Un article repris du blog Diktyologie d’Homo Numericus rédigé par Paul MATHIAS, sous la licence Creative Commons by-sa.
En cette fin de septembre 2009, les éditions Vrin publient Qu’est-ce que l’Internet ? dans la collection « Chemins philosophiques ».
L’ouvrage se divise en deux parties à peu près égales. La première comprend un essai d’une soixantaine de pages visant à répondre à la question posée dans le titre, tandis que la seconde reproduit et commente deux textes d’origines très diverses : un extrait de As We May think [1], texte emblématique de l’américain Vannevar Bush publié en 1945 ; et un extrait des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift où il est question d’un « métier » à produire des savoirs. [2]
Argument :
Avons-nous raison de croire que l’Internet n’est qu’un instrument de communication ? Révélant les présupposés d’une telle conviction, théoriquement naïve et pratiquement suspecte, ce livre montre tout le bénéfice que nous tirerions d’appréhender les réseaux comme un monde et leur réalité comme la nôtre.
L’Internet a surgi dans notre horizon comme un phénomène total. Complexe et fondamentalement indisponible, il ne constitue pas un espace virtuel de pérégrinations sémantiques mais une extension de plus en plus massive et opaque de notre vie, de ses exigences et désormais de son sens.
Ce n’est donc pas de l’Internet qu’il est question avec l’Internet. C’est de nous, de ce que nous pensons être, et du monde que nous avons la prétention de construire.
Quatrième de couverture :
L’essai
- L’Internet est-il un instrument de communication ?
- En quoi l’Internet augmente-t-il notre puissance de connaître ou d’agir ?
- Les réseaux déterminent-ils un nouvel ordre du discours ?
- L’Internet : aliénation technologique ou libération cognitive ?
- Qu’est-ce que la diktyologie ?
Le commentaire
- Notre puissance de connaître et de penser s’accroît-elle des extensions technologiques dont elle se dote ?
- En quoi nos instruments de calcul et d’écriture sont-ils appelés à former des réseaux d’écriture et de sens ?
Extrait :
« Temps de lui-même, l’Internet n’est en son fond que son propre présent, fulgurance syntaxiquement robuste dont les scripteurs garantissent opératoirement la création continuée. Paradoxe singulier d’un monde qui n’est rien que son instantanéité et dont l’instantanéité est actuellement féconde de toutes les intentionnalités qui s’y croisent et s’y rencontrent. Qui incarnent également les attentes de la « vie » qui les traverse et qu’elles prolongent. Là-devant, croyons-nous, respirent tous les savoirs. Dans nos gestes, dans notre écriture, dans notre appropriation difficultueuse des machines et de leurs langages réside en vérité l’essentiel des réseaux. Ils forment le temps du sens, que rien ne fixe sinon l’abstraction de la fenêtre informatique sur laquelle se fige le regard, oublieux de ses propres conditions et de sa dette à ce qui n’est pas lui : industries, protocoles, gouvernance, politiques publiques et entrepreneuriales. Le sens cristallise ou se dissipe selon le rythme des flux que nous suscitons. Et non pas nous seuls, mais les automates par devers nous. Toute la réalité du Réseau résultant des relations établies entre “objets de sens”, le monde qui s’y élabore est hybride, fait de vouloirs et d’intentions d’une part, d’automatismes applicatifs de l’autre. Mieux : le vouloir y est commué en fonctions logicielles, et celles-ci expressives de vouloirs diffus et de savoirs aveugles à eux-mêmes. »