L’acte culturel n’est pas un bien culturel vendable sur le réseau

Petit billet d’humeur exacerbée de Jocelyne Quélo (Montreuil)

La loi Création et Internet est en totale contradiction avec ce qui nous a amené jusqu’ici, ce qui nous construit aujourd’hui et nous porte à demain. Elle ne parle ni de création ni d’artistes mais simplement de diffusion, tout comme elle ne peut se poser en défense des artistes et de la culture en reniant l’acte culturel et diluant l’acte artistique. Quelle ne fut pas alors la colère éprouvée en entendant cette phrase lors des débats du 29 avril dernier : « Le monde de la culture soutient cette loi. » Comment peut-on un seul instant imaginer qu’un acteur culturel puisse approuver une quelconque volonté de frontières à la culture alors qu’elle ne possède que celles que nous-mêmes, en tant qu’être, lui posons ?

En tant qu’acteur culturel, je m’inscris en opposition à ce détournement.

La culture se vit et s’enrichit par la rencontre avec des êtres ou des œuvres qui nous amènent à nous questionner, en phase avec notre temps et l’histoire. Elle est immatérielle car de l’ordre de la pensée et de la construction de soi avec les autres. Quels droits avons-nous sur elle ? Elle est vivante, fluctuante. Chacun d’entre nous en est l’un des constituants parce qu’elle ne peut être que dans la circulation et l’échange, nous permettant ainsi de construire peu à peu notre histoire. Des œuvres collées les unes aux autres, non contextualisées, ne font pas culture, ce ne sont que des biens culturels vendus au seuil de la connaissance. Cependant, la culture ne peut être sans ces biens culturels qui nous permettent de la partager car ils sont l’expression d’un acte artistique. Quoi de plus intense que la rencontre avec une œuvre qui nous questionne, nous amène aux doutes par ses regards ou ses analyses... pour enrichir les nôtres. Comment peut-on dès lors brimer qui que ce soit de vouloir faire découvrir à l’autre ce qui nous a tant apporté ? Comment peut-on approuver une quelconque construction qui se baserait sur la dénonciation d’un acte culturel, la surveillance de ses paires et l’abstraction de l’acte artistique ? Cette loi ne résoudra en rien les détournement qualifiés effectués lors des phases d’élaboration d’œuvres cinématographiques ou musicales qui conduisent à leur mise en ligne. Cette loi ne questionne en rien la création sur Internet.

En tant qu’être conscient, je m’inscris en opposition à ces orientations.

Les artistes, tout comme chacun d’entre nous, sont également questionnés et enrichis par des rencontres et des oeuvres. Ce sont ces allers-retours qui forment peu à peu notre monde culturel et sa diversité. Alors, reformulons à nouveau ce débat qui de l’opposition entre artistes et pirates a glissé vers le monde de la culture et les internautes. Ne parlons pas d’artistes ou de culture mais de biens culturels, ne parlons pas de pirates ou d’internautes mais de diffusion car ceux qui créent sur le réseau créent avec le réseau. Formulons ce débat tel qu’il aurait du l’être : diffusion de biens culturels sur Internet. Posons-nous en passant la question des objectifs d’un ministère de la Culture. Lorsque celui-ci fut conçu, était-ce pour défendre une industrie culturelle ou pour permettre à chacun d’accéder à la culture et à son fait politique ? Cette réflexion, avant qu’elle ne soit proposition de loi, aurait dû se poser ces questions dans l’accessibilité pour tous afin que la culture puisse continuer à se construire et s’enrichir par tous. Elle se pose au contraire en extrême, dans la limitation jusqu’au bannissement temporaire de l’accès à l’expression, à la communication, aux biens culturels et dans le reniement de l’être culturel.

En tant que public transmetteur, je m’inscris en opposition à cette loi.

Il est certain toutefois que notre patrimoine culturel se doit d’être entretenu afin que les générations à venir aient tout autant de possibilités que nous-mêmes de s’en enrichir. Il est certain toutefois que la question des droits d’auteurs se doit d’être reposée pour que la jeune création puisse un jour être et parce que l’acte artistique a une valeur. Ici, c’est d’avenir dont il est question. Nul n’est besoin de préserver, il s’agit bien au contraire de concevoir. De concevoir dans un espace de collaboration qui est celui de la culture dans son sens le plus large. Alors, tentons de définir ensemble le respect des droits de chacun sans limiter ou sévir mais au contraire en offrant encore plus l’accès aux contenus avant que la France ne devienne un pays sans diversité.

C’est pourquoi je m’inscris en soutien à la plateforme Création, Public, Internet et invite chacun à en faire de même.
http://creationpublicinternet.fr

Jocelyne Quélo

Posté le 10 mai 2009

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