Internet, victime collatérale de la loi sur l’audiovisuel

Repris de l’article publié par Homonuméricus
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Le projet de loi sur l’audiovisuel public recèle bien des surprises. On en connaît surtout deux dispositions majeures : la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques et la nomination de leur directeur par le chef de l’Etat, et non plus par le CSA, comme c’était le cas jusqu’à présent.

On sait moins que ce projet de loi aura certainement d’importantes répercussions sur Internet qui n’est pourtant pas a priori concerné.

Première conséquence, connue depuis un certain temps : la compensation des revenus publicitaires perdus par les chaînes publiques viendra en partie d’une taxe nouvelle pesant sur les entreprises de télécommunication : téléphone mobile, fournisseurs d’accès à Internet.

Malgré les apparences, l’idée n’est pas tout à fait neuve. Ainsi, elle se situe dans une certaine continuité avec l’extension de la redevance pour copie privée à tous les supports de stockage numériques qui procède de la même idée : mettre à contribution un secteur innovant et dynamique pour soutenir un secteur traditionnel et plutôt déclinant. Mais la continuité n’est que partielle, car ces supports de stockage accueillent au moins en partie des contenus bénéficiant de la redevance pour copie privée. On ne sait pas que les secteurs de l’Internet et du téléphone portable bénéficient particulièrement des émissions que diffuse France 2 ou France 3.

Evidemment, la plupart des entreprises concernées ont manifesté leur mécontentement.

Seconde conséquence : par le biais d’un amendement parlementaire émanant de parlementaires UMP, le gouvernement s’apprête à compenser la perte de pouvoir qu’il inflige au CSA, à qui échappe désormais la nomination du président de France Télévision, en lui accordant de contrôler le secteur de la publicité sur Internet. La proposition est astucieuse car elle vient réveiller un vieux désir de l’autorité de régulation qui s’est toujours sentie compétente pour prétendre réguler le nouveau secteur de l’Internet. Ces vélléités remontent au moins à Hervé Bourges, qui avait tenter une prise de pouvoir à l’occasion d’un célèbre Forum des régulateurs en 1999.

Et cette vieille idée d’une régulation de l’Internet repose sur une appréhension pour le moins particulière de ce mode de communication. En témoignent par exemple les propos que le député et porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, a tenus à l’Assemblée Nationale pour défendre un de ses amendements (finalement rejeté).

Reste que cette fois-ci, la plupart des acteurs de l’Internet, semblent bien décidés à ne pas se laisser faire. Et on est un peu étonné de les voir contraints à reprendre le vieux slogan : « Internet n’est pas de la télévision », qu’on entendait déjà il y a presque dix ans. On croyait le fait acquis ; il faut croire que non.

Ce n’est pas tout ; car de la loi sur l’audiovisuel à celle sur la riposte graduée, il n’y a qu’un pas, que le député Frédéric Lefebvre et la Ministre de la Culture Christine Albanel ont franchi, semble-t-il. L’un et l’autre se sont en effet accordé sur la possibilité d’y inclure une taxe sur les plateformes de partage de vidéos, comme Youtube ou Dailymotion, pour financer la production audiovisuelle.

On voit bien la logique à l’oeuvre au sein de l’UMP et du gouvernement : Internet est un média dangereux qu’il faut réguler et contrôler, mais aussi très profitable, qu’il faut donc taxer. Le problème est que le dynamisme du secteur -et donc sa profitabilité, et donc sa capacité à générer des rentrées fiscales - repose en grande partie sur le caractère bon marché de l’accès et sur le développement des usages qui s’accorde mal avec le discours absolument négatif dont ce mode de communication fait l’objet. On peut inverser la raisonnement : si Internet est néfaste et dangereux, parce qu’il corrompt la jeunesse et déstabilise les médias traditionnels, on peut chercher à en freiner l’expansion par le moyen de verrous et cadenas, mais aussi en le taxant lourdement. On se demande alors quelle peut-être la place du Plan Besson dans cette politique. Entre profiter d’un secteur économique dynamique et chercher à le restreindre pour toutes sortes de raisons, il faudra bien choisir.

Posté le 21 décembre 2008

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