Un rapport du conseil stratégique sur le télé travail

Le Centre d’analyse stratégique (CAS) a remis le 25 novembre le Rapport sur le développement du télétravail dans la société numérique de demain.

Un texte repris du communiqué de presse émis par le conseil stratégique

En réponse à la demande de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la
Prospective et du Développement de l’économie numérique, d’une étude sur le
télétravail, le Centre d’analyse stratégique a engagé depuis juillet dernier plusieurs
travaux en parallèle :

  • une mission de comparaison internationale sur dix pays de l’OCDE a été réalisée par
    le cabinet Roland Berger, établissant le panorama du cadre juridique existant et
    identifiant les bonnes pratiques en matière de déploiement du télétravail ;
  • une enquête a été conduite par la DGTPE auprès des ambassades d’une vingtaine
    de pays de l’OCDE, à partir d’un questionnaire élaboré par le Centre d’analyse
    stratégique ;
  • une analyse prospective du potentiel de télétravailleurs à l’horizon des dix
    prochaines années a été réalisée à partir des travaux du groupe Prospective des
    métiers et des qualifications du Centre d’analyse stratégique (point 5 ci-dessous).

Complétant ces éléments par des échanges avec de nombreux experts et
administrations, le Centre d’analyse stratégique a synthétisé ces différents travaux
sous forme d’un rapport sur l’état des lieux du télétravail en France, et a examiné, en
particulier les risques d’abus, pour les salariés en congés maternité, de maladie ou
pour accident du travail. Il a enfin étudié la possibilité de développer le télétravail pour
ces différentes catégories de personnes (cf points 6 et 7 ci-dessous)

Les sept messages clés du rapport :

  • 1. Depuis au moins dix ans, la France est en retard sur les principaux pays de
    l’OCDE en matière de développement du télétravail (notamment dans
    l’administration), quelles que soient les sources ou les approches statistiques.
    Dans les pays scandinaves et anglo-saxons notamment, il concerne deux à trois
    fois plus de salariés.

Les principaux leviers pour le développement du télétravail en France se
situent hors du cadre juridique et sont au nombre de quatre :

  • une évolution de la culture managériale française en lien avec des
    transformations des modes d’organisation du travail et de la production pour les
    adapter à l’économie de la connaissance ;
  • une meilleure connaissance des gains envisageables grâce au télétravail, et plus
    généralement grâce aux TIC, favorisée par le développement d’informations de
    référence sur le sujet ;
  • la mise à disposition d’infrastructures numériques de qualité à l’échelle de
    l’ensemble du territoire, mixant haut débit, 3G et télécentres ;
  • la diffusion d’outils techniques performants, accessibles, fiables et de moins en
    moins onéreux, préalable à tout télétravail formalisé au sein des entreprises. Les
    questions de sécurité des données et de gestion de la vie privée doivent cependant
    faire partie des réflexions sur les technologies.

2. Le télétravail et plus largement le travail avec des outils numériques transforment
profondément les relations de travail.
En effet, ils mettent à mal les concepts usuels du
temps de travail et les frontières entre vie professionnelle et vie privée. Par ailleurs, ils
peuvent modifier le lien de subordination du travail salarié.

L’un des enjeux majeurs du développement du télétravail aujourd’hui est de donner une
plus grande flexibilité du travail au salarié en lui permettant de mieux concilier vie
familiale et vie professionnelle, par exemple, d’interrompre sa journée de travail pour
aller chercher un enfant à l’école ou rendre visite à une personne âgée puis de reprendre
son travail en soirée.

Les marges principales de progression du télétravail en France, comme à l’étranger,
résident dans la diffusion du télétravail partiel, un à deux jours par semaine. En effet,
un temps complet peut poser des problèmes d’isolement du salarié et réduire les gains
de productivité associés au télétravail, le maximum de productivité étant atteint pour
un ou deux jours de télétravail par semaine. A contrario, les effets positifs pour les
entreprises (immobilier) et pour la collectivité (déplacements) sont plus nets en cas de
diffusion de ce mode d’organisation à une grande partie des salariés (20 % ou 30 %
minimum).

3. Pour prendre son plein essor, le télétravail doit continuer à bénéficier de la règle
actuelle du «  double volontariat ». Il serait donc préjudiciable de vouloir l’encadrer
trop strictement et de manière trop uniforme par la loi. Le télétravail répond aux
attentes spécifiques de nombreux salariés (conciliation vie familiale et vie professionnelle)
et requiert une confiance entre les deux parties. Au-delà, des principes adaptés à
chaque entreprise devraient être négociés avec les représentants des salariés.

4. La proposition de loi actuelle constitue un socle propice pour le
développement du télétravail sans explosion d’un télétravail subi ; elle apparaît
relativement protectrice pour les salariés sans pour autant dissuader les
entreprises qui souhaiteraient mettre en place le télétravail. L’enjeu aujourd’hui réside
dans l’effectivité des instances de contrôle des abus et de non-respect du cadre légal et
conventionnel : institutions représentatives du personnel, Inspection du travail et
conseils de prud’hommes. Une formation de ces acteurs au cadre juridique du
télétravail apparaît nécessaire.

Une clarification des règles d’accidents du travail (affirmation du principe de
présomption d’accidents du travail au bénéfice du télétravailleur) et du régime
d’assurance habitation et de sa prise en charge par l’employeur pourraient toutefois
constituer deux ajustements possibles à la proposition de loi. Ces clarifications sont
demandées par les entreprises françaises ayant adopté le télétravail. En effet, jusqu’à
présent prévalent des principes simples de prise en charge par l’employeur tandis que les
problèmes sont réglés au cas par cas.

5. Le potentiel de développement du télétravail, pour une partie de l’exercice
de la profession, pourrait concerner jusqu’à 40 % à 50 % des emplois à l’horizon de
dix ans (mais pas pour la totalité des horaires travaillés). Toutes les fonctions ne sont
pas « télétravaillables », notamment dès lors qu’elles n’utilisent pas les TIC. À cet égard,
les données disponibles en matière de prospective des métiers et des qualifications
montrent que les métiers qui vont se développer le plus ne sont pas tous propices au
télétravail (assistantes maternelles, aides à domicile, aides-soignants, infirmières, ouvriers
qualifiés des industries de process, ouvriers qualifiés de la manutention, employés de
maison, etc.). Le développement du télétravail repose donc sur une diffusion large et
importante dans les métiers qui lui sont particulièrement propices (emplois de cadres et
d’ingénieurs, fonctions administratives support, fonctions intellectuelles, etc.).

6. Dans aucun des pays de l’OCDE étudiés n’ont été mentionnés des abus de
télétravail subi lors d’un congé maternité ou d’un arrêt maladie :

  • le congé maternité est un droit qui ne saurait être remis en question ; le télétravail
    peut néanmoins être source de progrès social avant ou après le congé maternité.
    Il permet en effet à la future mère d’économiser ses efforts en diminuant le temps de
    transport avant son congé maternité, ou à l’un des deux parents de passer plus de
    temps avec le jeune enfant dans la période postérieure. Il appartient à l’État non de
    légiférer sur un tel sujet, mais d’encourager les entreprises à proposer à leurs salariés
    un télétravail à temps partiel dans ces périodes, en s’inspirant des bonnes
    pratiques existantes tant en France qu’à l’étranger (pour les femmes enceintes par
    exemple) ;
  • un arrêt maladie peut être accordé à un salarié empêché de se rendre à son travail et
    non de l’exercer (une entorse par exemple). Néanmoins, dans le cas d’un congé
    maladie, la pratique du télétravail doit être encadrée pour éviter d’éventuels abus de
    télétravail subi. Pour répondre à certains empêchements particuliers, il pourrait être
    envisagé de réfléchir à un certificat médical d’aptitude au télétravail, délivré par un
    médecin compétent, qui permettrait au salarié, s’il le souhaite, et si son entreprise en
    est d’accord, de continuer à exercer son activité. Il convient de souligner
    que la mission n’a repéré aucune disposition juridique de cette nature
    dans les dix huit pays étudiés.

7. Le télétravail n’est pas toutefois spontanément destiné à favoriser l’emploi des
seniors.
Les entreprises qui l’ont mis en oeuvre n’ont pas ciblé cette catégorie de
travailleurs, ni en France ni à l’étranger. Le cumul emploi-retraite ne constitue donc pas
une modalité de déploiement du télétravail dans les pays pionniers. Quand ils travaillent,
les retraités préfèrent souvent conserver un contact avec le collectif de travail, notamment
en France.

Posté le 29 novembre 2009

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