Il peut témoigner d’une réticence intéressante.

La présence d’un magnétophone peut inhiber. Prenez des notes dans tous les cas.

Soyez attentif à la fin de l’interview. Des choses importantes peuvent se dire quand il est officiellement terminé.

Après

  • Retranscrire.
    Le travail n’est pas terminé après l’interview. Avez-vous écouté une interview ? C’est illisible : L’heure à la transposition du style parlé au style écrit. Vous n’êtes pas obligés de restituer mot à mot. Vous pouvez redresser le vocabulaire et la syntaxe, mais employez des termes plus simples, plus clairs, et surtout restez fidèle à l’écrit. En relisant la personne doit dire : « ce n’est pas exactement ce que j’ai dit, mais exactement ce que je voulais dire ».

Respectez les opinions de votre interlocuteur, même si elles ne vous conviennent pas.
Les questions qui apparaîtront seront courtes. La dernière appellera une réponse courte, une chute.

Le titre sera une citation forte de l’interviewé. Pas plus de dix questions.

  • Faire relire ou pas ?
    Les avis sont partagés. Le danger est de voir l’interviewé limer ou renier ses propos à posteriori pour en faire quelque chose de plat, prétextant : « finalement, j’ai estimé que c’était trop tôt pour m’exprimer sur ce sujet, j’ai réfléchi depuis ».

Si la personne doit respecter la liberté de la presse, les propos appartiennent à celui qui les a prononcés. Il n’est pas possible de reproduire, sans son accord, les propos d’une personne, sauf si elle s’est exprimée en public. S’il accepte de se faire relire, le journaliste peut préciser qu’il tient au sens et au ton.

Extraits de la Charte des devoirs professionnels des journalistes français. (adoptée en 1918 par le syndicat national des journalistes, révisée en 1938)

« Un journaliste digne de ce nom :

  • revendique la liberté de publier honnêtement ses informations,
  • tient le scrupule et le souci de la justice pour des règles premières ».

Mais encore...

Si vous n’avez pas le temps de préparer une interview, définissez trois questions importantes.

Une expérience d’interviewé est intéressante, pour se mettre dans les chaussures de l’autre.

Relisez vos notes juste après quand c’est encore frais.

Posez une seule question à la fois. Sinon, l’interlocuteur n’entendra que la dernière.

Apparaissez détendu. Par effet de miroir, celui qui est en face vous renverra le sentiment que vous affichez.

Posté le 11 mai 2004

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