Impliquer les citoyens dans la recherche

Repris d’un article publié par Jean Michel Cornu sur son blog

(cet article fait parti d’une série postée depuis le Forum Mondial Science et Démocratie dans le cadre du Forum Social Mondial à Belém au Brésil)

Quelle place donner aux citoyens dans la recherche ? Leur rôle n’est sans doute pas de contrôler la science, mais plutôt d’en contrôler ses priorités et ses applications. Mais pour cela, il est nécessaire de comprendre les recherches en cours et leurs implications. Il devient nécessaire de permettre une véritable aculturation des citoyens. Il existe ainsi des conférences citoyennes qui permettent à un groupe de personnes d’être formées par des experts pour ensuite donner leur avis sur un sujet de science et de société. Il faut cependant que ces experts fournissent une carte la plus complète possible de la situation et des débats scientifiques, plutôt que de ne présenter que les chemins qu’ils connaissent... ou qu’ils souhaitent mettre en avant. Il existe également une deuxième difficulté : une fois fait appel aux citoyens, leur avis sera-t-il pris en compte. L’adage "je participe, tu participes, il décide..." risque fort de se retrouver de mise, tant les démocraties représentative et participative sont opposées plutôt que articulées pour constituer une puissante force de société.

En fait, il est possible de réfléchir à la place des citoyens à chaque étape de la science.


  • En amont, les citoyens pourraient être consultés pour participer à la définition des priorités de recherche. Si la science fournit des réponses, qui fournit les questions ? Ainsi par exemple, quelle doit être l’ampleur de la recherche sur les changements climatiques ou sur la toxicité des nanoparticules ? Devons-nous y accorder plus d’importance quitte à ce que ce soit au détriment d’autres recherches ?
  • Pendant la période de recherche scientifique, il est parfois possible d’associer les citoyens à certaines recherches comme nous l’avons vu dans un billet précédent. Mais, le citoyen ne doit pas intervenir dans les choix opérés sur la démarche scientifique. Tout au plus peut-il chercher à vérifier que la recherche en cours n’est pas un simple essai de justifier a posteriori des positions sociales, mais une véritable démarche de recherche.
  • En aval, il est nécessaire d’impliquer le plus grand nombre sur le débat de l’utilisation et de l’application des résultats de la recherche, mais aussi de défendre les chercheurs qui se positionnent en lanceur d’alerte. Le retombées économiques de la recherche peuvent être en conflit avec les intérêts de la société ou avec les choix opérés par les membres de cette même société. Dans ce cas, il y a un danger de vouloir occulter certaines informations. Les scientifiques sont à une place privilégiée pour comprendre les implications de certaines recherches. Albert Einstein, après avoir contribué à la recherche sur la bombe atomique chercha en vain à convaincre le président américain de l’époque Harry S. Truman de ne pas l’utiliser...

Une société qui avance est une société où la recherche permet d’augmenter les connaissances, où l’industrie permet de les mettre en oeuvre, où les politiques ont la capacité d’opérer des choix et de sélectionner des priorités... en y impliquant le plus largement possible la société elle-même. Une société saine est une société qui permet à ses acteurs, politiques mais également citoyens, de comprendre les enjeux et les possibilités ouvertes par les nouvelles connaissances. Il nous reste encore du chemin à faire dans ce sens.

Posté le 4 juin 2009

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