Régions 2028 : la 27e Région fait son off

En marge du Congrès des Régions de Marseille, élus, agents et créatifs inventent les outils de la politique publique de demain, et une nouvelle méthode de travail pour tout de suite...

Repris d’un billet publié par Anne Daubrée sur le site de la 27ème région, un site sous licence creative commons by NC sa

Une soixantaine d’élus, agents, designers, architectes, chercheurs… se retrouvent à l’hôtel Vertigo, à Marseille, le mardi 8 décembre au soir. La 27e Région les a invité à participer à la journée de travail créatif qui se tient le lendemain. Mais, ce soir, c’est d’abord l’occasion de faire le point sur l’année qui vient de s’écouler, en particulier sur le programme "Territoires en résidences".

Tour à tour, les équipes présentent rapidement les résidences. Il y en a 7, plus une… celle du « Laboratorio per l’innovazione », que Maurizio Giambalvo va présenter, venu spécialement de Palerme.

Un livret de présentation des résidences est diffusé aux participants (librement téléchargeable ici). La soirée se poursuit par des discussions, ddans une ambiance tranquille et conviviale.

Sortie en Boate

Mercredi 9 décembre. A 9 h, les participants se retrouvent à la Boate, ce tiers lieu marseillais, à quelques pas du vieux port. Après le café, tout le monde se rassemble au fond de la salle, dans la pièce libérée de ses meubles. On s’assied par terre et assiste à une revue de presse du 9 décembre...2028. Les infos défilent, sur fond d’images bricolées : Gros titre : « Les élus du Grand Paris partent en voyage d’étude sur le plateau de Millevache,” pour s’inspirer de leur maniere de vivre ensemble. Autre info : on fête le 10e anniversaire du pôle alimentaire multimodal, qui marque la fin d’une époque où les AMAP étaient considérés comme une curiosité….

A travers ces histoires inventées (qu’on pourra retrouver en détails sur Flickr), différents défis et enjeux sociétaux auxquels sont confrontées les régions sont abordés : énergie, éducation, gouvernance, alimentation, usages des technologies, créativité, participation… mais on ne va pas regarder des vidéos toute la journée ! Stéphane Vincent, Romain Thévenet et François Jégou présentent les règles du jeu. L’objectif : imaginer comment cet avenir "souhaitable" est-il arrivé, quels projets, quelles politiques publiques, quelles étapes ont été nécessaires pour l’atteindre...

Huit groupes sont constitués, avec, pour chacun, un expert, un designer, et six autres personnes qui vont remuer ensemble leurs méninges toute la journée. Chaque groupe part s’installer dans une îlot créatif, composé de murs de papier, conçu par le designer Jean Couvreur. Au centre, une table. Dessus, un rouleau déroulant de paper-board. Stylos et post-it multicolores complètent l’équipement… C’est parti.

Pause créative ?

“La pause créative”, qu’est ce que cela évoque pour vous ? “pause café”, “ moment de détente”… le premier mur de l’îlot se recouvre de post-it. Ce groupe a été invité à réagir à un article qui relate le succès des “ pauses creatives” dans la société. Qu’apportent ces pauses ? Qu’est ce qui les limite ? Un autre mur se recouvre de post-it. Autour de la table, on renverse le sujet. Un concensus se forme : le concept de “pause créative” n’a pas vraiment de sens dans une culture où la créativité n’est pas vraiment reconnue. C’est plutôt à la façon d’irriger la société de créativité qu’il faut réfléchir… Dans l’îlot voisin, on s’interroge sur la manière de gérer au mieux l’omniprésence des technologies dans la vie quotidienne. “ A Angers, un bailleur social a mis en place un système qui permet aux locataires de mesurer leur consommation d’énergie”. “Ailleurs, tel système a été abandonné, car il n’était pas adapté”. Jacques-François Marchandise, directeur de développement à la Fing, recadre la discussion “ On est là pour trouver comment se déconnecter”. On continue de chercher…

De la discussion au projet

Les échanges se poursuivent, dans une ambiance concentrée mais détendue. Il est 11h, et, au pied de la table consacrée à l’alimentation et animé par John Thackara et Adèle Seyrig, trainent déjà deux mètres de papier. Ils sont parsemés de mots clés et de dessins. “Les abattoirs sont très centralisés. Ce système est cher et complexe pour les éleveurs” explique Benoît Lacroix , animateur au Pays Nivernais Morvan, qui propose de remettre en place des structures de proximité. “Il faut aussi penser à la culture de céréales, pour rester dans des circuits courts” ajoute Adèle Seyrig, designer. Isabelle matthieu, d’Alliance Provence, un réseau d’AMAP, évoque un projet autour de la fête de l’Aïd à Marseille, occasion de rapprocher les producteurs et les consommateurs de moutons. John Thackara intervient “ il est temps de formuler des propositions”. Car l’aiguille tourne. Il est presque 13h.

A l’autre bout de la Boate,” un compagnonage de l’élu", qui partirait en résidence dans d’autres collectivités durant une partie de son mandat, pour en ramener des “trésors” a été imaginé à la table Energie. Un dispositif comprend des “réunions tricot” pour parler l’énergie entre habitants, des “prospecteurs” qui vont sur le terrain identifier les potentielles actions d’économie ou de gestion alternative de l’énergie, et un service civil qui mobilise des compétences pour mettre en oeuvre des projets. Le tout est financé par un “ énergiton” -qui sera finalement abandonné. Faut il promettre du “sang et des larmes”, ou compter sur le volontarisme des individus pour faire face au défi énergétique ? Le débat est vif autour de la table.

Les concepts en image

Le temps d’un risotto poulet, et d’un coup d”oeil sur le coin librairie, tenu par les responsables de la Librairie des Territoires, que Stéphane Vincent a rencontré quelques jours auparavant : il faut dire qu’une demi-douzaine d’auteurs sont dans la salle. Les travaux reprennent : il ne reste qu’une heure et demie pour fignoler les idées, préciser les concepts. Au cours de l’après-midi, les élus présents, Jean-François Caron, élu au Conseil Régional de Nord-Pas de Calais, et Christian Paul, élu au Conseil Régional de Bourgogne, passent de table en table. Ils ont accepté la délicate mission de présenter leur sélection, à partir des 24 projets imaginés par les équipes, en fin d’après-midi. Les équipes leur exposent leurs projets. Ecoute, discussions, critiques… On passe à la synthèse. Aux murs, sont affichées les images produites par les groupes. Les designers ont bricolé des montages qui illustrent les projets. Un plan de ville orné de carrés jaunes : ce sont des lieux de stockage de quartier, destinés à limiter les déplacements de marchandise (projet du groupe énergie) , un bus londonien siglé “polybus” (projet du groupe vivre ensemble) le passeport d’un citoyen inter-régional (projet du groupe New Deal).

Les deux élus se succèdent pour présenter les projets. Certains sont des “boites à outil” quasiment prêtes à l’emploi. D’autres, plus vastes, interrogent le long terme. Par exemple, le groupe qui a travaillé sur la gouvernance a notamment imaginé un “forum de débat public” permanent, composé de citoyens volontaires. Il participe au débat sur l’avenir et pourrait jouer un rôle dans la gestion d’une partie du budget. “Une nouvelle façon d’inventer une fiscalité régionale ? “ s’interroge Christian Paul, rapporteur du groupe new deal 2028, qui a également réfléchi à une nouvelle citoyenneté interrégionale. Aileurs, le groupe "vivre ensemble" a conçu une “pépinière de nouveaux habitants” qui accueille des nouveaux arrivants dans un lieu rural qui a besoin d’être dynamisé. Accompagnement, remboursement du déménagement en cas d’échec, avec, en contrepartie, un engagement dans la communauté. “ Ce projet est intéressant, car il est souple. Il pourrait fonctionner aussi pour les territoires urbains en difficulté” commente Jean-François Caron.

Mise en réseau et éducation

Dans le groupe éducation, on a fait sauter les cloisons entre les lycées et les universités. En 2028, les régions dotées de nouvelles compétences, gèrent les deux. Les internats ont été améliorés, pour permettre à chaque lycéen d’enrichir son parcours, en fréquentant successivement différents établissements, qui développent des dominantes différentes. Enrichissement des individus par la multiplication de leurs expériences, hybridation des lieux, échanges entre structures, importance de la formation… ces thèmes traversent l’ensemble des projets, du réseau des “fabriques d’innovation citoyenne” du groupe “citoyen”, à l’intégration d’activités créatives dans des lieux divers, du groupe “ pause créative”, en passant par les “ espaces de deloguement” , qui habritent différentes activités, du groupe “ technologies”. Impossible d’approfondir chacun des sujets dans le temps imparti. . ..“ Ce travail sera mis en forme et diffusé” promet Stéphane Vincent. Une journée qui a permis aux représentants de collectivités de s’imprégner des méthodes créatives, et aux acteurs créatifs, de mieux comprendre les besoins des élus. Bref, pour tous, d’apprendre à travailler ensemble, différemment et entamer de nouveaux projets.

Dans un prochain billet : la présentation complète des 24 projets conçus par les équipes.

Toutes les photos du Off sont ici.

Posté le 21 décembre 2009

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