Débat sur la loi sur l’économie numérique "LEN" contribution critique parue sur Samizdat

La loi sur l’économie numérique votée au sént entraîne de nombreuses réactions.

Voici un article, examen critique de cette loi paru sur Samizdat

Vos avis et réactions sont bienvenus dans le forum disponible en pied de page.

From : Samizdat <http://samizdat.net>

LEN : la liberté, le crime qui contient tous les crimes

« Gouvernements du monde industriel, gérants fatigués de chair et
d’acier, je viens du cyberspace, nouvelle demeure de l’esprit. Au nom
de l’avenir, je vous demande, à vous qui êtes du passé de nous
laisser tranquilles. Vous n’êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous
n’avez aucun droit de souveraineté sur nos lieux de rencontre », John
Perry Barlow, Déclaration d’indépendance du cyberspace.

L’Assemblée nationale a finalement voté en seconde lecture la « Loi
sur la Confiance dans l’Economie Numérique » (LEN) sous les auspices
de Nicole Fontaine, ministre de l’Industrie. De fait cette loi, si
elle est définitivement adoptée, instaurera en France un véritable « 
contrôle des contenus » de l’Internet - pratiques jusqu’ici
essentiellement réservées à des dictatures comme la Chine, l’Iran ou
la Birmanie - et transformera par là-même, pour certains à leur corps
défendant, tous les opérateurs de services Internet en véritables
auxilliaires privés de police et de justice.

Concrètement selon la LEN désormais :

  • Nos courriers électroniques ne seront plus considérés comme de la
    correspondance privée, ce qui leur retire le droit à une totale
    confidentialité qui leur était jusqu’alors reconnu.
  • Les hébergeurs se voient imposer une obligation de surveillance par
    défaut de toutes les données stockées et transférées sur le réseau,
    qu’il s’agisse de sites web, d’interventions sur des forums,
    d’espaces de discussion en direct, de répertoires de données, etc.
  • Les fournisseurs d’accès devront participer à la censure a priori
    des contenus visibles en mettant en place des outils de filtrage dont
    il est notoire qu’ils sont techniquement inefficaces.

Officiellement cette loi, qui vise avant tout à sécuriser le « 
commerce électronique », prétend ainsi mettre en conformité la
législation française avec une directive européenne... qui en fait
n’existe pas ! En effet, aucune directive européenne à ce jour n’a
jamais proposé de telles mesures que seuls des régimes autoritaires
ont jusqu’ici instaurées.

Tout le monde sait, par contre, que les services de Nicole Fontaine
sont particulièrement « attentifs » aux intérêts du lobby des majors
du « loisir numérique » - celui-là même qui a obtenu d’un précédent
gouvernement (socialiste) la taxation des supports numériques comme
les disques durs ou les CD-Rom inscriptibles - qui est aujourd’hui
prêt à sacrifier nos libertés pour empécher le téléchargement de
quelques MP3 ou MPEG par la masse des adolescents et adolescentes ou
mélomanes considérés comme des « clients » potentiels.

Ces dispositions, comme toujours prises au nom du principe
sécuritaire, s’inscrivent aussi dans la continuité des mesures mises
en place par la « Loi de sécurité quotidienne » (LSQ), conçuent par
le gouvernement Jospin sous le nom de Loi sur la Société de
l’Information (LSI) et mise en oeuvre aux premières heures du régime
Raffarin-Sarkozy. Faut-il rappeler que la LSI a déjà, entre autre,
imposé aux fournisseurs de services et aux hébergeurs de conserver
des « traces » de l’activité en réseau de leurs utilisateurs
(conservation des fichiers de log durant 2 ans) et a légalisé les
intrusions policières sur les disques durs.

Aujourd’hui, contrairement à la LSQ qui fut adoptée dans une relative
indifférence généralisée, en dehors des milieux militants et
activistes, la LEN met en émoi tout l’Internet hexagonal, jusqu’à la
très respectable Association des fournisseurs d’accès et de services
Internet (AFA) qui se mobilise pour la « liberté d’expression » sur
les réseaux.

Nous ne pouvons certes que nous réjouir de la multiplication des
protestations contre un texte qui ne brille que par son mépris
grossier des principes démocratiques les plus élémentaires. Nous ne
pouvons, par contre, nous satisfaire des prises de position récentes
de l’AFA qui annonce qu’en cas de vote « en l’état » de la LEN la
réaction de ses membres (à savoir les plus importants hébergeurs
commerciaux de France) serait de fermer les espaces personnels (site
web, album photo, forum) de leurs « clients. » La belle affaire !

Suffirait-il de supprimer les possibilités d’hébergement gratuit des
internautes - et se mettre ainsi à l’abri des foudres de la loi - pour
garantir la pérénnité d’une liberté d’expression sur l’Internet
accessible à tous et à toutes ?

Nous croyons au contraire qu’il appartient à l’ensemble des acteurs de
l’Internet alternatif et non-marchand, mais aussi aux activistes qui
utilisent les réseaux, à l’ensemble des internautes, des simples « 
utilisateurs » de services en ligne, non seulement de protester contre
ce projet de loi, mais aussi et surtout de se donner les moyens de
défendre concrètement et matériellement la liberté d’expression et de
pensée dans ce pays.

Pour cela, il nous semble donc nécessaire, entre autre :

1) De privilégier les structures d’hébergement associatif et mutualisé
qui offrent un minimum de garantie morale quant aux données de
connexion conservées et aux conditions de leur accessibilité par les
services de police et de justice. Nous savons, par exemple, par de
nombreux témoignages recueillis par la Fédération informatique et
liberté (FIL) que certains fournisseurs commerciaux (dont des membres
de l’AFA qui protestent aujourd’hui) pratiquent déjà la censure a
priori, n’hésitant pas à fermer des sites web sur simple dénonciation
- c’est-à-dire sans attendre une injonction légale - parce qu’ils
proposent des fichiers en téléchargement ou sont consacrés à des
sujets jugé à « haut risque » comme la situation au Proche-Orient.

2) De refuser d’utiliser des services commerciaux en ligne (mailing
lists, forum, webmail) qui conservent des données personnelles sur
leurs utilisateurs, en général à des fins publicitaires, et font peu
de cas de la sécurisation de celles-ci. Les cookies et autres
javascripts inhérents à ces services sont trop souvent de véritables
espions de nos activités en ligne.

3) De privilégier l’utilisation de logiciels libres de navigation sur
le Web et de gestion du courrier électronique (même lorsque l’on est
sous Windows ou Mac !) qui permettent de façon transparente la
gestion des données collectées par des sites web (gestion des
cookies), le blocage des emails indésirables et des bandeaux
publicitaires, l’intégration des outils de cryptographie, etc.

Notons qu’au-delà des logiciels eux-mêmes, il existe également des
systèmes d’exploitation sécurisés, comme la distribution GNU/Linux
Knoppix-MIB, qui permet notamment aux utilisateurs de sécuriser la
totalité de leurs données, quel que soit l’ordinateur qu’ils
utilisent (CD-Rom bootable avec cryptage des données sur support
amovible).

4) De privilégier le recours à des services de courrier électronique
sécurisé (accès à son courrier en POP ou en Webmail crypté) et
généraliser le recours aux outils logiciels de cryptographie forte
comme GNU Privacy Guard (GPG) pour sécuriser et authentifier le
contenu de nos
correspondances. Une pratique qui pouvait jusqu’ici apparaître comme
l’apanage des nerds, geeks et autres hackers, mais qui devient
essentielle lorsqu’un Etat entend s’arroger un droit d’accès à nos
échanges personnels.

Rappelons au passage que le cryptage des données est légal en France
(depuis peu certes) et nous permet en toute légalité de nous protéger
des conséquences de la LEN.

5) D’utiliser massivement les capacités de diffusion des réseaux
d’échange P2P (eDonkey, Overnet, Bittorrent, etc.), et des réseaux
d’échanges cryptés (Freenet, GNUnet, Mute) de façon à utiliser
pleinement les capacités de circulation des réseaux... bien au-delà
des frontières étriquées de l’Hexagone.

Pour notre part, enfin, nous tenons à réaffirmer, vis-à-vis de tous
ceux et celles qui nous ont fait confiance en demandant par exemple
d’héberger un site web, d’utiliser notre service de mailing list ou
de disposer d’une adresse email, que les pratiques qui ont été les
nôtres jusqu’à ce jour continueront en dépit des modifications
juridiques en cours et des menaces qu’elles font planer sur la
liberté d’expression et l’existence même d’un véritable Internet
alternatif.

Nous n’entendons ainsi, pas plus demain qu’hier ou aujourd’hui,
demander à quiconque est hébergé sur samizdat.net de décliner une
identité : le choix de ceux que nous hébergeons s’est toujours fait
sur des critères politiques ou affinitaires. Nous n’entendons pas non
plus surveiller à un titre ou un autre le contenu des sites Web,
mailing lists, album photos, répertoires ou forum hébergés pour le
compte des services de police ou de justice : chacun son boulot !
Notre rôle reste avant toute chose celui de favoriser, même
modestement, la communication alternative et l’information libre, non
de maintenir l’ordre social existant.

En tout état de cause, au cauchemar numérique que certains veulent
nous imposer, nous choisirons toujours l’insoumission et la
désobéissance.

samizdat.net
22 janvier 2004

Initiatives à suivre :

  • La Ligue Odebi, qui regroupe les principales associations d’abonnés
    aux services de connexion haut débit, propose ainsi à l’ensemble des
    internautes de « frapper significativement, largement et durablement
    les intérêts économiques de l’industrie du disque » pour stigmatiser
    le lobby de l’industrie phonographique qui est à l’origine des
    mesures liberticides du projet de loi Fontaine. Cette campagne de
    boycott de l’industrie du disque nous semble effectivement un bon
    moyen de faire comprendre notre mécontentement aux majors en mettant
    le doigt là où cela fait mal. http://www.odebi.org/boycothon/
  • La Ligue Odebi (encore !) organise une campagne d’emails de
    protestation auprès des sénateurs, des députés et du Président de la
    République pour dénoncer la « loi des majors. »
    http://www.odebi.org

Références :

Ressources :

Posté le 23 janvier 2004

©© a-brest, article sous licence creative common info

Nouveau commentaire
  • Mars 2005
    18:47

    > Débat sur la loi sur l’économie numérique "LEN" contribtion critique parue sur Samizdat

    Bonjour, vous pouvez trouver plus d’info sur la loi sur l’économie numérique sur www.loi-economie-numerique.com

    Voir en ligne : http://www.loi-economie-numerique.com

  • Janvier 2004
    02:44

    > Débat sur la loi sur l’économie numérique "LEN" contribtion critique parue sur Samizdat

    par Olivier Archer (Infini hebergeur associatif)

    A noter aussi l’initiative menée par globenet contre la LEN : le cecithon !
    L’objectif est de recolter des promesses de don pour offrir des lunettes noires a nos chers députés. Ainsi ils ne verront plus ces informations qui les preocuppent tant...

    Vous avez retrouvé la vue ? Ne soyez pas egoiste : d’autres ont peut-etre envie de la perdre !

    SAUVEZ UN INTERNAUTE, EQUIPEZ UN DEPUTE !

    Participez au cecithon !

    http://cecithon.propagande.org

    Voir en ligne : offrez des lunettes noires aux députés