La mise à disposition des données publiques…

Les administrations (ce terme agrégera l’Etat, les Collectivités et les agences oeuvrant pour le service public) produisent une quantité phénoménale de données. Elles en assurent la maintenance, la mise à jour, la qualification et l’usage… L’innovation territoriale et privée nécessite de croiser différents enjeux, dont les données publiques sont un facteur clé de succès.

A l’image d’un « data.gov » à la française est-il imaginable qu’un jour l’ensemble des données produites (et financées) par les administrations se trouvent disponibles spontanément et systématiquement ?

Data.gov, une initiative à saluer qui donne le départ et une réponse d’un « nouveau » mode de construction des politiques publiques et des projets privés. En effet la mutualisation, la co-construction, le collaboratif, le participatif… en bref le 2.0, font partis des glossaires des maîtres d’ouvrage et des porteurs de projets. Malgré tout ces concepts ne s’appliquent pas suffisamment au domaine des données publiques.

Quelle définition pourrions-nous faire de « données publiques » ?

D’aucuns diront que la production de données par les administrations, finalement financée par l’impôt donc par tous, doit revenir au domaine public… même si c’est un peu court, il y a du vrai !

Partons du principe d’écarter, ou réduire, le champ de la mise à disposition tous les éléments touchant à la sphère privée des personnes (coordonnées, culte, santé…), les éléments concourant à la sécurité et sûreté du territoire et tout élément dont un usage « externe » serait susceptible de nuire (même si une idée de départ porte sur un projet citoyen, celle-ci peut générer des dégâts « collatéraux » inattendus), ainsi que tous les documents administratifs tels qu’ils sont produits par les administrations dans leur fonctionnement au quotidien et les documents judiciaires. Note :

Globalement en France la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs, loi n°78-753 du 17 juillet 1978) assure l’interface pour « faciliter et contrôler l’accès des particuliers aux documents administratifs ». La définition de documents administratifs est suffisamment large et flou, voire inadaptée aux temps présents, pour que le focus soit fait sur des éléments concourrant à la création de produits ou services dans le champ concurrentiel.

Donc la donnée publique pouvant servir à la création de valeur, notamment dans et par les entreprises, est un matériau produit et détenu par l’administration dans le cadre de la délivrance d’un service public ou du fonctionnement d’un service public.

Mise à disposition sous conditions

Evacuons également que la mise à disposition ne doit se faire que sous forme gratuite du seul fait que l’administration est financée par l’impôt public, et qu’une rémunération viendrait à la re-financer.

Considérons que l’administration mène un travail de collecte, d’expertise méthodologique, qualifie ces données et en assure un traitement. Ces coûts sont issus de la mission intrinsèque de l’administration.

Considérons que, hors du champ de la délivrance du service public, la mise à disposition « dans une forme accessible à tous » nécessite une manipulation spécifique qui entraîne un coût (l’administration ne peut pas imposer un format qui serait, par exemple, celui de son usage, la forme ici attendue est « la plus communément adoptée dans le secteur concerné ».).

Le recours à des formes de paiement (redevance, licence, facturation…) est, de façon générale accepté par les entreprises, à condition que ces formes de paiement ne soient « pas excessives ».

L’évolution législative (souvent plus lente que les éco-systèmes marchands) réserve malgré tout des bonnes surprises qui démontrent que les choses évoluent et évolueront dans le sens de la mise à disposition. Note :

Penons l’exemple des données d’annuaire. France Telecom, entreprise et opérateur public, a dû se résigner à fournir ses données aux concurrents émergents lors de l’ouverture du marché.

D’autres exemples illustrent ces mutations.

Mise à disposition, sous contrainte

L’administration est soumise au droit de la concurrence (ordonnance du 1er décembre 1986, article 53), de ce fait l’absence de mise à disposition des données publiques pourrait s’apparenter à de « l’abus de position dominante ». Les textes encadrent la demande de mise à disposition des données publiques, les règles de mise à disposition, la notion de tarification et de délais (CADA).

Mais lorsque ces données publiques sont considérées comme « ressources essentielles » pour la création et la délivrance de produits ou services marchands, l’administration, dans un dessein économique, doit adopter une posture spontanée de mise à disposition.

L’administration ne peut, au 21ème siècle, agir comme lorsque le produit ou le service n’existait pas et que l’administration fut la seule à en assurer la délivrance (carence du secteur privé). Bien au contraire de nombreux exemples démontrent que le secteur marchand délivre des « services publics » et produits au moins aussi qualitatifs que ne le fait l’administration, voire beaucoup plus performants.

L’administration a massivement informatisé ses services, il en résulte une production numérique des données qui, a priori, facilite la mise à disposition des données publiques.

Alors au final pourquoi ces données publiques ne sont-elles pas disponibles spontanément et systématiquement ?

Produits et service proches du service public ou produits et services connexes ou encore éloignés nécessitent de recourir aux données publiques.

Mise à disposition, vecteur de compétitivité

L’informatique et, plus que tout, internet ont ouvert ces derniers mois de nouvelles possibilités de création de services. Bâtis sur les principes de co-construction, ces produits ou services ajoutent une immense valeur à des prestations existantes. Ils viennent s’adosser et complémenter des délivrances qui se trouvent du coup répondre plus largement à la demande, voire à l’absence de service.

L’innovation repose bien sûr sur la création ex nihilo de produits ou services, mais nombre d’innovation sont des « compléments » de services existants, ils deviennent à leur tour matériaux permettant l’élaboration de nouveaux services et produits.

Les entreprises oscillent, bien légitimement, entre le besoin de protéger leurs produits et process de production et l’impériale nécessité de collaboration. Les barrières à l’entrée d’un marché s’opèrent souvent par les investissements nécessaires à la création/conception d’un produit ou à la pénétration dudit marché (voire les deux simultanément). Si la mise à disposition de données publiques, comme ressources essentielles à la création/conception de produits ou services, devenait la règle, il est fort à parier qu’une économie émergerait en connexion avec ces données (c’est le cas de le dire !).

Le monde de l’internet illustre particulièrement bien ces lignes. En effet les mashups, services construits en « mélangeant » diverses sources et diverses applications, contribuent à l’émergence de services qui trouvent leurs utilisations dans des niches jusqu’alors inoccupées.

Ces process ne sont que l’image moderne de la fabrication des biens et services (de l’herbe pour les moutons, des moutons pour la laine, de la laine pour les tricoteuses, des tricoteuses pour faire des bonnets, des vendeurs pour vendre des bonnets !), mais ce qui en accélèrerait l’émergence c’est le partenariat entre l’administration, figure même de la puissance (ressources humaines, moyens techniques et financiers), et les acteurs privés, petits ou grands, dans une collaboration « naturelle » où les « privés » font aussi bien, sinon mieux.

Le recours aux données publiques pour la création/conception de produits ou services devient même un vecteur de compétitivité du territoire en « libérant » du matériau jusqu’ici réservé aux grandes organisations. La cohabitation entre grandes entreprises et petites structures est facilitée car l’innovation, via le recours au données publiques, ne nécessite pas de moyens énormes. Une grande entreprise peut offrir un produit basé sur des données du patrimoine, et une petite structure offrir des outils complémentaires à cette offre.

L’exemple le plus criant se trouve dans le secteur de la géomatique. L’administration dispose d’une immense quantité de données numérisées, associées aux collectivités qui, au final, permet de produire des services à haute valeur ajoutée issus de sociétés locales, petites et sans grands moyens.

Toujours sur cet exemple, le catalogage des données, autorisé par des standards de formats largement diffusés, prouve que « c’est possible » !

Il n’empêche que ce genre d’initiatives est, en général, porté par l’administration elle-même.

Alors pourquoi ces données publiques ne sont-elles pas disponibles spontanément et systématiquement ?

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Cet article est repris du site http://www.oten.fr/spip.php?article4228

L’adresse originale de cet article est http://www.revue-reseau-tic.net/La-mise-a-disposition-des-donnees.html

Posté le 13 décembre 2009 par Philippe OURLIAC

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