4,4% des artistes SACEM soutiennent l’HADOPI. Et les autres..?

Un article publié par La quadrature du net , site collectif de citoyens français qui informe sur des projets législatifs menaçant les libertés et le développement économique et social à l’ère du numérique.

Alors que la Ministre de la Culture, Christine Albanel, a objecté lors des débats à l’Assemblée Nationale que : « Cette loi serait dictée par les majors, accrochées à la défense de privilèges obsolètes. Ceux qui prétendent cela n’ont pas dû discuter avec beaucoup d’artistes ! Et l’on a vu cette pétition signée par 10 000 artistes publiée hier dans Le Monde. » (cf Video, Discussion Générale du 11 mars) 1

Alors que, tout au long de ses discours, la ministre n’a de cesse que de justifier son projet de loi absurde et dangereux par cette pétition, les « cinq gus dans leur garage » 2 de La Quadrature du Net ont décidé de vérifier la teneur de cette pétition. Les résultats sont édifiants : parmi les signatures invérifiables (et non vérifiées !) de cette pétition ouverte aux quatre vents, près de la moitié sont des employés des majors, de la SACEM, des lobbyistes, des opposants à la loi, des conjoints... ou de parfaits inconnus ! Pot-pourri de cet inventaire à la Prévert :

Une pétition à trous

La pétition de la SACEM 3, ouverte depuis septembre 2008, a récolté 9323 signatures au 18 avril (date de début de notre analyse), soit 1250 signatures par mois... pas terrible ! Les conditions d’amateurisme de sa réalisation et de son entretien sont peut-être révélatrices de la méconnaissance du monde d’Internet qui motive les partisans de l’HADOPI.

En effet, la signature de la pétition n’est ni vérifiée par e-mail – qui est pourtant demandé à l’inscription –, ni même par un captcha. Bien qu’également demandée, la profession du signataire n’est pas affichée. Facile dans ces conditions de faire signer amis, collègues, membres de la famille, opposants à la loi, ou signataires imaginaires...

Une pétition d’artistes, auteurs et compositeurs ou de professionnels et lobbyistes ?

Dès l’intitulé de la pétition, il ne fait aucun doute qu’il ne s’agit pas seulement d’artistes, mais bien d’« auteurs, compositeurs, éditeurs, artistes, producteurs, réalisateurs et acteurs du monde de la musique ». Quelle est donc la proportion d’artistes et d’employés dans cette pétition ? Dans quelle mesure sont-ils concernés par le partage de leurs œuvres ? Qui sont les « professionnels » signataires ? Nous avons ainsi analysé un échantillon de 434 signataires4

Nous avons relevé sur cet échantillon :

  • 62% de signataires ayant une activité visible dans le domaine de la musique ;
  • 59% de signataires inscrits au catalogue de la SACEM ;
    • soit 4.4% des 124000 sociétaires de la SACEM ;
  • 6% de signataires ayant répondu à nos demandes de contact ;
    • La moitié des signataires nous ayant répondu ne confirment pas leur signature soit parce qu’ils avaient été trompés sur la teneur de la pétition 5, soit sur la nature de la loi 6 ou simplement parce qu’ils nient avoir signé cette pétition. ;
  • 13% d’employés de maisons de disques ou de SPRD ;
  • 22% de signataires introuvables sur la toile, parfaitement invérifiables. Un taux d’erreur record !

Répartition des signataires de la pétition des 10 000 :

Nous avons, au passage, découvert un certain nombre de perles, dont notamment :

  • une signataire nommée « lola DTC »
  • Gilbert Montagné 7, Nicola Sirkis 8 ou encore Marc Cerrone 9 qui ont publiquement contesté leurs signatures ou pris position contre HADOPI
  • De l’ordre d’une centaine d’employés de la SACEM ou collaborateurs d’autres SPRD (comprenant 17 des 31 membres du directoire ainsi que 51 des 87 délégués départementaux et régionaux)
  • De même, tous les employés du Syndicat National des Éditeurs de Phonogrammes (SNEP) sont signataires, y compris leur standardiste !

Et le reste des artistes dans tout ça ?

Si seulement 4,4% des artistes sociétaires de la SACEM soutiennent l’HADOPI, qu’en pensent les autres ? Peut-être ne se sentent-ils pas concernés, car ils ont bien compris qu’Internet n’est pas la cause de tous leurs maux... Ou peut-être n’osent-ils pas, sous la très forte pression des sociétés d’auteurs, syndicats et entreprises poussant cette loi absurde, affirmer leur opposition ?

Pourtant, les initiatives des 91 labels indépendants de CD1D10, des auteurs de science-fiction11, des auteurs de bande dessinée12, des exploitants indépendants de salles de cinéma13 et des cinéastes de renom tous opposés à la loi HADOPI14 viennent briser le mythe d’un « projet de loi approuvé massivement par le monde de la culture et de la création »15.

Il est crucial que les artistes, auteurs et compositeurs cessent de se faire instrumentaliser par ceux qui se gavent sur leur dos depuis trop longtemps. Internet n’est pas un danger pour les artistes, mais une chance, une voie royale pour entretenir un lien direct avec leur public, sans intermédiaires et en toute liberté. Un véritable cauchemar pour les défenseurs de l’HADOPI !

Cette loi absurde, dangereuse, instaurant justice d’exception et condamnations injustes, sans preuves, n’aboutira qu’à mettre les artistes instrumentalisés en opposition à leur public. La bataille d’arrière-garde de l’HADOPI, est perdue d’avance. Il est temps que les artistes, auteurs et interprètes se libèrent de ces grossières manipulations et rejoignent leur public, qui sera toujours prêt à les soutenir, grâce à Internet. Ainsi nous élaborerons tous ensemble16 les nouveaux modes de financement qui prendront en compte les nouveaux usages au lieu de tenter de les combattre vainement.

Notes
- 1 http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090189.asp

Posté le 4 mai 2009

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