Après le rejet du Conseil constitutionnel

HADOPI : Lettre ouverte de la quadrature du Net aux députés

Madame la députée, Monsieur le député,

Le cœur du dispositif de « riposte graduée » instauré par la loi « Création et Internet », dite « HADOPI », que vous avez votée le 12 mai dernier était, selon le Conseil constitutionnel dans sa décision datée du 10 juin 2009, contraire aux principes de séparation des pouvoirs et de présomption d’innocence, mais également restrictive des libertés d’expression et d’information et du droit à un procès équitable.

Nous vous avions alerté à de multiples reprises sur ces points au cours des mois qui ont précédé son examen. Vous étiez naturellement libre de ne pas suivre notre avis pour vous forger le vôtre.

Mais au-delà de nos propres inquiétudes, ce sont des centaines, sinon des milliers de citoyens, dont nombre de vos électeurs, qui vous ont également alerté sur ces aspects extrêmement préoccupants pour le bon équilibre de notre démocratie. Nous savons que de nombreux députés qui ont approuvé le projet de loi avaient de profonds doutes sur la compatibilité du dispositif proposé avec les droits fondamentaux. Mais les instructions de « silence dans les rangs » relayées par divers responsables ont eu temporairement raison de ces doutes.

Il est très inquiétant pour l’avenir des libertés individuelles en France qu’il ait pu en être ainsi malgré les critiques émises par tant d’institutions, d’analystes et de citoyens contre le projet, et malgré l’importance des enjeux dont témoigne la sévérité de la décision du Conseil constitutionnel.

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel, « Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : " La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi " ; qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services ». C’est cet attachement aux valeurs fondamentales de notre démocratie et à son bon fonctionnement que nous avons été des milliers à vous rappeler. Nous avons sans cesse souligné que la régulation d’Internet, ce formidable moteur de croissance économique et sociale, pouvait emprunter d’autres voies, respectueuses des libertés autant que soucieuses des conditions d’existence de la création.

Les libertés individuelles des citoyens connectés en réseau seront de nouveau, prochainement, menacées. Nous espérons sincèrement que les logiques de parti et les pressions de lobbies ayant un intérêt à restreindre les libertés fondamentales pèseront à l’avenir moins que la mission de protection de nos concitoyens qu’implique votre mandat électif.

Nous nous tenons à votre disposition, comme nous l’avons toujours été, pour discuter avec vous de ces passionnants enjeux, si structurant pour l’avenir de nos sociétés, et vous prions d’agréer, Madame la députée, Monsieur le député, l’expression de notre considération distinguée.

Jérémie Zimmermann, Philippe Aigrain, Gérald Sédrati-Dinet, Benjamin Sonntag

Co-fondateurs de La Quadrature du Net

http://www.laquadrature.net/

L’adresse originale de cet article est http://www.brest-ouvert.net/article6288.html

Posté le 17 juin 2009

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