Paris, le 24 novembre 200
Un article publié par La quadrature du net , site collectif de citoyens français qui informe sur des projets législatifs menaçant les libertés et le développement économique et social à l’ère du numérique.
Malgré les perspectives optimistes [1] de la Commission sur cette réforme majeure du secteur européen des télécommunications, les éléments nuisibles inclus dans le texte final pourraient représenter un recul dans de nombreux États membres en ce qui concerne la défense du droit fondamental à l’accès à Internet. Contrairement à l’« amendement 138 » original[L’amendement 138 indiquait qu’aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable des autorités judiciaires. (Lire l’amendemant complet et ses évolutions : ]], la soi-disant Internet Freedom Provision (littéralement : disposition de liberté sur Internet) [2] laisse la porte ouverte aux restrictions sur l’accès à Internet sans décision judiciaire préalable [3]. Un autre point faible de cette disposition est qu’elle ne s’applique qu’aux mesures prises par les États membres et que, par conséquent, elle n’interdit pas les pratiques dangereuses de gestion de trafic telles que le filtrage ou l’établissement de priorités de contenus, services et applications par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Le paquet télécom adopté autorise donc des pratiques discriminantes anti-concurrentielles, préjudiciables à l’innovation et aux libertés, qui pourront être mises en place par les opérateurs des infrastructures. Ces derniers seront ainsi en mesure de façonner les flux d’information au gré de leurs intérêts commerciaux.
Ainsi, même si elle est est encourageante, la déclaration de la Commission à propos la neutralité du Net [4]ajoutée au paquet télécom n’a aucun effet normatif. Tandis que les États-Unis sont sur le point d’imposer la neutralité du Net aux FAI fixes et mobiles, le législateur européen a refusé de garantir ce principe fondamental dans la législation européennes. Cela est d’autant plus inquiétant que des pratiques dangereuses [5] de la part des FAI se multiplient.
Des zones d’ombre subsistent dans le texte et sont laissées à l’interprétation des juges et les lois sur la concurrence ne suffiront assurément pas à garantir les droits des citoyens. De plus, le manque de clarté de nombreuses dispositions exigera un examen attentif lors de la transposition et de l’application des directives du paquet télécom.
Pour ces raisons, il est regrettable que le consensus politique, peu critique, sur le paquet télécom, mené par les rapporteurs Catherine Trautmann et Malcom Harbour, ne reflète pas les inquiétudes profondes de millions d’Européens quant à la protection des libertés sur Internet.
« Alors qu’en France, le Conseil constitutionnel a récemment déclaré que la liberté d’expression et de communication impliquait la liberté d’accès à Internet [6] , le législateur européen n’a pas fait assez pour protéger les droits fondamentaux des citoyens. Sous la pression des États membres et d’intérêts particuliers, le parlement a franchement reculé par rapport à sa position initiale forte en faveur d’un Internet ouvert, neutre et compétitif. L’Union européenne vient de rater une occasion historique d’affirmer l’importance cruciale de l’accès libre à Internet pour le futur de nos sociétés et n’a pas su résister à la volonté des gouvernements nationaux et des entreprises d’être en position de prendre le contrôle des infrastructures de communication. » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole du collectif citoyen La Quadrature du Net.