Le financement de l’accessibilité numérique ? Le gouvernement français refuse d’investir dans l’avenir

Un point de vue de Pierre GUILLOU, directeur AccessiWeb

Le triple refus du gouvernement français en ce qui concerne les Centres
Relais Téléphoniques pour les personnes sourdes ou malentendantes
(reconnaissance d’un droit, création d’un environnement législatif et
mise en place d’une solution de financement annuelle et pérenne) fait -
malheureusement - largement écho au comportement gouvernemental
concernant l’obligation d’accessibilité des services de communication
électronique du secteur public (article 47 de la loi n°2005-102 [7] :
lire l’article [8] "le décret sur l’accessibilité des sites publics, une
supercherie organisée par l’Etat
", communiqué du CNPSAA du 16 décembre
2008).

La France peut prendre une place de leader en Europe sur la recherche et l’innovation en accessibilité numérique, gagner socialement et gagner
économiquement. Quelqu’un pourrait-il lui dire ?

[ Article publié le 24 janvier 2009 sur AccessiWeb Actualités : http://www.accessiweb.org/fr/accessibilite_web/actualites/#financement_acc_num_24janv2009]

Le congrès de l’UNISDA [1] s’est déroulé vendredi 23 janvier 2009 au
Palais Brongniart à Paris. Le thème était : les Centres Relais
Téléphoniques pour les personnes sourdes ou malentendantes
.

Voici le texte de présentation du congrès publié sur le site de l’UNISDA
[2] :

L’accessibilité téléphonique fait l’objet d’une mobilisation forte de
l’UNISDA et des associations nationales de personnes sourdes ou
malentendantes. Sans accès au téléphone, toute leur vie personnelle,
sociale et professionnelle en est limitée.
Ces associations souhaitent la mise en place de centres relais
téléphoniques permettant la mise en relation téléphonique simultanée de
personnes sourdes avec leurs interlocuteurs entendants, l’intermédiaire
étant assuré par des interprètes en Langue des Signes joignables par
vidéo ou des opérateurs maîtrisant la transcription écrite rapide.
Les pratiques étrangères le confirment, de tels centres relais auront un
impact sur l’emploi et la sécurité des personnes sourdes ou
malentendantes, qui retrouveront ainsi leur autonomie et leur
citoyenneté
(consulter le Blog de l’UNISDA sur les Centres Relais
Téléphoniques
[3]).

De nombreuses présentations et démonstrations (en particulier celles de Websourd [4] qui avait installé un véritable Centre Relais dans le
Palais Brongniart !) ont permis à tous les participants de comprendre :

  • l’intérêt évident et essentiel des Centres Relais Téléphoniques pour
    les personnes sourdes ou malentendantes,
  • le fait que le droit de téléphoner pour les personnes sourdes ou
    malentendantes est non respecté dans un pays tant que les Centres Relais
    Téléphoniques n’existent pas (comme c’est malheureusement le cas en France),
  • le fait que c’est le devoir de l’Etat de définir un environnement
    juridique et législatif pour les Centres Relais Téléphoniques (ce n’est
    pas le cas en France : à l’Assemblée nationale et au Sénat, les 27
    novembre et 14 décembre 2007, le gouvernement a rejeté l’amendement "Centres Relais Téléphoniques" proposé lors de l’examen parlementaire du projet de loi relatif au développement de la concurrence [5].),
  • le fait que ce droit doit être gratuit pour la personne sourde ou
    malentendante, c’est à dire qu’elle n’a pas à payer un coût
    supplémentaire au coût des télécommunications et que par conséquent un
    financement doit être trouvé pour payer la création et le fonctionnement
    des Centres Relais Téléphoniques (la situation aux Etats-Unis [6] et la
    solution de financement sont exemplaires : depuis plusieurs années, les
    États-Unis ont fait le choix d’un véritable droit au téléphone pour les
    personnes sourdes en inscrivant l’accessibilité téléphonique dans la loi
    ADA votée en 1990 et en lui assurant un financement par une taxe
    d’environ 2 dollars par an sur l’ensemble des factures téléphoniques, ce
    qui donne un montant global de 800 millions de dollars par an.
    L’amendement en France proposait un financement similaire par une
    contribution prélevée sur l’ensemble des factures de communications
    électroniques (téléphonie fixe, mobile et internet haut débit). En
    France, en prévoyant par exemple une contribution d’un euro par an (8
    centimes d’euros par mois) sur l’ensemble de ces factures, c’est un
    fonds de plus de 100 millions d’euros annuels qui pourrait être
    constitué.).

Ces 3 refus du gouvernement français en ce qui concerne les Centres
Relais Téléphoniques pour les personnes sourdes ou malentendantes
(reconnaissance d’un droit, création d’un environnement législatif et
mise en place d’une solution de financement annuelle et pérenne) fait -
malheureusement - largement écho au comportement gouvernemental
concernant l’obligation d’accessibilité des services de communication
électronique du secteur public (article 47 de la loi n°2005-102 [7] :
lire l’article [8] "le décret sur l’accessibilité des sites publics, une
supercherie organisée par l’Etat
", communiqué du CNPSAA du 16 décembre
2008).

Il s’agit ici de faits qui amènent à se poser 2 questions :

1) Pourquoi le gouvernement refuse-t-il la recherche de solutions
innovantes pour financer l’accessibilité numérique en France ?

2) Pourquoi le gouvernement est-il le seul à ne pas avoir compris que
l’accessibilité numérique est à la fois :

  • une chance historique pour l’intégration des personnes handicapées
    dans la société,
  • la seule décision politique censée pour le développement de
    l’administration électronique qui ne peut oublier certains citoyens,
  • et une source de développement économique pour la France (personnes
    handicapées producteur de richesse car pouvant travailler, services
    numériques pouvant s’adapter à la prochaine grande vague d’internautes :
    les seniors, portabilité des sites et services numériques vers les
    moyens de consultation de demain : les téléphones et matériels mobiles...).

La France peut prendre une place de leader en Europe sur la recherche et
l’innovation en accessibilité numérique, gagner socialement et gagner
économiquement. Qui pourrait lui dire ?

Références :

[1] http://www.unisda.org/spip.php?article257

[2] http://www.unisda.org/

[3] http://relaistelephonique.blog.lemonde.fr/

[4] http://www.websourd.org/

[5]

http://relaistelephonique.blog.lemonde.fr/2007/12/20/le-gouvernement-refuse-le-droit-au-telephone-pour-les-personnes-sourdes-ou-malentendantes/

[6]

http://relaistelephonique.blog.lemonde.fr/2006/11/10/gros-plan-sur-les-etats-unis/

[7]

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&dateTexte=

[8]

http://www.accessiweb.org/fr/accessibilite_web/actualites/#decret_cnpsaa_16dec2008

Posté le 29 janvier 2009 par Pierre GUILLOU

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