Jamais deux sans trois : après DADVSI et Hadopi, bientôt LOPPSI 2 ?

Un article repris du blog S.I.lex Au croisement du droit et des sciences de l’information. Carnet de veille et de réflexion d’un bibliothécaire publié sous licence Cretaive commons by

A peine la loi Hadopi vient-elle d’être votée par le Parlement (et soumise par l’opposition au Conseil Constitutionnel, voir ici pour le texte de la saisine et là pour une analyse), que l’on voit déjà se profiler à l’horizon un nouveau projet de loi, visant à réprimer cette fois non seulement le piratage, mais toutes les formes de “cybercriminalité”.

Le texte porte le nom de LOPPSI : Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure. Sa logique reste dans le droit fil des lois DADVSI internet_sous_controle_mode_uneet Hadopi, à savoir une ligne répressive dure, s’appuyant sur la mise en oeuvre de mesures technologiques pour contrôler les usages et collecter en ligne les informations nécessaire pour mettre en oeuvre la répression.

Cette synthèse du site Le Monde permet d’identifier les grandes lignes du projet :

  • Facilitation pour les services de l’Etat du recours aux logiciels espions pour capter les données informatiques (ces “mouchards électroniques”, type Cheval de Troie, qui sont déjà au cœur du dispositif mis en place par la loi Hadopi)
  • Mise en place d’un fichier centralisé, Périclès, permettant le croisement des informations recueillies avec d’autres banques de données
  • Création d’un délit d’usurpation d’identité sur Internet
  • Géolocalisation des internautes
  • Blocage des sites ne respectant pas la législation en vigueur

Une véritable artillerie lourde répressive en somme …

Comme on le voit déjà se dessiner avec la loi Hadopi, les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) occuperaient une place centrale dans ce dispositif de surveillance, la loi leur imposant de transmettre des données à caractère personnel et de bloquer l’accès aux sites réputés illégaux. Ce qui risque d’ailleurs de poser problème, car les FAI sont de plus en plus réticentes à jouer ce rôle d’intermédiaire répressif. Lors d’un sommet organisé cette semaine par Reuters, les trois principales FAI françaises (SFR, Free et Orange) ont fait des déclarations qui tendent à assimiler l’accès à Internet comme un droit fondamental. En Suède, les FAI font de la résistance contre la Loi Ipred (Intellectual Property Rights Enforcement Directive), qui instaure un système de riposte graduée, en refusant de communiquer les adresses IP de leurs clients. Paradoxal quand même de voir les FAI se transformer en défenseurs des libertés face aux menées gouvernementales !

L’examen de cette loi LOPPSI serait prévu pour l’automne 2009. On ne peut s’empêcher de penser que cette loi ressemble fort à un Patriot Act à la française, qui déplace encore un pue plus le curseur en faveur de la sécurité au détriments des droits et libertés. Il reste surtout à savoir quelle sera l’extension de cette “cybercriminalité” contre laquelle le texte entend lutter. Terrorisme, pédophilie … mais certainement aussi contrefaçon et piratage (voir les récentes déclarations présidentielles appelant à la réunion d’Etats généraux de la Création pour traiter le problème du “piratage industriel”).

En attendant, la contestation s’organise déjà contre la loi LOPPSI … mais la même spirale se remet en place … DADVSI, Hadopi, LOPPSI … quand sortira-t-on de cette surenchère répressive, qui rappelle de plus en plus les dérives législatives de la lutte contre les stupéfiants et qui porte toujours un peu plus atteinte au Web comme espace de liberté ?

Rappelons pour finir qu’aux Etats-Unis, les bibliothèques et librairies sont reparties depuis le début de l’année en lutte contre le Patriot Act au nom de la protection de la vie privée de leurs usagers.

Que ce soit directement ou indirectement, la loi LOPPSI finira elle aussi par concerner les bibliothèques …

Posté le 24 mai 2009

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