La riposte graduée et ses polices privées remise en cause par le parlement Européen

L’amendement 138 sur l’autorité judiciaire largement adopté

Débat important hier au parlement européen sur la possiblité ou non de faire intervenir des polices privées ou administratives dans la restriction des libertés individuelles.

Après l’échec prévisible des mesures de protection physique limitant la réutilisation d’un contenu (les "DRM") adopté l’an passé par le parlement, les majors et leurs alliés font pression pour l’adoption de mesures qui permettraient de couper l’accès internet de personnes soupçonnées de télécargement illégal. Un projet de loi "Hadopi" connu sous le nom de "riposte graduée" est en préparation par la ministre de la Culture, Christine Albanel.

L’amendement 138 déposé par les eurodéputés Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit et Zazana Roithová réaffirme la compétence des autorités judiciares en matière de restriction des libertés :

"le principe selon lequel aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés des utilisateurs finaux, notamment dans le respect de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne concernant la liberté d’expression et d’information, sans arrêt préalable des autorités judiciaires, sauf lorsque cette restriction est dictée par une force majeure ou par les exigences de la préservation de l’intégrité et de la sécurité des réseaux, et soumise à des dispositions nationales de droit pénal imposées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de moralité publique".

L’amendement a été approuvé à une très large majorité (573 pour, 74 contre), affimant ainsi qu’en Europe aucune restriction à la liberté d’expression et d’information d’un citoyen ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire.

C’est un sérieux coup d’arrêt au projet de loi de la ministre et de ses alliés déjà sévèrement critiquée par les associations de consommateurs, la CNIL et l’association des fournisseurs d’accès.

En septembre, le Contrôleur européen à la Protection des Données (CEPD) critiquait (PDF) deux directives du Paquet Télécom en relavant
« une surveillance systématique, pro-active et à grande échelle de l’usage d’Internet ». Il reprenait une déclaration émise le 18 janvier 2005 par un groupe de travail sur cette question : « Même si tout individu a naturellement le droit d’exploiter des données judiciaires dans le cadre de litiges le concernant, le principe ne va pas jusqu’à permettre l’examen approfondi, la collecte et la centralisation de données à caractère personnel par des tiers, y compris, notamment, la recherche systématique à grande échelle, comme le balayage d’Internet (...). De telles enquêtes sont de la compétence des autorités judiciaires ».

Ce qui fait dire à l’un des auteurs de l’amendement l’euro-député Guy Bono qu’ "Aujourd’hui l’Europe apparaît comme le dernier rempart contre les velléités liberticides de certains Etats membres".

L’amendement 138 conforte également le le principe de la neutralité du net :

"les utilisateurs finaux doivent pouvoir accéder à tout contenu et en diffuser, et utiliser toute application et/ou service de leur choix, sous réserve de dispositions nationales de droit pénal imposées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de moralité publique."

Posté le 25 septembre 2008 par Michel Briand

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