L’informatique, une affaire publique

un article du Courrier quotidien indépendant suisse

Repris d’un article de MARC GEISER publié par Le Courrier, quotidien suisse indépendant

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Le rapport de la Cour des comptes du canton de Vaud, publié lundi dernier1, sur la gestion de l’informatique pose la question des partenariats public-privé dans un domaine sensible comme celui du développement des nouvelles technologies de l’information dans les administrations publiques. Aujourd’hui, la majeure partie des activités de l’Etat dépend des applications informatiques : les registres des électeurs et des contribuables sont numérisés, les décisions et leur élaboration transitent par des supports électroniques, tout comme les dossiers de l’aide sociale. C’est pourquoi laisser le soin à une entreprise privée de gérer de telles ressources revient quasiment à privatiser les services de l’Etat. Le rapport de la Cour des comptes vaudoise ne s’y trompe pas.

Sans écarter la possibilité d’une externalisation, il la conditionne à un strict contrôle politique. Malheureusement, le rapport n’aborde pas le problème crucial du type de programmes utilisés. En effet, l’utilisation de logiciels propriétaires dont le code source relève du secret commercial – telles la plupart des applications utilisées actuellement – présente les mêmes problèmes que ceux posés par la sous-traitance. Ils ne garantissent ni la confidentialité des données ni l’indépendance de l’Etat face à ses fournisseurs. Le texte de la Cour des comptes vaudoise ne recommande pas un développement respectant ces valeurs, qu’elle met en avant par ailleurs. Aujourd’hui, par exemple, rien n’empêche Microsoft d’augmenter les prix de ses produits, le client n’a alors pas le choix, si ce n’est celui de payer.

En revanche, en développant des logiciels libres, dont le code source est public, ou en utilisant ceux déjà existant, l’Etat serait plus libre de choisir ses prestataires sans être lié avec eux pour des années. Comme les logiciels resteraient publiquement accessibles, l’Etat aurait la possibilité de demander à une autre entreprise de reprendre la gestion de ses projets informatiques. De plus, ce choix présenterait l’énorme avantage de faciliter la mise en commun du développement des nouvelles technologies. Au lieu de développer et de payer vingt-six fois le même programme, les cantons pourraient utiliser le travail déjà effectué par d’autres en l’adaptant à leurs besoins si nécessaire.

Ainsi, tout en produisant un bien commun, l’Etat garantirait les règles de la concurrence, ce qui est loin d’être le cas lorsqu’il se lie avec un éditeur de logiciels fermés en lui conférant, de fait, un quasi-monopole. Une utopie ? Bien au contraire. Il n’est pas besoin d’aller jusqu’en France ou en Allemagne, où les initiatives se multiplient pour mettre en oeuvre de telles solutions politico-technologiques. A Lausanne, par exemple, le Tribunal fédéral a développé depuis bientôt dix ans une stratégie basée sur l’utilisation de logiciels libres. Enfin à Genève, en renonçant à la suite bureautique de Microsoft, le Département de l’instruction publique s’est lui aussi engagé sur le chemin d’une informatique véritablement publique.

Note : [1]Le Courrier du 16 décembre 2008.

Posté le 21 décembre 2008

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