Les accès publics wi-fi sous contrôle d’une liste blanche ?

Ou le web 0.5, l’internet réduit au minitel par les bien-pensants !

C’est à peine croyable, mais certains pensent qu’il est encore possible et légitime de limiter l’accès public dans des lieux équipés d’un accès wi-fi à quelques milliers de sites sélectionnés, une liste blanche de ce que l’internaute aurait le droit de voir.

Black-Out du Net français

Dans Numera : "Albanel : seuls les sites autorisés pourraient être vus en Wi-Fi !" :

C’est la surprise du jour. A l’occasion de son audition par la Commission des lois et des affaires culturelles, Christine Albanel a sorti de son chapeau une idée qui en dit long sur la vision qu’a le gouvernement d’Internet. Pour éviter que les accès Wi-Fi ne puissent être utilisés pour pirater des oeuvres sur Internet, la Ministre de la Culture a proposé que les accès publics soient configurés comme des "portails blancs".

"L’Hadopi pourra enjoindre (les gestionnaires d’accès Wi-Fi publics) de prendre des mesures préventives", a ainsi rappelé la Ministre de la Culture et de la Communication. "Par exemple un portail blanc qui ne donnerait accès qu’à des sites vérifiés, après consultation de différents acteurs concernés", a-t-elle ajouté en substance.

Il faut se rendre à l’évidence nous sommes en France, pays qui s’illustre depuis quelques années par le volonté du gouvernement de réduire les libertés d’échanges sur internet et propose de couper l’accès à internet à des milliers d’internautes par jour, soupçonnés de téléchargements illégaux par les majors de la musique ou du cinéma !

 [1]

Aujourd’hui, les outils de communication se démocratisent avec en France des millions de blogs,

des milliers de photos, des milliers de vidéos, de musiques publiés chaque jour sur le web.

Cette expression fait partie de notre richesse culturelle tout autant que le site d’un ministère ou d’une collectivité. Des milliers d’associations utilisent le web pour informer, échanger, se relier.

Et tout cela serait rayé de l’accès des lieux publics en wi-fi ?

Qui osera écrire cette liste infamante des exclus du web ? Qui prononcera l’exclusion d’ATD Quart monde, de l’association de mon quartier, du fournisseur d’accès associatif, du blog citoyen d’un habitant, d’une association de diffusion du logiciel libre ou d’un groupe de jeunes musiciens ?

Soyons concret !

Si comme le pense Olivier Henrard,

conseiller de Christine Albanel,

il est possible d’éditer une liste de quelques milliers de sites :

 [2]

Que répondez-vous à ceux qui qualifient cette proposition de retour à un "minitel à haut débit" ?

O. H. : C’est ridicule. Si "liste blanche" il y avait, elle pourrait comporter des milliers de sites Web.

Cela représente pour chaque département quelques dizaines de sites en divisant par 100 départements !

Alors que dans chaque département, il y a des milliers de blogs, des centaines de sites associatifs, culturels ! Ainsi les habitants d’une ville n’auront plus accès aux sites des associations de leur cité, ni à ceux de leurs centres d’intérêt.

Aux ciseaux Madame et Messieurs les censeurs !

Veut-on

expérimenter sur l’accès wi-fi, puis demain sur l’accès dans les lieux publics, un retour au minitel au sens d’une expression contrôlée, des réseaux limités à des fournisseurs de services rétribués ?

A un moment où l’on parle de société de la connaissance, du vivre ensemble, voilà que nos responsables des Ministères imaginent un système que même la Chine n’a pas mis en place !

C’est le web 0.5, le retour au minitel !

Comme le décrit Benjamin Bayart , Président de FDN (fournisseur d’accès associatif)

dans sa conférence "Internet libre ou Minitel 2.0" lors des Rencontres mondiales du Logiciel libre en 2007

 [3]

C’est une grave incompréhension du web qui depuis sa création est un réseau d’échanges ouvert, où les internautes de plus en plus nombreux

inventent de nouveaux usages, mettent en ligne des contenus personnels, associatifs, culturels, ou de biens communs, au fur et à mesure de l’avancée des outils technologiques et du haut débit.

Côté économie, que représentent ces connexions en accès ouvert dans l’océan des échanges numérisés ? Un pour dix mille ?

Les bibliothèques n’ont pas tué les librairies ; en quoi quelques points d’accès publics ouverts, qui rendent un service bien utile, sont un danger pour les opérateurs ?

S’il y a quelque chose à réguler ce sont ces coûts exhorbitants des plateformes payantes d’accès wi-fi, qui font payer quelques euros par jour une connexion partagée qui ne revient à presque rien.

J’espère que ce projet sera mort-né, comme tant d’autres idées de contrôle policier du web et de l’expression, qui fleurissent aujourd’hui !

Et j’espère qu’il ne se trouvera pas de personnes pour cautionner la constitution de telles listes !

Michel Briand

Président de CRéATIF

Rejoignez la campagne de black-out du net

La quadrature du Net, une initiative de Philippe Aigrain et Jérémie Zimmermann, appelle aujourd’hui les auteur, éditeurs, webmestres de site web français à procéder à un black-out volontaire

de leurs sites jusqu’à l’examen de la loi par l’assemblée nationale en mars.

Cette action menée en Nouvelle-Zélande vient d’aboutir au recul du gouvernement qui souhaitait imposer un principe de "riposte graduée", comme le projet de loi en france .

L’adresse originale de cet article est http://www.creatif-public.net/article1113.html

[1voir à ce sujet l’excellent dossier de la Quadrature du net, collectif de citoyens qui informe sur des projets législatifs menaçant les libertés individuelles, les droits fondamentaux et le développement économique et social à l’ère du numérique.

[3A écouter au sujet du projet de loi "Internet et création" et Internet filtré par liste blanche dans les hotspots wifi publics,

petite interview intéressante de Benjamin Bayart , Président de FDN (fournisseur d’accès parisien associatif) sur France Info le 20 février :

http://www.france-info.c

"Cette loi cherche à défendre les moines copistes du DVD contre les Gutemberg du numérique. On est d’entrée de jeu dans l’absurde. A partir du moment où on a accepté qu’on était dans le monde des Monty Python, on peut dire à peu près n’importe quoi ...."

Posté le 4 mars 2009 par Michel Briand

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